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R. Guérineau & F. Nury (XIII Mystery) : "Steve Rowland n’a que des qualités comme personnage et que des défauts comme héros"

Par Charles-Louis Detournay le 8 octobre 2012                      Lien  
Première collaboration entre le dessinateur du [{Chant des Stryges}->br4827] et le scénariste d'[{Il était une fois en France}->art12757]. Cet album solide revisite les coulisses du mythe des premiers albums de {XIII}. Prenant !

Comment s’est déroulé votre premier contact avec XIII Mystery ?

Fabien Nury : Côté scénario, tout est sous contrôle et c’est soumis à approbation bienveillante. J’ai bien entendu reçu quelques remarques de Jean Van Hamme. Mais c’était réellement avec plus de l’aide que de l’entrave.

Richard Guérineau : De mon côté, il ne fallait pas refaire du Van Hamme & Vance, mais bien s’approprier l’univers de la série et justement donner un autre point de vue. Je suis allé à l’instinct, en évitant les aplats de noir que j’ai l’habitude d’employer. Inconsciemment, en relisant les XIII, j’ai vu que Vance utilisait très peu de noir, donc c’était cohérent de le traiter ainsi. Puis, aux USA, il y a beaucoup d’ambiance et de grand espaces, donc cela s’est logiquement imposé d’adapter ainsi mon dessin.

R. Guérineau & F. Nury (XIII Mystery) : "Steve Rowland n'a que des qualités comme personnage et que des défauts comme héros"

Votre récit s’axe volontairement sur les premiers albums de XIII, qui constituent sans doute le meilleur de la série.

FN : Oui, j’avais fait exprès de reprendre les huit premiers albums, qui représentent une grosse madeleine de Proust. Entre Là où va l’indien, Spads et Soleil noir, je voulais pouvoir revisiter ces différents moments, tout en profitant de montrer la guerre en Asie, et tous ces différents décors.

N’avez-vous pas ressenti une appréhension à dessiner le physionomie de XIII à toutes les pages ?

RG : Effectivement, cela m’a été un peu difficile de choper rapidement la physionomie de XIII. Pour finir, c’est en relisant les albums que cela s’est décoincé. Bien entendu, XIII, le héros de la série étant un sosie, il y a une marge entre les deux individus. C’était un cadeau d’avoir relu tous les épisodes, près de 25 ans après ma première lecture. Je n’avais plus mon regard d’adolescent, on sent que cela a un peu vieilli même si le cœur demeure très fort. Les autres personnages sont arrivés plus facilement. D’abord car ils sont plus jeunes, ce qui me laissait une légère liberté pour modifier leur apparence par un détail ou une coiffure.

Le personnage de Steve Rowland est une réelle énigme, car on ne le voit que dans des flashbacks lors de ses incursions dans la série-mère…

FN : Effectivement, Rowland est archi-présent, mais aussi très creux, car il est plein de mensonges dans les on-dit. Et j’ai voulu jouer avec tout cela, essayer de connaître ce qui s’était passé dans les coulisses. La seule fois où Richard dessine le tatouage de XIII, c’est dans un miroir, tout est donc dans le reflet. Rowland n’a que des qualités comme personnage et que des défauts comme héros. Victime d’une éducation fasciste et antisémite, c’est donc un trajet très intéressant pour un récit noir. Est-ce qu’il a le temps de réfléchir avant que toutes les pièces du puzzle se mettent en place ? Même son histoire d’amour est celle d’un thriller paranoïaque. C’est sa seule capacité humaine, un amour dérisoire et pathétique. À la fin de sa vie, il est en délire total, embrassant Kim alors qu’elle vient de lui dire qu’elle le trahissait depuis le début ! Elle est totalement stupéfaite de son geste saugrenu. On sort donc avec beaucoup d’émotion.

Plus globalement, le dessin et le découpage de Vance sont très typiques. Avez-vous dû revoir votre copie pour quelques planches ?

RG : Le découpage de Rowland est très différent de celui de Vance et Van Hamme, car ils mettaient beaucoup d’infos dans une case, alors que pour ma part, j’ai plutôt tendance à sur-découper. Heureusement, le scénario de Fabien va droit au but. J’ai donc du trouver l’équilibre entre ces deux types de découpage.

FN : La personnalité de Richard, très présente dans ce récit où l’on raconte la vie d’un homme en 54 pages, est très elliptique, mais il faut aussi parfois prendre le temps de l’appréhender. Cette analyse permet d’ailleurs d’aller encore plus loin dans la scène-clé de l’attentat, un événement qui va générer un récit de 25 albums mais qui, paradoxalement, a été peu vu dans ces mille pages.

RG : L’attentat est également le contre-champ de la vision de Meyer et de Vance, c’est le retournement de la mise en scène. C’est vraiment l’envers du décor qu’on a voulu montrer, et le plaisir que l’on a voulu donner au lecteur.

