"Un pas de côté" : voilà une expression qui revient souvent chez Pauline Bardin et Edouard Bourré-Guilbert propre héros de leur BD. Ils ont le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond dans leur alimentation : achats de produits hors-saison, fréquentation d’hypermarchés dans lesquels fruits et légumes sont "beaux" parce que régulièrement hydratés, trajets et coûts exorbitants de ce qui se retrouve dans leur assiette… C’est décidé : ils vont désormais produire eux-mêmes ce qu’ils ont envie de manger.
Mais il ne suffit pas de décréter vouloir manger « mieux » et de s’improviser maraîcher sur un bout de terrain : le chemin vers une autre alimentation peut être long et nécessite un apprentissage : lectures, stage d’agroécologie, découverte de l’AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) ou encore fréquentation de supermarchés coopératifs.
Réussir ses propres semis est alors à portée ; mais, bien évidemment, on ne réussit pas toujours sa transition du premier coup. À force de persévérance, Pauline et Edouard espèrent ainsi bifurquer vers un monde et des problématiques qui changent, et espèrent faire des émules.
Le livre est ainsi le récit d’une expérience et une invitation pour celles et ceux qui se posent des questions (par qui sont produits mes fruits et légumes ? Comment sont-ils cultivés ? Avec quel type de graines ?), souhaitent se rapprocher de la nature, mais ne savent pas nécessairement comment s’y prendre ou vers qui se tourner, en ancrant ces préoccupations dans un quotidien très concret. C’est pédagogique, souvent drôle, et coloré, grâce aux illustrations de l’italien Nicola Gobbi.
Maraîchage, potager sauvage, jardin partagé, potager au balcon, green working... On peut souligner que même si ce type de démarche est présenté comme ouvert à toutes et tous pour peu qu’on ait un peu de bonne volonté, cela semble surtout réservé à une certaine frange de la population, plutôt urbaine, diplômée, relativement aisée, et sensible aux enjeux écologiques, ce que semblent être Pauline et Edouard. Et, surtout, il faut un peu de temps, un luxe dont tout le monde ne bénéficie pas.
La rhétorique, popularisée par les réflexions de Pierre Rabhi, cité dans l’ouvrage, du « chacun fait selon ses moyens » est aussi porteuse d’interrogations sur la culpabilisation faite aux individus, sans que l’on n’impute de responsabilités plus globales et politiques.
Le « militantisme », présenté dans le récit comme une tare, a aussi des vertus. Il n’est pas non plus interdit – et peut-être même nécessaire - d’avoir un message radical sur ces questions.
Alors, oui à Pauline et Edouard, et que les râteaux servent aussi de piques !
(par Damien Boone)
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