Il est vrai que tous les beaux-arts sont présents dans le 9e Art, au point même que la bande dessinée, dans ses nombreuses biographies de peintres : du Pascin et du Chagall de Sfar au Lautrec de Gradimir Smudja, est devenue une sorte de "petit conservatoire" des arts du passé.
Qui d’ailleurs a institué cette classification qui met la BD à la neuvième place ? Hegel, semble-t-il, suivi par ses pairs au XIXe et au XXe siècles qui établirent à sa suite (il ne fixa que les cinq premiers) que la bande dessinée succèderait à (dans l’ordre) l’architecture, la sculpture, les « arts visuels », qui regroupent la peinture et le dessin, la musique, la littérature, qui inclut la poésie et la dramaturgie, les « arts de la scène », qui concernent aussi le théâtre, la danse, le mime et le cirque, le cinéma et enfin les « arts médiatiques », qui incluent la radio, la télévision et la photographie.
Yvan Delporte ne manqua pas, dès 1964, de faire remarquer que la BD précédait le cinéma et la TV, qu’elle devrait être donc le 7e Art. Mais on ne va pas faire une guerre de religion pour si peu, non ?
Ce que la bande dessinée fait bien, en revanche, c’est évoquer les autres arts, et les exemples ne manquent pas ces derniers temps. Rien que cette semaine, Glénat publie les biographies en BD d’Egon Schiele par Dimitri Joannidès & Nicolas Sure, de Monet par Frank Secka & Vincent Gravé et de Gauguin par Patrick Weber & Nicoby, tandis que Mark Twain est adapté en BD par Olivia Vieweg dans Huck Finn (Glénat également).
Pour la nouvelle édition de Livre-Paris 2016, les organisateurs de la scène BD se sont arrêtés sur le troisième art, tel qu’il est représenté dans la BD : la peinture, ici pratiqué par trois phénomènes.
Le premier a pour nom Julie Birmant. Avec Clément Oubrerie, elle a signé la tétralogie de Pablo, une formidable biographie de Pablo Picasso publiée en quatre volumes aux éditions Dargaud. "Un récit enlevé aux personnages éminemment romanesques, formidablement bien écrit..." écrivions-nous, enthousiastes, au moment de la sortie du premier album.
Outre un point de vue inédit (la vie du peintre catalan est racontée par un de ses modèles...), cette biographie s’interdit de montrer ses tableaux, pour une question de droits, car reproduire, même dans une BD, un dessin de Picasso, cela se paie...
Il n’empêche que cet ouvrage raconte merveilleusement la condition du peintre, sa réflexion sur l’art et la façon dont il se nourrit des idées de son temps et du microcosme de peintres et d’écrivains qui l’entourent. Julie Birmant, dont la documentation est sans faille, racontera tout cela sur la scène de Livre Paris.
Elle pourra croiser le fer avec l’exubérant Herr Seele, peintre lui-même et connaisseur érudit de l’histoire de cet art. Nous vous avons déjà décrit le phénomène voici quelques jours et nous vous conseillons de vous reporter à cet article.
Cela nous laisse un peu de temps pour nous pencher sur la petite merveille qui déboule dans les librairies cette semaine : Sur les ailes du monde, Audubon, chez Dargaud. C’est un de nos grands coups de cœur du printemps car le scénariste Fabien Grolleau nous raconte bien plus que la simple biographie d’un peintre-ornithologue au trait délicat, d’une précision qui allie la rigueur scientifique avec le raffinement esthétique : Jean-Jacques Audubon qui conta sous divers pseudonymes le récit, parfois romancé, de ses voyages.
Les béances de sa biographie permettent au scénariste d’imaginer un aventurier au long cours qui parcourt l’Amérique au moment où elle n’est pas encore pas encore colonisée complètement par l’homme blanc.
Le dessin de Jérémie Boyer, né à Paris en 1979 et habitant aujourd’hui Bruxelles, est époustouflant. Non seulement il arrive à rendre avec un goût exquis les différents animaux décrits par le peintre mais il restitue à la perfection l’effet quasiment édénique de cette nature inviolée que les impétrants saccagent sans penser à mal. Audubon lui-même tue cent oiseaux par jour pour les dessiner "de nature".
Nous qui considérons cette histoire près de deux siècles plus tard, au moment où la biodiversité est pour ainsi dire devenue une chose du passé, nous ne pouvons qu’en avoir le frisson. Entre admiration et sidération, on parcourt avec ravissement ce paradis perdu qui n’est plus hélas, qu’imaginaire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Retrouvez Julie Birmant, Herr Seele et Jérémie Boyer su la Scène BD de Livre Paris 2016 (S66)
Le jeudi 17 mars 2016, de 11h15 à 12h15 - Modérateur : Louis Girard.
LIVRE-PARIS, du 17 au 20 mars 2016.
PARIS PORTE DE VERSAILLES – PAVILLON 1 BOULEVARD VICTOR, 75015 PARIS
La Page Facebook de l’événement
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