Nous en parlions récemment alors que ses œuvres étaient exposées à Bruxelles par la Galerie Comic Art Factory
Fils d’un prédicateur de l’Alabama, Howard Cruse monte à New york en 1979 où il rencontre Ed Sedarbaum, son compagnon jusqu’à aujourd’hui. Il anime entre 1971 et 1980 dans une revue Underground le personnage de Barefootz, aux pieds toujours nus. Dans son style rond, lisible et plaisant, les aventures de ce grand dadais font sourire.
Mais en 1980 , il concentra sa production sur la cause gay en prenant la direction de Gay Comics puis en créant pour la revue gaie Advocate le personnage de Wendel Trupstock (1983, hélas encore inédit en français) dont la lovestory avec son compagnon Olie Chalmers traverse toutes les thématiques du temps : l’homophobie, le SIDA, le combat pour l’égalité et les droits civiques...
Mais c’est surtout par son chef d’œuvre, Stuck Rubber Baby (Un Monde de différence) traduit en France par Jean-Paul Jennequin chez Vertige Graphic en 2001, qu’il accède à la notoriété dans nos contrées.
Le récit de ce jeune homme, devenu père par accident avant d’assumer son homosexualité dans les années 1960 en Alabama, l’un des états les plus intolérants d’Amérique, puis d’accompagner le mouvement des Droits civiques et de militer pour la cause des Afro-Américains, a touché plus d’un lecteur par son humanité et par sa pertinence. L’ouvrage a reçu un Eisner Award et a été distingué par le Prix de la Critique (aujourd’hui Prix ACBD) au Festival d’Angoulême.
« Avec ce livre, écrivait Patrick Albray dans nos pages en 2001," Howard Cruse signe l’un des romans les plus marquants de l’histoire de la bande dessinée. D’abord, par cette véritable plongée dans le temps qu’il nous offre, nous faisant revivre, loin des clichés, la vie terrible des minorités raciales et sexuelles dans l’Amérique intolérante des années soixante. Certaines scènes, particulièrement dures, nous rappellent qu’il fallait une énorme dose de courage pour affirmer ses différences face au puritanisme et au racisme particulièrement violents de la majorité blanche.
La maîtrise avec laquelle l’auteur met en scène un nombre impressionnant de personnages, à la personnalité extrêmement complexe, représentant tous, chacun à leur façon, l’une des facettes de l’Amérique de cette époque, est la marque d’un grand romancier. Qu’il ait choisi la bande dessinée pour s’exprimer est un formidable cadeau pour ce media. Car "Un Monde de différence" est l’une des œuvres qui justifient pleinement sa qualification de "neuvième art". »
Cruse est venu plusieurs fois en France et en Belgique où il a exposé récemment ses planches cette année encore. C’est à cette occasion qu’il avait donné cette interview.
Un Monde de différence doit être réédité l’an prochain par les éditions Casterman. « On a eu confirmation de l’acquisition des droits le jour de l’annonce de sa mort » nous dit un peu désolé le directeur éditorial de la maison Benoît Mouchart. Cela nous motive encore plus pour faire paraître une superbe édition. »
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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