Islande, Xe siècle. Guerrier viking, Hallstein rentre chez lui après sept années d’exil pour le meurtre de son meilleur ami, Hrafn. Mais le retour d’Hallstein ne fait pas que des heureux : en particulier Einar, le frère de Hrafn, assoiffé de pouvoir et qui ambitionne de prendre la main sur cette petite communauté établie entre rives et montagnes de cette terre battue par les vents.
En effet, non seulement Einar brûle toujours de venger la mort de son frère, mais il souhaite également épouser la belle Solveig, la belle-mère de Hallstein, afin d’accroître encore son domaine et de devenir ainsi le seigneur de leur communauté. Or, ses plans sont mis en péril par ce retour, car l’Althing, le parlement-tribunal islandais, pourrait reconnaître Hallstein comme étant l’héritier de son père, même si sa mère n’était qu’une Thrall, l’équivalent d’une esclave sans droit au sein de la société islandaise. En dépit de cette tension ravivée par son retour, Hallstein pourra-t-il échapper à son passé violent et trouver la paix à laquelle il aspire tant ?
Magnifique pépite que nous a dénichée là Nicolas Anspach : L’Exilé est certainement l’une des plus intéressantes découvertes de cet été. Par cette remarquable incursion dans la vie et les mœurs islandaises de ce Xe siècle, d’abord. Son auteur, le Hollandais Erik Kriek, en parle avec passion : « Dès mon plus jeune âge, j’ai été fasciné par cette terre inhospitalière et son histoire. Ce pays situé à l’extrême nord-ouest de l’Europe, dont les habitants ont réussi à léguer au monde une tradition littéraire des plus riches et ce, en dépit de conditions de vie extrêmes. »
Cette littérature, Erik Kriek l’a analysée et digérée, avant de la ressortir sous forme de cette fascinante fiction. Car si les éléments qui sont contés se basent comme il se doit sur les traditions et les lois islandaises (tout un glossaire en fin d’ouvrage reprend la définition des notions typiquement islandaises), on se concentre surtout sur ces deux familles au bord de la rupture, comme si elles n’attendaient que le retour de cet exilé pour se laisser gagner par l’envie et la colère.
Loin d’un récit viking peuplé de combats et d’invasions sanglantes, cette saga familiale prend les allures de western, où des familles propriétaires de terrains tentent de maintenir leurs possessions en dépit d’une nature inhospitalière et des prétentions des nations voisines. Le récit évoque également le confrontation entre les anciennes traditions et les débuts de la christianisation, ainsi que l’Althing et ses jugements, ce qui manque pas de rappeler les jeunes années de Thorgal.
Moins à l’aise que Rosinski dans les mouvements dynamiques de ses personnages, Erik Kriek compense habilement cela par une narration truffée d’ellipses, ainsi que par de magnifiques décors. Sa bichromie sert magnifiquement le récit aux paysages âpres fouettés par le vent. Les visages sont burinés, les regards forts, inspirant la vengeance ou au contraire l’aspiration à la paix.
Rythmé par les flash-backs et les rêves de ce guerrier qui croit retrouver ce qu’il avait perdu en revenant au pays, L’Exilé est passionnant de bout en bout de ses 180 pages. Un roman graphique aussi didactique qu’addictif, à glisser dans vos bagages pour votre départ en vacances.
(par Charles-Louis Detournay)
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L’Exilé - Par Erik Kriek - Editions Anspach.