Noël Simsolo, déjà scénariste de plusieurs biopic de la collection qu’il dirige, privilégie ici l’approche chronologique pour rendre compte de le tumultueuse vie de Fassbinder, mort à seulement 37 ans. Né en 1945, dans l’Allemagne d’après-guerre, il grandit à Munich. Son œuvre va mélanger théâtre et cinéma : il a toujours écrit des pièces de théâtre et a passé son temps dans les salles obscures avec entre autres un énorme coup de cœur pour la nouvelle vague Française et le mélodrame hollywoodien de Douglas Sirk.
Paradoxalement, il sera recalé des écoles de cinéma, mais devient vite reconnu à partir des années 1970 avec un cinéma engagé hanté par l’histoire de l’Allemagne.
Acclamé par la critique, il ne sera récompensé que pour son avant-dernier film, Le Secret de Veronika Voss, qui reçoit l’Ours d’or à Berlin en 1982. Il reste dans la mémoire des cinéphiles pour ses portraits de femmes héroïnes, tantôt proies ou objets de désir : rappelons nous les visages de Maria Braun, Effi Briest, Lilli Marleen, ou encore Lola...
Au fil de l’album sont évoquées les films majeurs de l’auteur qui a souvent traité des illusions perdues, de l’homosexualité et du racisme. On reverra avec curiosité son œuvre TV Le Monde sur le fil qui, bien avant Matrix, dénonçait l’illusion du réel. Une partie de cette filmographie peut se lire en miroir de sa propre biographie complexe : bisexuel revendiqué, il épouse Ingrid Caven, tout en faisant tourner ses conquêtes masculines devant la caméra. Le scénariste n’hésite pas à le montrer dans toute sa complexité : un enfant malaimé devenu un monstre d’égotisme qui maltraite souvent ses amis et amants et filtre parfois avec le terrorisme de la bande à Baader (sur le plan idéologique).
Le trait réaliste de l’illustrateur italien Stephano d’Oriano suggère plus qu’il ne montre les tourments du réalisateur, il nous laisse à voir sa détresse mais aussi sa violence larvée. Le soin apporté aux visages des protagonistes et l’usage approprié des gros plans et plans moyens renforce l’aspect de la tragédie intime de ce réalisateur qui aura voulu incarner tout le cinéma allemand pour donner un sens au chaos de sa vie.
On consultera avec intérêt la filmographie complète en fin d’ouvrage ou on le découvre aussi auteur de théâtre et de plusieurs essais publiés en France après sa mort.
Un album dur mais important pour mieux connaître ce personnage iconoclaste dont la plupart des films viennent heureusement d’être restaurés et distribués...
(par Stéphane GROBOST)
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