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Quel cadeau faire à un collectionneur de BD ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 décembre 2023                      Lien  
Vous le connaissez, ce collectionneur, ce fan de BD, cet enthousiaste. Il sait tout (il lit ActuaBD), il a tout, ses bibliothèques sont remplies d’illustrés et autres histoires en images. Comme près de 50% des lecteurs d’ActuaBD, les BD, il les compte par centaines. Alors quel livre lui offrir pour faire la surprise ? Allez savoir, vous qui n’y connaissez rien ! Une idée dès lors : offrez-lui un essai, une monographie, un beau livre sur la BD. Voici six idées de sorties récentes…

Au-delà des contrées du crépuscule d’Olivier Ledroit - Glénat

Alors là, pour un beau livre, c’est un beau livre ! De grand format ( 29.8 x 36.8 cm et 3 kg), avec une large pagination (322 pages), ce livre rend justice au travail d’Olivier Ledroit. C’est un pur plaisir de l’œil, un voyage graphique sans égal dans un univers qui en fait l’un des plus grands illustrateurs fantastiques de son temps, l’égal d’un Druillet à son époque. Franchement, c’est une claque magistrale, magnifiquement imprimée et mise en page. Le cinéaste Jan Kounen écrit dans la préface : « Certains de ses tableaux sont des vertiges d’orfèvrerie. Je l’imagne se plonger avec passion dans sa création, s’ouvrir sans mettre de limites et jugements, devenir cet espace et le retranscrire méticuleusement. Parfois, il m’a terrifié, mais souvent émerveillé. Certaines images vont vous faire reculer, tandis que d’autres vous enlaceront avec délice.  » On ne peut mieux dire.

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Quel cadeau faire à un collectionneur de BD ?

William Vance, Monographie – Entretiens avec Patrick Gaumer – Dargaud

Avec Patrick Gaumer, l’auteur du Larousse de la bande dessinée, on est toujours assuré d’avoir un travail de qualité, sérieusement documenté, appuyé sur des documents et des témoignages fiables. C’est une fois de plus le cas de cette monographie sur William Vance, le dessinateur de XIII, de Bob Morane, de Bruno Brazil, de Bruce J. Hawker, de Ramiro ou encore de Ringo et Howard Flynn. Un dessinateur au trait original et immédiatement reconnaissable, un style unique influencé par le dessin belge, certes, mais aussi hollandais (Hans Kresse), anglais (Frank Bellamy) voire hispanique (les productions des dessinateurs espagnols pour Fleetway).

Parcourant avec le dessinateur flamand, décédé en 2018, œuvre par œuvre, volume par volume, Gaumer obtient non seulement des anecdotes essentielles sur chacune de ses créations qui donnent un contexte historique passionnant à l’époque, mais aussi une véritable leçon de dessin, l’auteur expliquant ses choix, sa technique et les circonstances de sa production. L’ouvrage, fort de près de 400 pages contient un grand nombre de révélations inédites. On aurait préféré assortir ces propos de belles images en couleurs, mais cela aurait donné un ouvrage d’art monumental qui aurait peut-être éclipsé le propos. C’est en tout cas l’une des plus belles monographies de l’année.

Bande dessinée : anatomie d’un art – Dissection de planches originales - Par Damien MacDonald – Flammarion

Damien MacDonald est dessinateur, plasticien et sporadiquement auteur de BD. Mais il est aussi l’un des commissaires d’exposition les plus prometteurs de l’époque. Il a œuvré notamment pour l’exposition Marginalia à Monaco où étaient exposés les plus grands artistes de l’histoire du 9e art, une expo qui a fait date.

Ce livre en est un peu le prolongement, conçu en accompagnant une exposition itinérante de la Caixa en Espagne. Ce qui me séduit chez MacDonald, c’est que nous sommes en dehors d’une vision de la bande dessinée telle qu’on la pratique jusqu’à aujourd’hui, entre sémiologues issus de la gnose angoumoisine, universitaires en goguette prétentieux et souvent ignares, et collectionneurs fétichistes et complétistes (le nombre d’ennemis que l’on peut se faire en une phrase !) : je n’ai jamais lu une analyse de la « mytho-poétique » des super-héros (le vocable est d’Umberto Eco) vue comme une apologie de la banalité du bien, concept en négatif de la banalité du mal de Hanna Arendt.

