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Disparition de F’murrr, le génie des alpages

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) Charles-Louis Detournay le 11 avril 2018                      Lien  
Richard Peyzaret, qui signait sous le pseudonyme de F’murrr (avec deux ou trois r) est mort à l’âge de 72 ans. Il fait partie des derniers grands talents de l’humour révélés par le Journal de Pilote. C’était un graphiste délicat, orfèvre d’un humour poétique dans la lignée d’un Fred.

Disparition de F'murrr, le génie des alpagesC’était, selon les dires de certains de ses collègues, un « caractère de cochon », mais une crème d’homme qui avait l’amitié longue et fidèle. Il avait développé une forme d’Understatement à la franco-belge pétri de poésie et de références littéraires et poétiques. Il fut de ceux qui comme Franquin, comme Gotlib, comme Goossens après lui, savait manier le tempo humoristique avec un doigté d’artificier. Son graphisme, d’une infinie poésie, était immédiatement reconnaissable. Un dessin-signature, comme Fred.

Né à Paris en 1946, il avait fait une scolarité laborieuse conclue par six années aux Arts Appliqués puis un passage dans l’atelier de Raymond Poïvet. Chez cet ami d’Albert Uderzo, on croise la jeune garde de Pilote et notamment un grand échalas nommé Mandryka, facteur d’univers absurdes lui aussi, qui le traîne chez le « patron », René Goscinny. Ce fin limier de l’humour comprend rapidement à qui il a affaire et lui laisse le temps d’installer son univers avec ses Contes à rebours à partir de 1971, puis Le Génie des alpages mettant en scène un berger bougon et sa cohorte de brebis vindicatives. Il signe ses gags du nom de F’murr, par allusion au Chat Murr des Contes d’Hoffmann.

"Le Génie des Alpages", LA série de F’murrr

C’est le début d’une carrière qui le mène dans Circus : Porfirio et Gabriel, Brahms,… mais surtout dans (A Suivre) : Jehanne d’Arc, Histoires déplacées, Pauvre Chevalier, Aveugles...

On lui doit aussi Le Char de l’état dérape sur le sentier de la guerre, une fable un peu farce sur l’invasion des Russes en Afghanistan, mais qui tourne court quand le dessinateur comprend que la guerre va durer…

Grand admirateur des créateurs belges (il parodia très souvent Tintin et Spirou), il s’était lié d’amitié avec Franquin et Delporte qui l’embarquèrent dans l’aventure du Trombone illustré. François Walthéry, le créateur de Natacha, était un de ses amis proches, comme il nous l’a témoigné.

Walthéry : « Je perds un frère ! »

« Comme beaucoup d’autres, j’avais rencontré F’Murrr à Angoulême, nous a expliqué Walthéry, Mais c’est à une fête organisée par l’un de nos amis communs, Marc Wasterlain, que nous avons vraiment lié connaissance. Nos caractères étaient très différents (lui plutôt ours, moi assez affable), mais nous nous sommes pourtant directement bien entendus. Nous passions pas mal de temps l’un chez l’autre, nous entraînant dans des projets d’affiches pour le plaisir de se retrouver en festivals. »

Cette amitié s’est également traduite dans les cases, Walthéry n’hésitant pas à croquer F’Murrr dans les albums de Natacha. Ainsi le retrouve-t-on en facteur dans La Mer de Rochers (Natacha T19), et l’on se souvient surtout du dieu à tête de mouton dans le fameux tour du monde des Culottes de fer (Natacha T12).

Walthéry rendit hommage à son ami F’Murr dans Natacha T12 (Les Culottes de fer)

« F’Murrr disposait d’un style très original, continue Walthéry, Dans la ligne de Gus Bofa, de Segar (Popeye) ainsi que de Georges Herriman et son Krazy Kat. F’murrr distillait un humour caustique et décalé, qu’il basait sur son énorme culture générale et ses études de langues germaniques. Ce paradoxal assemblage produisait cet humour inimitable, à hurler de rire, pétri de jeux de mots et d’humour de situation. Notre dernière conversation téléphonique datait de la semaine dernière et portait justement sur une émission belge (Le Grand Cactus) qu’il considérait comme la plus drôle de la francophonie, et qu’il voulait partager à des amis canadiens… Il n’aurait pas aimé qu’on le pleure, mais je ne pourrais pas m’en empêcher... Car aujourd’hui, plus qu’un ami, je perds un frère. »

Photo : Nicolas Anspach

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

(par Charles-Louis Detournay)

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Photo en médaillon : Nicolas Anspach

 
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