2012 sera assurément une année Crumb. Nous avons déjà parlé de l’intéressante biographie de Jean-Paul Gabilliet (Presses universitaires de Bordeaux) paru voici quelques semaines. Nous aurons l’occasion de reparler de lui à l’occasion de l’exposition rétrospective de son œuvre, Crumb, de l’Underground à la Genèse, qui aura lieu au Musée d’Art moderne du 13 avril au 12 août 2012.
Mais pour l’heure, un DVD vient de sortir qui réunit trois documentaires éclairants sur l’homme derrière l’œuvre. Le premier est une perle, il est réalisé par le réalisateur Terry Zwigoff (Ghost World, d’après la BD de Daniel Clowes), lui-même ancien éditeur de comics Underground. La proximité de Zwigoff avec les Crumb permet de découvrir le parcours atypique de l’homme qui incarne la BD Underground des années soixante et pourtant si différent de la culture hippie. "Crumb, tu aimes les filles ?" lui demanda Janis Joplin. Devant sa réponse affirmative (il était venu à San Francisco attiré par "l’amour libre"), elle lui conseilla de se faire pousser les cheveux, de porter des chemises en satin et des pantalons en pattes d’eph. Il s’y refusa "car il trouvait ça con..."
En dépit de ce look à contre-courant, ce dessinateur impénitent au trait de génie arrive bientôt au firmament de la célébrité. Mais il a compris très vite qu’il était en train d’être "consommé" par son époque. Son trait devient plus noir et il révèle sa part sombre, non sans un brin de provocation. Cet amoureux de la femme produit ses dessins les plus misogynes et pornographiques qui soient avec un naturel de conteur pour enfants dans une Amérique "libre" qui commence à fabriquer le code du politiquement correct faisant le nid à un nouveau puritanisme. Il n’hésite pas à repousser les limites de la perception sur la pédophilie ou le racisme dans une mesure qui choque ses contemporains soi-disant épris de paix et de liberté, surtout sexuelle.
"Son œuvre était un éventail masturbatoire !" suggère l’un des intervenants du film dans lequel on découvre les membres de sa famille, tous plus névrosés les uns que les autres. Quand son père découvre l’un de ses comics au début des années 1970, il ne lui adresse plus la parole.
Le coffret, qui ajoute en bonus une interview de Crumb par Jean-Luc Fromental et un extrait d’un documentaire qui met en évidence les goûts musicaux du dessinateur : "Je suppose que la musique est la chose la plus importante dans ma vie après les femmes" témoigne le dessinateur. Il est obsédé par la musique des années 1920.
ces quelques images pleine de vie sont une excellente mise en bouche pour la rétrospective qui nous attend.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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