C’est la première fois que vous collaborez ensemble, comment s’est déroulée cette prise de contact ?

RG : La machinerie XIII Mystery implique un découpage entre les différentes parties de chaque album. Normalement, j’aime beaucoup m’impliquer dans les scénarios, mais ici, je ne pouvais donc vraiment toucher. Lorsque j’ai donc choisi mon récit et mon personnage, j’ai changé ma méthode de travail afin de pouvoir m’adapter au contexte. C’est à ce moment-là qu’on s’est rendu compte qu’on avait les mêmes affinités concernant le polar et le cinéma. Naturellement, nous sommes devenus plus proches, ce qui nous a permis de tirer le meilleur de notre travail en commun.

FN : Pour ma part, j’étais bien entendu très intéressé de travailler avec celui qui avait réalisé le vol du corps de Jésus dans Le Casse, l’habile dessinateur du Chant des stryges et orfèvre du western crépusculaire. Mais il fallait surtout qu’on partage quelque chose, avant de le faire passer ensuite au lecteur. Instinctivement, on a directement été l’un vers l’autre. Dans mes scénarios, lorsque j’évoque de décors, j’utilise des références à des films. Et heureusement, Richard les avait non seulement vus, mais même appréciés ! Ce terreau commun a donc permis de passer facilement des références et de s’apprécier naturellement, l’un et l’autre. On partageait le même bac à sable depuis longtemps, mais sans se connaître.

Si cette collaboration s’est si bien déroulée, avez-vous envie de remettre le couvert ?

FN : Oui, tout-à-fait ! Il y a d’autres bacs-à-sable qui nous tentent et que nous partageons, d’autres univers à explorer ! Mais c’est encore un peu tôt pour vous en dire plus.

Et concernant vos actualités respectives, sur quoi travaillez-vous ?

RG : De mon côté, il y a bien entendu Le Chant des Stryges qui sort dans deux mois. Puis je travaille sur une grosse adaptation en 120 pages du dernier roman de Jean Teulé : Charlie 9. Je voulais satisfaire mes envies avec cette grande plongée historique et ce format qui me donne beaucoup plus de liberté dans ma narration. Cela sortira chez Delcourt.

FN : Mon actualité se concentre bien entendu sur le dernier tome d’Il était une fois une France. D’entrée de jeu, nous savions que le récit se présenterait en 6 tomes. Puis, lorsqu’on réalise une biographie, on doit respecter ce qui s’est vraiment déroulé. Ce sera donc le point final, ce qui représente beaucoup d’émotion pour tous les deux, car Il était une fois en France nous a beaucoup apporté. Mais je dois aussi avouer que j’aime écrire les fins, c’est gratifiant de pouvoir poser les dernières pierres d’un récit qu’on a ainsi échafaudé. Bien entendu, nous avons d’autres envies avec Sylvain (Vallée), mais il faudra patienter car il doit également réaliser son propre XIII Mystery...

De mon côté, je suis en train d’achever pas mal de choses : en effet, j’ai terminé Les Chroniques de Légion et La Mort de Staline, et j’ai fini d’écrire le quatrième et dernier tome de L’Or et le sang, un récit d’amitié qui j’apprécie particulièrement.

Mais je travaille sur de nouveau héros ! Silas Corey est un diptyque très Arsène Lupin qui sortira chez Glénat. Pierre Alary illustre le Paris de la Belle Époque.

Puis, je collabore avec Brunö, sur un gros one shot de 92 pages chez Dargaud : Tiller Cross. On peut résumer cette histoire de gangsters en disant que ce sera une sorte de "Bogart chez les Rednecks".

(par Charles-Louis Detournay)

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3 Messages :
  • R. Guérineau & F. Nury (XIII Mystery) : un album excellent !
    8 octobre 2012 13:07, par Oncle Francois

    Bons sang, je l’ai lu hier d’une traite. Référentiel et innovant, politique sans être simpliste. Excellent !! et moins "fabriqué" que la continuation de la série originale. Jean Van Hamme crée des univers si riches qu’ils peuvent etre développés par d’autres, de façon agréable. Je lui tire mon chapeau !!

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    • Répondu par Fred le 8 octobre 2012 à  15:48 :

      Jean Van Hamme crée des univers si riches

      Sauf que JVH n’a pas créé là, c’est Robert Ludlum qui a écrit La mémoire dans la peau dont JVH s’est "inspiré", rendons à César...

      Répondre à ce message

      • Répondu par Hache le 10 octobre 2012 à  11:05 :

        Mon dieu, vous voulez dire qu’avant Ludlum, aucun scénariste n’avait jamais exploité l’amnésie d’un agent secret pour écrire une histoire ?

        Répondre à ce message

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