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Au Musée de la BD d’Angoulême, le dialogue amoureux entre la bande dessinée et le dessin animé [PODCAST]

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 4 février 2022                      Lien  
Le Musée de la bande dessinée d’Angoulême propose ces jours-ci une exposition, « De Popeye à Persépolis, bande dessinée et cinéma d’animation », qui est une grande rétrospective sur un siècle et demi d'entrelacements entre le 7e et le 9e art. Ouverte au public depuis le 27 janvier, et donc au moment du FIBD le 17 mars prochain, elle se poursuit jusqu’au 6 novembre 2022. L'installation, dont le commissariat est assuré par Anne-Hélène Hoog (directrice du Musée), Serge Bromberg (producteur et spécialiste de l'histoire du cinéma) et Pascal Vimenet (enseignant et expert du cinéma d'animation), offre une traversée des continents et des époques en quatre parcours, de la fin du XIXe siècle à nos jours. Une approche bougrement intéressante.

Comme on sait, le Festival de la BD d’Angoulême (FIBD) aura lieu du 17 au 20 mars et l’on peut espérer que la situation sanitaire ne restera pas dans la (ou le…) vague. Mais si par hasard, vos pas vous mènent en Charente au moment où les bourgeons fleurissent, le passage à la Cité de la bande dessinée et de l’image et en particulier au Musée de la BD d’Angoulême, nous semble incontournable.

Le rapport entre la BD et le cinéma, entre les mangas portés à l’écran, la production DC / Marvel et même la production européenne, fait partie de notre quotidien depuis longtemps. Mais pour la première fois, un parcours muséal nous en propose l’histoire.

Anne-Hélène Hoog, la directrice du Musée, fait bien de le rappeler : le projet de la « Vallée des images » voulu par François Mitterrand et son ministre de la culture, Jack Lang, cherchait à créer un « pôle de compétitivité » portant sur l’image au sens large, incluant donc le cinéma, et donc le cinéma d’animation.

Au Musée de la BD d'Angoulême, le dialogue amoureux entre la bande dessinée et le dessin animé [PODCAST]
Pascal Vimenet et Anne-Hélène Hoog
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

La Cité est bien celle de la BD ET de l’image. C’est à Angoulême que se sont faites les premières expérimentations numériques à usage médical, que sont venus s’établir l’École européenne supérieure de l’image avec son parcours pour les auteurs de BD, l’École nationale du Jeu Vidéo et bon nombre de studios de dessins animés. Une filière connectée au patrimoine de la bande dessinée du musée et aux événements locaux comme le festival du film d’Angoulême. Il était temps que le musée s’intéresse aux rapports entre la bande dessinée et les autres arts de l’image. Et à ce titre, ce parcours dans l’exposition temporaire est particulièrement réussi.

De la bande dessinée au dessin animé

Dès ses débuts, la bande dessinée fait la connexion avec le spectacle. Des ombres chinoises du théâtre de Karagöz aux pantomimes lumineuses d’Émile Reynaud, (1844-1918) naît ce que l’on appellera « le théâtre optique. » Ce que montre l’expo, c’est la proximité de ces dessinateurs-caricaturistes avec le dessin animé naissant.

Émile Reynaud, l’inventeur du dessin animé.
Les Pantomimes lumineuses d’Emile Reynaud - Affiche de Jules Chéret.

En particulier le caricaturiste Émile Courtet, dit Émile Cohl (1857-1938), qui collabore dès 1886 avec Caran d’Ache sur son « théâtre d’ombres » et qui réalise son premier dessin animé pour la Gaumont, Fantasmagorie, en 1908, dessiné blanc sur noir, en raison de la faible luminosité des « lanternes magiques », juste deux ans après le pionnier américain, John Stuart Blackton. On lui doit surtout les premières adaptations en dessins animés des grands héros de bande dessinée d’alors, en collaboration avec leurs créateurs : Les Pieds Nickelés en complicité avec Louis Forton et Le Chien Flambeau et Les Aventures de Clémentine en collaboration avec Benjamin Rabier, produits tous les trois en 1917.

Emile Cohl clichant ses dessins.

Les premiers dessins animés d’Emile Cohl sont blanc sur noir pour compenser le manque de luminosité des projecteurs. Dans ces films, des phylactères apparaissent.
Une collaboration entre Emile Cohl et Benjamin Rabier : Le Chien Flambeau (1917).

