Une vie d’artiste, mais aussi une vie de malade. Unica Zürn, poétesse et dessinatrice allemande, a traversé le monde de la création, prisonnière de sa schizophrénie. Elle finira par se suicider à 54 ans. Loin de tracer son parcours en une biographie linéaire, Céline Wagner entremêle les fils de sa vie pour dresser un portrait sensible et juste. Rien ne semblait apaiser l’artiste, ni ses œuvres [1] ni sa relation avec le plasticien Hans Bellmer, lui-même fragile moralement.
Alternant dans son récit scènes classiques du réel, dessins et bribes de poésies, Céline Wagner propose une plongée en profondeur dans l’esprit troublé d’Unica. Tantôt pleine d’inspiration, tantôt repliée dans un monde gris et menaçant, elle lutte sans cesse contre ses tendances suicidaires. Un combat qui aura raison d’elle.
Outre la découverte d’une personnalité fascinante, c’est aussi la forme qui rend cet album précieux. Les dessins proches de la peinture, les couleurs riches et subtiles, les gestuelles des personnages donnent une formidable épaisseur au récit. Et les dessins "à la manière de" intercalés entre les séquences ne sont pas en reste. Celui qui progresse sous nos yeux (pages 85-89) est même éblouissant.
Il convient d’accepter la liberté de ton de l’auteure et le fond douloureux de La Trahison du réel pour en saisir les qualités. Et aussi aller jusqu’aux dernières pages : Céline Wagner, dans un dossier développé en détail, évoque son travail, ses recherches, et les deux artistes au centre de la trame. Un investissement impressionnant qui ne doit pas masquer la richesse créative de l’album.
(par David TAUGIS)
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[1] quelques livres sont disponibles en traduction française