Cet album, Jupiter’s Circle, nous invite, quant à lui, à suivre les déboires de la première génération de super-héros, celle qui est apparue dans les années 1930. La génération qui, dans la précédente série, a autant servi de modèle d’inspiration pour faire le bien qu’elle a amené progressivement l’établissement d’un régime autoritaire par des super-héros.
Très rapidement avec cet album, Mark Millar ne fait pas de doute sur la visée qu’il poursuit : la première génération est une copie carbone d’une formation « classique » de la Justice League de l’éditeur DC Comics, ce qui permet de développer les tourments personnels de tels archétypes de personnages. Ainsi, les amateurs d’action ou de spectacle mettant en scène des super-héros en seront pour leurs frais : comme l’auteur suppose que le lecteur a de nombreuses représentations de faits d’armes de tels personnages, il les laisse au second plan pour se consacrer quasi-exclusivement à l’écriture de ses personnages. Ainsi, en narrant les déboires de Blue Bolt, le Flare, Skyfox, Utopian et Lady Liberty, Millar nous raconte en creux ce qu’auraient pu être respectivement Green Lantern, Flash, Batman, Superman et Wonder Woman dans une perspective plus réaliste et désabusée entre les années 1950 et 1960.
En effet, les personnages de Millar se révèlent ici être des purs enfants du post-modernisme : à part peut-être Utopian, tous les autres ont des envies ou des besoins personnels à combler, ce qui a un gros impact sur leurs activités de super-héros ou leurs vies civiles.
Mark Millar prouve une nouvelle fois ici sa qualité d’écriture, car on se trouve à chaque fois vite happé par le nouveau cas qui se présente à nous : cacher son homosexualité dans l’Amérique des années 1950, la crise de la quarantaine en trompant son épouse avec une jeune femme, la désillusion, dans les années 1960, vis-à-vis d’une classe politique américaine qui maltraite les minorités et jette la jeunesse dans la guerre du Vietnam... L’auteur parvient même à mener une intrigue intéressante sur ce plan avec le personnage d’Utopian : est-ce qu’une femme peut demeurer amoureuse d’un homme qui est littéralement parfait ?
Vous l’aurez probablement compris à la lecture de ces lignes, on peut vous recommander la lecture de cet album plus pour l’exercice de style de Mark Millar qu’autre chose. En effet, si le scénariste démontre à nouveau son talent dans l’écriture des personnages, il n’y a pas de réelle visée au-delà et on n’avance ainsi pas sur l’origine des pouvoirs reçus par la première génération (si vous aviez cet espoir après Jupiter’s Legacy, vous risquez d’être déçus) ou sur l’intrigue globale autour de cet univers.
Relevons pour conclure que Mark Millar sait, comme d’ordinaire, vraiment bien s’entourer pour ses créations : l’équipe de dessinateurs qui se relaie pour donner corps à ces moments de vie est assurément talentueuse et donne un joli cachet à la lecture de cet album.
(par Romuald LEFEBVRE)
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Jupiter’s Circle. Par Mark Millar (scénario), Wilfredo Torres, Davide Gianfelice, Chris Sprouse, Rick Burchett, Karl Story et Ty Templeton (dessins). Traduction de Makma/Ben KG. Panini Comics, collection Best of Fusion. Sortie le 10 juillet 2019. 296 pages. 28,00 euros.