Je n’ai jamais lu ailleurs cette description de la production commerciale occidentale actuelle, bouffie de surproduction : « En appliquant jusqu’à la fadeur la recette héritée de la contre-culture, l’antihéros a dégénéré en une vénération de Monsieur Tout-le-Monde, souvent à la frontière du benêt, qui fait le bien de manière banale, sans trop s’en rendre compte, entre deux smoothies. Du héros antique du dépassement de soi, nous sommes passés à un héros moderne de l’acceptation de soi. […] Si l’on se souvient que la bande dessinée a été longtemps un refuge pour les marginaux, les déviants et les rebelles, on se demande vraiment ce que va produire comme nouvelle avant-garde la colère contre ce soudain adoubement culturel de la BD, concomitant à une culture de masse qui en a gardé le pire. » Et bing. Un livre salutaire.

Dans l’Ombre du Professeur Nimbus – par Antoine Sausverd – Editions PLG

Voici un ouvrage qui mérite le détour. Vous avez peut-être vu passer cette bande dessinée muette que l’on retrouvait avant-guerre au milieu des grands classiques de la BD américaine distribué par Opera Mundi appelée Le Professeur Nimbus. Elle a été créée à l’initiative de Paul Winkler, le fondateur d’Opera Mundi (1928) et du Journal de Mickey (1934), l’un des principaux éditeurs de la presse illustrée d’avant-guerre, représentant en France des grands syndicates américains qui diffusaient Flash Gordon, Mandrake, Prince Valiant, Pim Pam Poum, Tarzan, Félix le chat et surtout Mickey qui devient une star mondiale à partir de 1930. Le dessin du Professeur Nimbus était assuré par André Daix.

Rapidement, entre Winkler qui gère son agence « à l’américaine » , c’est-à-dire qu’il exploite l’œuvre sans trop s’embarrasser de l’auteur, considérant que le personnage est sa propriété, ce qu’un contrat avec l’auteur lui assure juridiquement, la relation va tourner à l’aigre. Winkler, d’origine juive, est la cible de l’extrême droite antisémite de son époque et des Communistes opposés aux bandes dessinées américaines. André Daix, quant à lui, est un fasciste avéré, dessinant en même temps sous pseudo pour la presse la plus radicale de l’extrême-droite française.

Quand arrive la guerre, Daix profite de l’occupation et de l’« aryanisation » de l’entreprise de Winkler pour récupérer son personnage et le mettre au service de l’occupant nazi. Daix aurait même rejoint la milice et pris sa carte de Waffen-SS, se repaissant et profitant de dénonciations diverses !

Évidemment, à la Libération, il est mis en cause et s’enfuit de France pour le Portugal fasciste où le régime est plus conforme à ses idées. Il va y résider quelques décennies durant avant de revenir en France sur le tard. Entretemps, Winkler a récupéré Le Professeur Nimbus et l’a confié à d’autres dessinateurs : le dessinateur russe Lief de Enden, le Français Robert Velter -le propre créateur de Spirou !, enfin Pierre Le Goff décédé récemment.

Antoine Sausverd et son éditeur, Philippe Morin (PLG)
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Cette histoire passionnante et inédite, Sausverd la raconte avec force détails et notes en bas de page, ouvrant de passionnantes perspectives de recherche et de relecture de l’histoire de la bande dessinée. La qualité de son travail lui a valu le prix SoBD remis lors de la dernière édition du salon en décembre.

Franquin – Les Secrets d’une œuvre – Par Bob Garcia – Editions du Rocher (à paraître en janvier 2024.

On connaît Bob Garcia, tintinologue patenté (une dizaine d’ouvrages à son actif), héraut d’une érudition « en contrebande » qui lui vaut de croiser régulièrement le fer avec la vétilleuse maison Moulinsart… Peut-être pour souffler, il s’attaque aujourd’hui au créateur de Gaston Lagaffe dans un ouvrage intitulé Franquin – Les Secrets d’une œuvre. Comme dans ses ouvrages sur Tintin, il passe en revue les albums de l’auteur pour en repérer les sources et les anecdotes amusantes.

