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Japan Expo 2023 [Conférence] Être mangaka en France : inspirations et challenges

Par Guillaume Boutet le 17 juillet 2023                      Lien  
Deux auteurs de manga français, Romain Lemaire pour « Everdark » et Zelihan pour « Wandering Souls », ont évoqué leur parcours, leurs inspirations, mais aussi les défis auxquels sont confrontés ce type de manga qui intéresse de plus en plus le public français.

Tous deux publiés chez Pika Édition (sous le label H2T pour Wandering Souls), les deux mangakas français commencèrent par se présenter.

Dès le départ, Zelihan a toujours souhaité faire du manga. Elle a ainsi participé à plusieurs concours, comme ceux organisés par Ki-oon, dans l’objectif de gagner en expérience. C’est lors de ses études en « Édition d’art / Livre d’artiste », qu’elle a commencé à travailler sur un projet de manga ambitieux, Wandering Souls, là aussi, pour se former. Elle ne pensait pas le publier mais elle est finalement devenue professionnelle grâce à cette œuvre.

Romain Lemaire quant à lui est le cousin de Reno Lemaire, auteur de Dreamland. Alors qu’il était en école d’art plastique, en 2006, son cousin proposa de l’engager comme assistant. Comme il désirait s’essayer à de nouvelles expériences, il accepta. En réalité, il n’a jamais eu le désir de faire du manga, mais les circonstances l’ont conduit sur ce chemin, et après avoir travaillé plusieurs années comme assistant, il a fini par se lancer à son tour.

Japan Expo 2023 [Conférence] Être mangaka en France : inspirations et challenges
De gauche à droite : Zelihan et Romain Lemaire
Photo : Guillaume Boutet

Le premier sujet abordé fut celui de la création de l’histoire. Pour la sienne, Zelihan s’est concentrée sur les relations des personnages. S’agissant d’une histoire courte en deux tomes, son intrigue n’était pas particulièrement complexe : elle a donc décidé de travailler surtout les émotions et les sentiments des personnages. Pour Romain Lemaire ce fut le contraire. Il est parti des thèmes qu’il voulait aborder (Fantasy, horreur, écologie) et a ensuite construit son univers. C’est après tout cela que les personnages ont commencé à émerger dans son esprit. Il se concentre ainsi plutôt sur l’intrigue et sur le fait de se faire plaisir... car il ne sait pas combien de temps il aura suffisamment de succès pour continuer.

Ensuite la discussion s’engage sur les méthodes de dessin. Tous deux restent sur un dessin analogique, non numérique. Romain Lemaire s’est essayé au tout numérique, dessin par tablette, pour le tome 6 de Everdark mais le résultat ne l’a pas convaincu et surtout, il n’a pas été plus rapide. Revenu au dessin traditionnel pour le tome 7, il a quand même décidé d’opérer un petit changement en passant de la plume au stylo-bille et d’utiliser un peu le numérique pour renforcer les traits. C’est finalement le seul écart numérique qu’il se permet. Même son de cloche pour Zelihan : elle s’est également essayée à la tablette mais préfère travailler à l’encre et à la plume, et un peu au feutre. Tous deux reconnaissent que c’est sans doute générationnel, mais le plus important, c’est le résultat et d’être rapide, peu importe la méthode.

Wandering Souls par Zelihan

Concernant le style et les codes du manga, ni Zelihan et ni Romain Lemaire n’ont fait d’école de manga. Leurs connaissances reposent sur leurs lectures et leur immersion dans ce média. Au niveau influence, ils n’avaient pas de conseil à donner car chacun a ses modèles (par Romain Lemaire est très intéressé par Berserk pour son encrage), mais il y avait quand même un incontournable sur lequel ils furent tous deux d’accord : il faut bien connaître l’anatomie avant d’appliquer un quelconque style. Et donc prendre quelques cours sur le dessin d’anatomie est fortement conseillé à leurs yeux.

On passe ensuite à la question des assistants. S’il est impossible à leur sens de tenir un rythme très rapide sans assistant, seuls les mangas français à très gros succès peuvent permettre à leurs auteurs d’en avoir car le prix de revient d’un tel projet est encore trop élevé en France par rapport à la réalité du marché. Et selon Romain Lemaire, la question des assistants sera la bataille de demain pour que leur branche continue de se développer.

Il fut également souligner que ces questions sont liées au fait qu’au Japon, un manga est plutôt vu comme un produit, alors qu’en France, nous sommes sur une oeuvre artistique où l’auteur prime.

Ils évoquèrent une autre voie, celle de l’autoédition pour les apprentis mangakas, mais en leur rappelant que, dans ce cas, l’auteur devait tout faire lui-même, ce qui peut être très éprouvant. Dans le même ordre idée, selon eux, le développement de studios d’auteurs était une autre piste à explorer pour monter en gamme de production.

Everdark par Romain Lemaire

Quelle relation ont-ils avec leurs lecteurs ? Zelihan a eu peu de retour sur les réseaux sociaux, son public est surtout collégien, mais dans l’ensemble, rien de négatif. Quant à Romain Lemaire, il ne regarde pas les réseaux sociaux : il est au contact de ses lecteurs surtout en convention et en librairie.

Ils ont également rappelé l’importance des éditeurs dans le processus de conseil et de correction. Et si l’on opte pour l’autoédition, il faut impérativement passer par une phase de « bêta-lecteurs », c’est à dire tester le projet auprès d’un panel de lecteurs. Dans le même ordre d’idée, ils ont souligné l’importance de communiquer de ses éventuels retards, le plus en avance possible, car c’est toute une équipe qui travaille à la publication d’un livre : il est donc important pour le reste de la chaîne d’acteurs de pouvoir anticiper les retards.

Sur la façon de promouvoir les mangas en France, comme il n’y a presque pas de système de prépublication, ils sont vendus comme des romans graphiques ou de la BD franco-belge. D’où pour Zelihan et Romain Lemaire, le rôle crucial de la couverture et d’un pitch puissant. D’ailleurs, au sujet de la prépublication, Romain Lemaire est heureux de ne pas en faire car il trouve que le format par chapitre implique trop de cliffhangers systématiquement en fin de chapitre, ce qui nuit au récit.

Enfin, la conférence s’acheva sur une question brûlant actuellement les lèvres de beaucoup de professionnels : que pensent-ils des webtoons ? Zelihan en lit de temps en temps, même si ce n’est pas son univers, tandis que Romain Lemaire n’a pas encore eu le temps d’y jeter un coup d’œil, mais le format attise pas mal sa curiosité.

Les auteurs ont esquissé quelques dessins tout le long de la conférence
Photo : Guillaume Boutet

(par Guillaume Boutet)

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