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La Sage-femme du roi – Par Adeline Laffitte et Hervé Duphot – Éditions Delcourt

Par Damien Boone le 4 mai 2023                      Lien  
Son nom est peu connu : on doit à Angélique Du Coudray, sage-femme du XVIIIe siècle, une révolution dans l'enseignement de son art. Grâce à l'écriture d'un mémoire et à la mise en place d'une « machine », elle est la mère d'une méthode pédagogique innovante qui permit de considérablement diminuer le nombre de morts en couche. Mais la reconnaissance de son savoir a été semée d'embûches. Ce beau récit rend hommage à une femme à qui l'humanité doit une fière chandelle.

Paris, 1747, académie royale de chirurgie : devant une assemblée entièrement masculine, deux chirurgiens-accoucheurs réalisent une démonstration de leur nouvelle technique d’accouchement, réalisée grâce à un nouveau forceps. La scène inaugurale de ce récit pose bien le contexte idéologique de l’époque : au milieu du XVIIIe siècle, les chirurgiens, sont reconnus comme les spécialistes en matière d’accouchement. Tous de sexe masculin, ils ont la mainmise sur le corps des femmes, réduites à un état passif, sans garantie quant aux douleurs infligées ni même à leurs chances de survie. Ce double-combat, féministe et professionnel, est au cœur de la vie d’Angélique Du Coudray. Sage-femme, elle se heurte au mépris de ceux qui considèrent que l’enfantement n’est qu’une technique qui ne demande ni compétence anatomique ou obstétrique, ni prise en compte globale du corps de la mère.

La Sage-femme du roi – Par Adeline Laffitte et Hervé Duphot – Éditions Delcourt

Lasse d’être moins considérée que des accoucheurs, elle accepte la proposition d’un baron auvergnat qui, ayant précédemment perdu son ex-épouse après un accouchement, est convaincu que son savoir permettra de sécuriser les accouchements dans sa ville. En Auvergne, Coudray va faire face à une réalité « provinciale » : ici, ce sont des matrones, aux pratiques superstitieuses, qui réalisent les accouchements. Le taux de mortalité des nouveaux-nés et des mères est catastrophique. En proie à la méfiance de la population locale, parce qu’elle est parisienne et sage-femme, Angélique Du Coudray n’est que peu sollicitée. Elle a alors l’idée de mettre au point un mannequin qui lui permettra de former de nombreuses sage-femmes. Enfin reconnue, elle reçoit en 1759 du roi Louis XV un brevet royal qui lui permet de dispenser son art dans tout le royaume.

Le scénario d’Adeline Lafitte fait la part belle à la ténacité d’Angélique Du Coudray, remarquable d’abnégation face à l’obscurantisme des uns et au machisme des autres. Le récit met en avant sa grande humanité et le souci de répondre à un fléau qui est alors à peine considéré comme un problème de santé publique. Le dessin d’Hervé Duphot, aux couleurs très riches, nous plonge avec réalisme dans différentes couches de la société, toutes marquées par leurs préjugés.

Assurément, un livre remarquable sur un combat qui ne l’est pas moins : assurer la sécurité des naissances et l’accompagnement des femmes.

(par Damien Boone)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782413045946

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