Le procédé est rôdé : un bref résumé de l’album, une contextualisation du sujet par rapport à l’actualité de l’époque, les éléments à retenir de l’épisode et le détail anecdotique amusant que même un bon lecteur des aventures de Spirou ou de Gaston n’aurait pas décelé à la première lecture. Bob Garcia l’applique à toute l’œuvre du dessinateur bruxellois : Spirou, Gaston, Modeste & Pompon, Les Idées Noires,… On apprend des choses et on ne s’ennuie pas, mais, pour une questions de droits, c’est le dessinateur Nicolas Sterin qui s’est occupé d’illustrer l’ouvrage. On aurait peut-être pu lui laisser davantage de temps…

Tryphon de A à Z : petit dictionnaire Tournesol – Par Pierre Bénard – Ed. 1000 Sabords.

Vous avez affaire à un tintinophile ? Offrez-lui un de ces ouvrages écrits en contrebande du château de Moulinsart, dans la fameuse collection dirigée par Renaud Nattiez. Bien écrit, cet essai passe en revue un abécédaire qui s’intéresse au savant lunaire des aventures du reporter à la houppe. Un petit opuscule amoureux dédié au « doux Tryphon si grêle, si modeste, si rêveur, aux sautes d’humeur ébouriffantes… » Un cadeau idéal pour tout scientifique tintinophile.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Tintin Gaston Lagaffe Spirou Le Professeur Nimbus ✏️ Olivier Ledroit ✏️ André Franquin ✏️ Hergé ✏️ William Vance ✏️ André Daix Etude sur la BD
 
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5 Messages :
  • Quel cadeau faire à un collectionneur de BD ?
    18 décembre 2023 12:55, par Jacques Langlois

    Non crédité le dessinateur Nicolas Stérin, qui fait ( pas très bien, en effet ) du faux Franquin ? Je vois pourtant, Cher Didier, son pseudo « Sternic » sur le dessin de la couverture reproduite ici.
    Par ailleurs, Renaud Nattiez a quitté ses fonctions chez « 1000 Sabords » depuis le 30 juin dernier. Personne, à ma connaissance, ne l’a remplacé, ce qui est un peu dommage car la nouvelle éditrice n’est guère versée dans la tintinologie…
    Passe d’excellentes fêtes !

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    • Répondu par sternic le 18 décembre 2023 à  23:28 :

      Pour cette couverture, l’idée n’a jamais été de faire du "faux Franquin", au contraire, il fallait ne pas imiter le style du maître, sous peine d’être accusé de copieur ou de contrefacteur. Il fallait juste, représenter une certaine vision de Franquin entouré de ses héros, également dans un style éloigné mais reconnaissable par tout un chacun. Le terme " d’après Franquin" ne veut pas dire tentative de copie du maître, mais "fait d’après son univers et ses héros". J’ai lu que certains trouvaient ce dessin "ignoble" ou "digne d’un enfant de 5 ans", je les invite donc à vite tourner la page de couverture pour ne pas froisser leurs yeux de grands spécialistes de la "Bayday" et à s’intéresser au contenu écrit par Bob Garcia, c’est tout a fait passionnant.

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      • Répondu le 19 décembre 2023 à  09:07 :

        Les gens ici sont méchants. Surtout quand il s’agit de défendre leurs vaches sacrées. Tranquillisez-vous, on le voit bien que vous avez dessiné Franquin entouré de ses personnages sans essayer du tout d’imiter son style

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  • Quel cadeau faire à un collectionneur de BD ?
    18 décembre 2023 18:54, par jan v.

    "Ce qui me séduit chez MacDonald, c’est que nous sommes en dehors d’une vision de la bande dessinée telle qu’on la pratique jusqu’à aujourd’hui, entre sémiologues issus de la gnose angoumoisine, universitaires en goguette prétentieux et souvent ignares, et collectionneurs fétichistes et complétistes (le nombre d’ennemis que l’on peut se faire en une phrase !) .... "
    Eh bèn, il est rare de lire des observations aussi pointues ... cela incite à l’achat et à la lecture de l’ouvrage. Merci !

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    • Répondu le 18 décembre 2023 à  21:54 :

      Quel cadeau faire à un collectionneur de BD ? Une étagère Billy supplémentaire.

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