Abraham Slam, Dragonfly, Golden Gail, Barbalien, Colonel Weird ou Talky-Walky : autant de héros captifs d’une dimension dont ils ne peuvent sortir, et autant de façon de vivre cet isolement. Abe y trouve une chance de refaire son existence et Barbalien tente d’y vivre sa différence, tandis que Gail se désespère et que Talky s’acharne à trouver une porte de sortie. Définitivement à part, Dragonfly et le Colonel en savent manifestement plus sur ce qui leur est arrivé et préservent en cachette un statu quo pourtant largement insatisfaisant.
Mais l’arrivée inopinée de Lucy, la fille de leur figure tutélaire Black Hammer, bouleverse tout et ouvre une brèche vers un retour à leur monde d’origine. Pourtant, la jeune femme semble la seule à mener une véritable enquête sur le lieu auquel ils sont tous aliénés, et ses découvertes la confortent dans l’idée du caractère artificiel, factice de l’endroit où ils se trouvent. Il y aurait bien quelque chose de l’ordre du whodunnit derrière cet apparent mystère de science-fiction.
La narration de Jeff Lemire oscille donc, dans ce tome 2, entre les avancées des recherches de Lucy et les développements de ses héros mêlant histoire passée et évolution présente. On en découvre ainsi davantage sur Black Hammer lui-même, dont l’ombre plane sur l’ensemble de la série, écho manifeste des New Gods de Jack Kirby, confirmant au passage la parenté de l’Anti-Dieu combattu par nos héros avec le Dark Seid de l’univers DC.
Black Hammer, ou le héros qui choisit un diner en famille plutôt qu’une énième convocation pour contrer une menace cosmique. Avec pour conséquence la quasi destruction du monde ! Voilà un exemple de la manière dont le scénariste entremêle situations super-héroïques classiques et traitement "réaliste" de ses personnages, pris dans des affects et dans une vie personnelle ayant réellement de l’épaisseur.
Ainsi donc de Black Hammer et de sa vie de famille, d’Abe et de sa frustration de n’être plus à la page, de Gail et de ses désirs et de son refus du temps perdu, de Barbalien et de son homosexualité ou encore du Colonel Weird et de sa folie. Maîtrise, justesse et finesse caractérisent ce travail de construction d’un récit de genre par la déconstruction de certains de ses codes principaux. Black Hammer confirme dans ce tome 2 tout le bien qu’on en pensait à la découverte de la série : à suivre, impérativement.
(par Aurélien Pigeat)
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Black Hammer T2 : "L’incident" (contient les #7-11 et #13 de la série). Par Jeff Lemire (scénario), Dean Ormston (dessin) et Dave Stewart (couleur) ; sauf chapitre 9 : dessin et couleur de David Rubin. Traduction Julie Di Giacomo. Urban Comics, collection "Indies". Sortie 13 avril 2018. 190 pages. 17,50 euros.
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