AJ Dungo est originaire de Los Angeles, il a rencontré Kristen au lycée. Mais, alors qu’il tombait amoureux, la jeune fille, elle, tombait malade, atteinte d’un cancer qui allait l’emporter dix ans plus tard. Repéré par Nobrow press grâce à son projet de fin d’études, le célèbre éditeur britannique donne à AJ Dungo l’occasion de raconter son histoire dans un premier roman graphique.
Avec beaucoup de finesse et de pudeur, AJ Dungo, immortalise les instants de grâce de sa relation avec Kristen. La légèreté et l’émotion des premières rencontres, la violence du combat contre la maladie, la noblesse de la jeune femme qui se bat avec calme.Il évoque en parallèle leur passion commune pour le surf, l’océan. Et évite très justement l’écueil du pathos en intercalant dans son récit personnel, un petit précis de l’histoire du surf.
Cette évocation historique de ce sport finalement assez méconnu a de quoi détonner face aux situations extrêmement personnelles évoquées par le jeune homme. L’alternance des tons monochromes permet pourtant de facilement distinguer les deux récits, les deux époques, et les deux épopées en solitaire car AJ Djungo s’intéresse de plus en plus à Duke, le "roi" du surf, longtemps incompris et qui a dû avancer seul dans la vie.
Passé les premiers chapitres de cette surprenante alternance, on comprend (parfois inconsciemment) le but de cette étonnante construction. Comme les vagues de la mer, le jeune auteur alterne les sujets pour qu’ils prennent plus de force à leur retour. Outre les liens qu’ils tissent avec le Duke - et dont le jeu des couleurs permet de saisir toute la subtilité sans alourdir la présentation -, on comprend que le surf demeure le meilleur élément pour évoquer Kristen, son amour de la vie, leur relation à tous les deux, et la seule façon qu’il lui reste pour accepter progressivement sa disparition.
La finesse du trait, d’une étonnante justesse dans sa simplicité, ainsi que la maîtrise du découpage, procurent toute la force nécessaire à ce récit aussi universel qu’intime. Hypnotiquement, on se laisse entraîner dans ces 370 pages, se plongeant dans le récit comme dans la mer, en se laissant aller au gré des vagues, et dans ce cas-ci, des vagues d’émotions bien entendu.
Malgré une petite baisse de régime en milieu d’album, In Waves bouleverse par sa pudeur et sa sincérité, dès les premiers chapitres, et dans sa conclusion, étonnante de maturité. De plus, l’ouvrage a le mérite de pouvoir réconcilier le grand public avec un roman graphique très abordable, voire universel, tout en jouissant d’une construction très réfléchie.
Un grand écart qui lui permet à la fois d’être sélectionné par les journalistes pour le Grand Prix de la critique ACBD 2020, par le grand public dans le Prix BD Fnac France Inter 2020, et le très sélectif FIBD d’Angoulême. Rien que pour cette prouesse à rassembler les extrêmes, In Waves mérite d’être couronné !
(par Charles-Louis Detournay)
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In Waves, d’AJ Dungo, éditions Casterman
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