La Croatie est un petit pays avec une population comparable à la Wallonie, soit un peu plus de 4 millions d’habitants. Difficile pour les éditeurs (et les auteurs) de subsister sur ce seul marché. C’est pourquoi l’organisation d’un festival de BD dans ce pays tient toujours un peu du surréalisme et l’animateur de ce festival qui fêtera ses 20 ans l’année prochaine, Slaven Goricki, a tout du colosse rêveur débordé en permanence par une organisation qui a les avantages, mais aussi les défauts, de l’esprit méditerranéen mêlé d’esprit slave.
Cela dit, la Croatie fait partie d’une entité disparue, la Yougoslavie, qui a été une grande nation de bande dessinée. 90% des grands classiques franco-belges des années 1960-1990 ont été publiés là-bas. L’hebdomadaire Stripoteka était, dans ses belles années, l’une des revues les plus courues d’Europe. Il faut dire que son sommaire : Astérix, Lucky Luke, Gaston, Bernard Prince..., avait de quoi faire rêver.
À cela s’ajoute le lieu particulier de ce festival : une ancienne mosquée reconvertie en centre culturel au lendemain de la guerre depuis que, devant sa porte, les partisans yougoslaves en pendirent l’imam compromis avec l’occupant nazi.
Toujours est-il que Slaven Goricki réussit un grand coup cette année en invitant rien moins qu’Hermann, le dernier Grand Prix d’Angoulême, une véritable star dans toute la Yougoslavie. Hermann, égal à lui-même, le verbe franc, dégoûté de l’être humain. "Ce qui me rassure, dit-il, c’est qu’il est biodégradable !"
Autres invités de marque : Giancarlo Alessandrini et Alfredo Castelli, respectivement dessinateur et scénariste de Martin Mystère, publié depuis des décennies dans un pays qui a depuis toujours fait une large place aux publications Bonelli. 130 originaux de leur saga sont exposés dans la grande rotonde de la mosquée qui comporte plusieurs expositions successives de plus d’un millier de planches (dont des originaux de Boucq tirés de Bouncer et de Janitor bientôt publiés en Croatie).
Parmi les 60 auteurs présents, on compte aussi le scénariste Olivier Le Bellec (22, chez Delcourt) , les dessinateurs du coin : Senad Mavrić, Filip Andronik, Goran Sudžuka (“Y : The Last Man", “Hellblazer”...), Goran Parlov (“Y : The Last Man", “Punisher”...)... et une poignée d’auteurs Bonelli.
Après l’exposition "Superdupont à Zagreb", l’Institut Français a bien l’intention de continuer à donner une place privilégiée à la bande dessinée dans ce pays, vecteur de culture, mais aussi de démocratie.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)