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Loui ("Red Flower" chez Glénat) : "Je voulais partager la philosophie des arts martiaux avec laquelle j’ai grandi. " [INTERVIEW]

Par Gabriel FRANCE le 31 août 2023                      Lien  
Durant la Japan Expo 2023, nous avons pu rencontrer Loui, auteur de "Red Flower" sorti chez Glénat en Juin dernier. À cette occasion, il nous a délivré dans cette interview anecdotes et secrets sur la création de son manga et de son univers.Plongez avec nous dans la jungle profonde et rencontrez Kéli et sa tribu au milieu de ce monde d'Afro-Fantasy comme l'auteur aime l'appeler.

Comment avez-vous commencé et découvert le dessin ?

Le dessin, je l’ai commencé par nécessité. Quand j’étais enfant, je voulais être narrateur, je voulais être écrivain, donc je lisais beaucoup de romans. Je voulais écrire mes propres histoires épiques, mes histoires d’aventures, de fantaisie etc…
Ayant grandi au Ghana, je n’avais pas Internet, ni la télé, donc je ne connaissais pas le manga. Comme ma mère est française, je connaissais la BD, j’ai lu Tintin, Astérix, Rahan, etc… Ça m’intéressait, mais sans plus.

Et c’est seulement très tard, vers mes 19 ans, que je découvre le manga et des auteurs qui arrivent à raconter des histoires, en combinant dessin et texte, et même parfois sans texte. Tout ça m’a complètement chamboulé. Je me suis dit « Je vais raconter comme ça ». Et j’ai donc commencé à dessiner, vers mes 21 ans.

Quelles sont vos influences, indépendamment du support ?

J’ai beaucoup d’influences qui viennent du cinéma. J’aime beaucoup le travail de James Cameron. J’aime aussi beaucoup Guy Ritchie, le découpage, la narration hyper dynamique, les dialogues vifs... Dans mes mangas, j’essaie d’épurer justement le dialogue : pas de surplus, pas de chichi et j’aime bien ce style narratif.

Un petit peu de BD aussi, j’ai grandi avec Lanfeust quand même, donc j’aime bien.
Et après, dans le manga, un peu de tout. J’adore les histoires dont la narration est incroyable, comme Vagabond, L’Habitant de l’infini, Samouraï Bambou, Vinland Saga, Dr Stone... J’aime bien ce genre de récits.

Loui ("Red Flower" chez Glénat) : "Je voulais partager la philosophie des arts martiaux avec laquelle j'ai grandi. " [INTERVIEW]
Red Flower - Loui
© - Glénat Manga

Avant de signer chez Glénat, vous étiez en auto-édition. Qu’est-ce que ça change concrètement dans la vie ?

Ça fait que tout d’un coup, j’ai une structure de soutien là où avant, j’essayais de faire tout, tout seul. J’apprends à déléguer petit à petit certaines tâches plutôt ingrates comme la logistique, se déplacer sur les salons, acheminer les bouquins. Il y a aussi la correction orthographique, tout le travail de mise en page, etc. Ce qui fait qu’au final, j’ai davantage d’énergie pour me concentrer sur le scénario, le dessin et les choses qui sont importantes pour la narration. Ça m’enlève une dépense d’énergie accessoire qui n’est pas liée à un travail créatif.

Et la deuxième chose que l’éditeur va m’amener, c’est des personnes supplémentaires à qui je peux montrer mon travail. Cela permet d’avoir un retour objectif quand je commence à douter un peu ou quand je suis un peu trop la tête dedans et que j’ai moins de recul. Je peux demander : « - Là, honnêtement, est-ce que l’enchaînement entre deux cases, il est compréhensible ? » Si on me dit oui, je fais confiance et je continue. Si on me dit non, c’est que j’ai un truc à retravailler. Mon éditeur, Benoît Cousin, qui est très bon pour ça et dont j’apprécie beaucoup les conseils, c’est ça le deuxième très gros point positif.

Red Flower - Loui
© - Glénat Manga

Vous êtes le premier à avoir abordé les thèmes des mythes et légendes africaines en manga. Qu’est-ce qui vous a donné envie de raconter des histoires sur cet univers que vous nommez « L’Afro-Fantasy » ?

C’est venu au contact des lecteurs. Je racontais des histoires qui étaient à la base juste inspirées de choses qui me plaisaient : les arts martiaux, les gorilles géants, l’aventure, la Fantasy... Donc, je me faisais plaisir. Et en essayant de garnir et de faire grandir cet univers à travers l’auto-édition, je me suis rendu compte que j’y infusais plein de choses de ma culture, des histoires de mon enfance, les contes, les légendes, et que le public aimait beaucoup ça. Il voulait en savoir plus et découvrir cet univers.

