Suite à un attentat commis à Paris, à La Défense, Paul Stevens, un chimiste parisien, est pris dans des enjeux qui le dépassent. Il rejoint sa petite amie indienne à New Dehli, mais, en réalité, il continue à être manipulé par les services secrets français et américains tout au long de son périple qui le mène jusqu’au Cachemire.
Il s’agit là d’un projet en gestation dans les cartons de Michel Rouge depuis une vingtaine d’années. L’ensemble a été redécoupé par Fred Le Berre, le dessinateur de plusieurs Comanche trouvant que son récit était confus et manquait d’organisation. Il s’agissait au départ d’un récit « à message », Michel Rouge voulant dénoncer l’hégémonie occidentale qui écrase tout, notamment les traditions indiennes, en montrant un jeune Occidental prenant conscience du délire de la culture dans laquelle il vit. Le propos, reposant par moment sur des thèses quasi « complotistes », n’est pas franchement convaincant.
L’histoire devait initialement se déployer sur trois volumes, mais suite à l’échec commercial du premier volume, Glénat a imposé aux auteurs de condenser leurs deux derniers volumes en un seul. Cela se ressent fortement dans cet album trop dense. Tout le plan mystique est un peu sacrifié, faute de temps pour le développer. C’est dommage, d’autant que l’on aurait souhaité que le dessinateur ait plus de place pour certaines scènes. Plusieurs pistes, esquissées au cours du premier volume ou au début de second, ne trouvent pas d’aboutissement.
Sur son blog, Michel Rouge raconte d’ailleurs les conflits entre lui et Fred Le Berre et montre comment il a dû sacrifier dans l’urgence certains passages.
Le scénario est souvent assez brouillon, oscillant entre récit d’aventure classique, mysticisme ésotérique et dénonciation politique de complots mondiaux… Les auteurs n’ont manifestement pas réussi à se mettre d’accord entre eux, et, selon les passages, des tons très différents traversent cette bande dessinée. Le découpage manque, lui aussi, parfois de fluidité.
En revanche, le trait est impeccable, et un vrai travail a été apporté sur les couleurs par le fils du dessinateur, Corentin Rouge. Michel Rouge se revendique de l’école Giraud, qu’il définit comme une « ‘ligne claire’, initialement au pinceau, complétée par des indications de matière et un trait efficace en mode ‘croquis’ ». De fait, il est impossible de ne pas penser au dessin des derniers Blueberry quand on lit cet album. Michel Rouge a travaillé avec Giraud sur un album de Marshal Blueberry, Frontière sanglante, et cela se sent, ô combien. Le dessin est vraiment splendide, parvenant à retranscrire des ambiances très différentes avec brio.
Bref, ce n’est pas pour les messages qu’il entend véhiculer que l’on retiendra cet album, pas plus que pour son scénario complexe et peu lisible, mais pour ses magnifiques ambiances et son dessin aussi élégant que réussi.
(par Tristan MARTINE)
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