En 2017, IDW, quatrième acteur du marché US de la bande dessinée et le groupe Glénat, troisième acteur français du secteur, s’allaient afin de créer « une véritable passerelle artistique et commerciale entre les deux territoires » en publiant des bandes dessinées de genre « dans un format de narration et de lecture cohérent et compatible avec les codes des deux marchés ». Et l’un des premiers-nés de ces « Original Graphic Novel », n’est autre qu’Il faut flinguer Ramirez.
Aux commandes de ce road movie tarantinesque, on retrouve Nicolas Pétrimaux, un spécialiste des studios d’animation et du développement de jeux vidéo pour lesquels il a réalisé des story-boards, du concept design, des trucages, des effets spéciaux, et même son propre court-métrage, Allo Zombie. Pétrimaux a travaillé également dans le domaine du livre d’art... et de la bande dessinée car il a réalisé l’ébouriffant premier tome de Zombies Néchronologies (Ed. Soleil) en 2014.
C’est par la suite qu’il imagine et peaufine Il faut flinguer Ramirez, une série qu’il écrit, réalise, met en scène et dessine. Il la présente à Glénat en 2015, entre autres à Olivier Jalabert, ex-Albums Comics, ex-Soleil, ex-Ankama qui venait de lancer tout un nouveau programme éditorial chez Glénat orienté Comics. De cette rencontre étincelante naît l’explosif album sorti l’année dernière ! Plantons le décor...
Falcon City, Arizona. Jacques Ramirez travaille à la Robotop, une entreprise d’électroménager et l’un des fleurons industriels du coin. Employé modèle, il bosse vite, bien, et sait surtout se faire discret. Pour cause : il est muet !
Sa vie bascule le jour où deux membres d’un dangereux cartel pensent reconnaître en lui l’homme qui a trahi leur organisation par le passé : Ramirez, le pire assassin que le Mexique ait jamais connu ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, sous le chapeau du nettoyeur légendaire se cacherait désormais... un expert en aspirateurs hors-pair. Et maintenant que les hommes du cartel l’ont démasqué, ils feront tout, absolument tout... pour le flinguer, ce fumier !
Il faut flinguer Ramirez se distingue de la production classique à plus d’un titre ! Tout d’abord, par son dessin et sa mise en scène, l’album prend tous les atours d’un film d’animation. Les effets de flou et les fausses publicités accentuent cette référence. Sauf qu’on imagine difficilement qu’une production à gros budget ose miser sur cette thématique pas vraiment destinée à un public familial !
En effet, Il faut flinguer Ramirez est un road movie sanglant pour adultes. Pas de sexe, mais l’intrigue compte son lot d’exécutions sanglantes et de jolies poupées qui se déhanchent. Or, on s’en doute, les budgets d’animation pour ce créneau sont assez réduits...
Et tant mieux pour nous ! Car Pétrimaux n’a donc pas dû réaliser de compromis pour réaliser en bande dessinée le film dont il rêvait ! L’humour jubilatoire est contagieux, la parodie de l’Amérique consumériste des années 1980 est totalement assumée, l’auteur a d’ailleurs fignolé tous les détails, jusqu’aux textes des fausses publicités ou les arrière-plans truffés de clins d’œil !
Autre bonheur de cet album hybride : 144 pages livrées d’un bloc, en trois chapitres d’une quarantaine de pages. Ce format permet à l’auteur de se/nous faire plaisir avec quelques grandes splash pages à l’américaine, tout en adoptant une moyenne de huit cases en moyenne par planche, à l’européenne. Dense, rythmé et doté d’atmosphères très différentes.
Opérant sur le principe d’un long flash-back, le suspense (Ramirez est-il un tueur à gages ?) se dispute à l’action (la poursuite de voitures est exceptionnelle) et surtout à l’humour. En choisissant de se focaliser sur cette firme d’aspirateurs, Pétrimaux opte directement pour un ton décalé qu’il maintient tout au long de l’album (voir la vidéo ci-dessous). Résultat : on s’amuse, on s’étonne, on vibre, on rit, on en prend plein les yeux et presque... plein les oreilles !
Un album grand public qui réconcilie les genres en proposant un ton résolument nouveau et assumé. Accrochez-vous, grâce à ce récit jubilatoire, un vent de fraîcheur souffle sur la BD !
(par Charles-Louis Detournay)
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Tous les visuels sont : Pétrimaux, Glénat, 2018.