Donc j’ai vu l’occasion de partager tout ça et d’ensuite prendre beaucoup plus d’ampleur dans la série chez Glénat où là, je me lâche vraiment. J’inclus au récit tous les symboles, les motifs, les tissus, les baobabs qui ont marqué mon enfance.

D’où vient le concept du Katafali ? [1]

Le Katafali, c’est né, je pense, de mon amour des arts martiaux, de mon envie de faire un shōnen où on allait avoir besoin de codifier les niveaux de puissance des personnages et d’amener une espèce de règle. Dans Harry Potter, il y a les sortilèges, dans Dragon Ball, des Kamehameha... Moi je voulais partager la philosophie des arts martiaux avec laquelle j’ai grandi, où l’on apprend à se battre, mais pas pour se battre. On apprend à se maîtriser soi-même, on apprend à se contrôler, à communiquer avec les autres. Ce mélange de toutes ces envies - là, a donné naissance au Katafali, un art martial fictif, dont le but est de de promouvoir la paix, et d’amener la personne à l’illumination, à la maturité.

Le Katafali - Red Flower - Par Loui
© - Glénat Manga

Toutes les différentes formes du Katafali reprennent un petit peu différentes attitudes : Est-ce que l’on doit être passif ? Est-ce que, comme l’eau, on essaye de trouver un chemin ? Est-ce que l’on négocie ? Est-ce que l’on est plus direct ou plus stoïque comme la roche ?

J’ai imaginé le concept de cette façon et cela a donné des formes un peu dansantes parce que j’aime bien le rythme, j’aime bien la dynamique de la Capoeira, par exemple, cet art martial dansant et j’ai voulu m’en inspirer.

Quelles sont les différences entre Red Flower Stories (auto-édité) et Red Flower (Glénat) ?

Red Flower Stories, c’est plusieurs histoires courtes, inspirées de contes et de légendes ouest-africaines. J’y développe plein de personnages qui sont inspirés de choses que j’ai vues, que j’ai vécues et où ils vont vivre des aventures, chacun de leur côté. Ce sont deux tomes, la série est complète, qui, ensuite, m’ont donné envie de faire une histoire plus ambitieuse dans le même univers.

J’ai repris les mêmes personnages et là, on a une grosse histoire en cinq tomes cette fois-ci : Red Flower. C’est l’histoire principale de mon univers et c’est édité chez Glénat. Donc, ce n’est pas une réédition, c’est une nouvelle grosse histoire dans le même univers.

Nous avons eu l’impression que le public visé était peut-être un peu plus jeune, pour Red Flower, que pour Red Flower Stories....

C’est une volonté de ma part, parce que je fais du shonen et parce je vise un public plutôt jeune. Mais, je pense que ça se sent dans mon tome, il y a plusieurs niveaux de lecture, c’est pour tous les publics.

Le fait que mon auto-édition ait un attrait plus clair pour les lecteurs plus âgés est aussi dû au format de la diffusion. Elle se vendait en salons et donc, ce n’est pas les plus jeunes qui vont venir acheter en salon, ce sont les parents qui achètent pour leurs enfants ou ce sont des jeunes adultes qui achètent pour eux-mêmes. Donc forcément, mes histoires étaient adaptées aux gens qui les achetaient alors.

Et aussi, comme j’étais dans une phase de test, de découverte, de recherche, d’expérimentation, j’ai testé des histoires parfois un peu plus adultes, parfois un peu plus tournées jeunesse comme celle avec les pots en argile par exemple.
Quand j’ai eu « fini mes tests » et que j’avais fait un peu ce que je voulais, il fallait que je décide à quel public m’adresser, parce que, quand on se lance avec une maison d’édition, il faut avoir une stratégie marketing très claire. Et donc on a choisi de viser les plus jeunes, c’est pour ça qu’on a rajeuni un peu Kéli [NDLR : le principal protagoniste] pour que, visuellement, ça les attire. Mais j’ai quand même conservé ce niveau de lecture secondaire pour que tout le monde puisse s’y retrouver. Et au final, j’espère que ça va marcher.

Red Flower Stories et Red Flower - Loui
© Loui / Glénat Manga

Est-ce que vous avez une idée précise de la suite ou de la fin de Red Flower ?

Oui, oui. La suite est entièrement écrite, jusqu’à la fin, donc la série se finira en cinq tomes. Mais je ne scénarise très précisément les dialogues, les enchaînements et les cadrages qu’au moment de dessiner. Sinon, je me sens trop exécutant de quelque chose que j’ai planifié il y a quelques années. Ça ne me laisse pas la place pour l’évolution, pour les nouvelles idées, pour des nouvelles envies de mise en scène. Donc pour garder la motivation et pour garder un peu de fraîcheur dans le travail aussi, je préfère juste scénariser réellement tome par tome. Mais après, j’ai les grandes lignes des évènements à venir.

(par Gabriel FRANCE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782344053485

[1NDLR : : Forme d’art martial fictif propre à l’univers de Red Flower.

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