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Marie et les esprits - Par Rodolphe & Olivier Roman - Ed. Anspach

Par Charles-Louis Detournay le 28 octobre 2023                      Lien  
Pierre & Marie Curie faisaient partie des scientifiques les plus respectés de leur époque. Et pourtant, ils se passionnèrent pour le paranormal... jusqu'à la mort et même au-delà. Cette paradoxale approche réalisée par une palette de prix Nobel est fort bien introduite par ce one-shot publié aux Éditions Anspach. Sommes-nous certains de tout savoir ?!

Douter et expérimenter avant de tenter de comprendre et d’expliquer, plutôt que de tirer des conclusions trop hâtives. Ce sacerdoce s’applique parfaitement au couple Curie. Ils ont tous deux été couronnés d’un prix Nobel en 1905 pour leurs travaux sur la radioactivité, puis Marie Curie seule en reçoit un second en 1911. Comment alors expliquer que ces deux éminents scientifiques puissent s’être lancés dans l’étude "sérieuse" du paranormal ? Et plus précisément, celui de la lévitation d’objets en présence de médiums.

Marie et les esprits - Par Rodolphe & Olivier Roman - Ed. Anspach
© Éditions Anspach

Tout cela est brillamment contextualisé par Rodolphe, l’une des références en bande dessinée concernant le fantastique et la littérature du XIXe et du XXe siècles. Et pour justement incarner le mieux possible cette évocation historique, le scénariste s’est basé sur les notes et les témoignages des fameuses séances de spirites qui se sont déroulées en 1905 et en 1906. Mises-à-part une scène hypothétique très explicitement indiquée, tout le reste de cet album est parfaitement authentique, pour peu que l’on apporte du crédit aux témoins, bien entendu.

Et c’est là où le scénario de Rodolphe est diaboliquement malin ! Non seulement il présente ses témoins comme des personnes de bonne foi et ayant les pieds sur terre (des scientifiques, mais aussi des figures littéraires pour Conan Doyle). Mais surtout, Rodolphe présente lui-même le fait que certains médiums "trichent" régulièrement lorsque les esprits ne sont pas d’humeur à se livrer à leurs facéties habituelles. En effet, lorsqu’on vit de ce genre de spectacle, on ne peut pas renvoyer son public en disant qu’aujourd’hui, cela ne "vient pas". Dans le même temps, peut-on alors irrémédiablement penser que toutes ces séances sont toutes truquées ? Non, et c’est bien le problème : il faut alors justement réunir ce panel de prix Nobel de physique, chimie, médecine et de littérature pour s’en faire une idée objective.

© Éditions Anspach

Tout l’art du récit de Rodolphe est donc de situer dans cette étroite fenêtre d’étude. Surtout que les Curie venait de découvrir la radioactivité, à savoir une matière qui peut irradier de la lumière et interagir à distance avec d’autres choses. De quoi s’approcher de la lévitation initiée par les esprits, n’est-ce pas ? Ou tout du moins, pousser ces scientifiques à étudier ces phénomènes !

Le scénariste expérimenté commence habilement son récit en relatant les souvenirs d’enfance de Marie Curie, lorsque sa mère décédée aurait marché dans les couloirs de la maison. Oh, tout cela pourrait prêter à sourire, mais les éléments apportés progressivement par le récit insinuent le doute dans les esprits les plus fermés. De plus, Rodolphe joue sur les sentiments et les drames vécus par les deux personnages principaux, Pierre et Marie Curie. Peut-on basculer dans la facilité lorsqu’on traverse un drame personnel, cette irrémédiable envie de croire ? Ou ces scientifiques éminents ont-ils continué à garder le cap malgré les épreuves ? Le récit évite habilement de répondre à ces questions pour se focaliser sur les faits et les témoignages. Le lecteur tirera ses propres conclusions, mais elle seront sûrement moins catégoriques qu’il ne l’aurait envisagé.

© Éditions Anspach

Olivier Roman distille le cadre nécessaire à cette étude qui voyage entre science et paranormal. Avec une ligne plus claire que celle que Milan Jovanovic a utilisée avec Alcante pour la série (fictive) Jason Brice qui explorait la même thématique. Même s’il est parfois un peu figé dans les mouvements, le graphisme de Roman convient particulièrement pour évoquer la Belle époque et surtout l’aspect authentique du récit. Une connotation parfois appuyée par des mentions de noms près des personnages, de quoi renforcer l’aspect documentaire du récit, même si cela lui confère aussi un aspect plus artificiel et donc moins narratif.

Cette confrontation entre sciences et spiritisme intéressera tous les lecteurs férus de vérités et d’étrangetés. Ils pourraient d’ailleurs continuer à étancher leur soif de connaissances à ce propos, car l’éditeur mentionne une collection Médiums au-dessus du titre de ce one-shot. Avec le M en haut du dos, six autres tomes pourraient-ils paraître par la suite ? Il faudrait disposer d’un pouvoir de prédictions pour s’en assurer, mais à coup sûr, ce (premier) tome a su éveiller notre intérêt !

© Éditions Anspach

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782931105177

Concernant la même thématique, lire les chroniques des trois tomes de Jason Brice :
- Le tome 1
- Le tome 2
- Le tome 3

Anspach ✍ Rodolphe ✏️ Olivier Roman à partir de 10 ans
 
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