Surtout, Cohl fait le pont entre ces auteurs attirés par cette « nouvelle attraction » et les créateurs américains. L’élève préféré d’André Gill (1840-1885), avec Daumier l’un de plus importants caricaturistes du XIXe siècle, communique avec Winsor McCay et devient ami avec George McManus, les plus grands cartoonists de leur époque. Ce passage de relais entre ces figures du XIXe siècle et la bande dessinée et le dessin animé naissants est proprement fascinant.

Emile Cohl (à droite) chez George McManus, le créateur de Bringing up Father (La Famille Illico)

Parmi les autres figures de la bande dessinée qui toucheront aux débuts de l’animation, on découvre Marius Rossillon dit O’Galop (1867-1946), le créateur du personnage de Bibendum de Michelin, ou encore Orlac à qui l’on doit une adaptation très fidèle de L’Histoire de Monsieur Vieux-Bois, de Rodolphe Töpffer (1920) commanditée par des amateurs genevois !

Une nouvelle industrie

La Guerre de 1914 va couper les ailes au cinéma français laissant la place à Hollywood. Cette histoire-là est plus connue : Max et Dave Fleischer avec Félix le chat (1923), Betty Boop (1930) et Popeye (1933) ou encore Walt Disney avec Mickey (1928). Moins connu : Paul Terry avec ses Fables d’Ésope (1921) et ses centaines de « Terrytoons ». Les héros dessinés deviennent des super-stars. Félix le chat est le premier personnage à apparaître sur un objet nouveau : la télévision.

Cela crée un nouveau genre de dessin animé au graphisme plus moderne, en même temps qu’une animation réduite (8 à 12 images par seconde, au lieu des 24 images/sec. de la « full animation » de Disney. C’est le studio UPA bâti par d’anciens grévistes de chez Disney conduits par Stephen Bosutow qui prend la pôle position et qui lance le mouvement avec Mister Magoo (1949), en même temps que la contre-culture bouleverse petit à petit les codes du genre. Elle s’incarne avec Superman des frères Fleischer (1941-1942), les récits frénétiques de Tex Avery, le Pic Vert de Walter Lantz et le Vil Coyote de Chuck Jones.

L’ineffable Betty Boop des frères Fleischer (1930)

À partir des années 1960, la Pax Americana se répandant sur le monde, le Japon monte en puissance. On sait ce qu’il en adviendra…

Le parcours se termine notamment sur les belles aventures que sont Persépolis de Marjane Satrapi & Winschluss, Le Chat du Rabbin de Joann Sfar et le collectif franco-américain de Peur(s) du noir.

Angoulême et La Vallée des images

Avec le FIBD puis, dans la foulée, la création du CNBDI (Centre national de la BD et de l’Image, 1990), Angoulême profite d’un « Plan image » qui favorise la fabrication dans la ville charentaise de dessins animés à partir de 1995 et de la création d’un « Pôle image Magelis » à partir de 1997. Une trentaine de studios vont naître parmi une centaine d’entreprises spécialisées dans cette filière qui s’appuient sur 12 écoles de la région et 1300 étudiants, une Maison des auteurs et une Cité internationale de la bande dessinée et de l’image.

Cela produit notamment : Bleu, l’enfant de la terre avec Druillet (1983), Corto Maltese, la cour secrète des arcanes (2002), Les Triplettes de Belleville (2002), Peur(s) du noir (2008), La Tortue rouge (2016), Zombillenium (2017) ou encore La Fameuse Invasion des ours en Sicile (2019). On y a fabrique=é aussi bien Gaston que Les Peanuts, Les Sisters, Anna et ses amis d’après Anouck Ricard, Géronimo Stilton, Mandarine & Cow, Culottées de Pénélope Bagieu qu’Open Bar de Fabcaro. Dans le « pipe » Mojo Blues de Jano & Tramber, In Waves d’Al Djungo, ou La Balade de Yaya.

Comme on le voit, cette belle histoire qui comporte encore de nombreux chapitres à écrire.

Pascal Vimenet raconte l’histoire des rapports entre la BD et le dessin animé. Ecoutez notre podcast. Interview de Didier Pasamonik - Une production d’ActuaBD.com

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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En médaillon : Anne-Hélène Hoog, directrice du musée de la BD et Pascal Vimenet, historien du dessin animé.

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