Actualité

Le feu d’artifice du Roi-Méduse de Brecht Evens

Par Hippolyte ARZILLIER le 13 janvier 2024                      Lien  
C'était avant-hier, le 11 janvier 2024, dans un espace branché du 11e arrondissement de Paris, l’auteur de bandes dessinées parigot-belge Brecht Evens venait présenter son prochain roman graphique chez Actes Sud BD : Le Roi-Méduse, premier tome d’une série. Entre références à Harry Potter et aux Pirates des Caraïbes, le dessinateur flamand a raconté comment il avait conçu cet ouvrage qui se veut aussi ambitieux qu’original.

Néerlandophone, Brecht Evens est né à Hasselt en 1983, mais vit à Paris depuis 2013. Ses premiers albums chez Actes Sud BD Les Noceurs (2010), Les Amateurs (2011), Panthère (2014), Les Rigoles (2018), et Idufania (2021) l’imposent comme un coloriste de premier plan. Il reçoit aussitôt de nombreux prix : le Prix Willy Vandersteen, le Prix de l’Audace du festival d’Angoulême, le prix Bédélys au Canada, le prix spécial du jury du festival d’Angoulême…

Face à un tel palmarès, son dernier ouvrage, en librairie le 17 janvier prochain, doit se démarquer. Et il le fait : on y découvre l’histoire d’un petit garçon, Arthur, qui vit une relation fusionnelle avec son père complotiste. Vivant sur une île, les deux personnages se croient en permanence observés par les « Dirigeants » et cherchent à participer à la résistance organisée par les « Alliés ».

D’une taille conséquente (288 pages), l’album surprend par un style et une esthétique extrêmement déroutants. Chaque page est construite de façon disruptive, et la relation père-fils, à la fois lumineuse et minée en arrière-fond par la dépression, touche le lecteur autant qu’elle l’interroge. D’où la réticence manifestée par Brecht Evens lorsqu’on lui demande de "pitcher" ses bandes dessinées...

Le feu d'artifice du Roi-Méduse de Brecht Evens

Il balise ainsi les origines de son histoire : c’est un « délire d’interprétation » qu’il aurait lui-même vécu et qu’il décrit comme un « état où le cerveau tourne très vite » et « où l’imagination déborde ». Apparaît alors « un monde fantasmé » à la tonalité particulière, une vision agréable, bien différente d’une crise psychotique.

Son problème était toutefois de ne pas faire un personnage trop proche de ce qu’il était. D’où le choix de l’enfant, une petite personne dans un monde limité, qui ne risque guère de s’éparpiller dans le « million de stimulus » de son expérience délirante.

La figure enfantine présente un second avantage ; celui de renforcer cette impression d’isolement née du complotisme du père. Elle est là la connexion que Brecht Evens fait avec l’œuvre de J. K Rowlins, Harry Potter : comme dans la célèbre saga, un esprit chaleureux et communautaire naît d’un rejet partagé des forces du mal.

C’est ce qui explique aussi, selon son éditeur Thomas Gabison, le choix de l’île : en donnant à l’histoire un cadre spatial très limité, l’auteur parvient à renforcer l’intimité existant entre Arthur et son père – ce qui donne, selon les propres mots du Flamand, à leur vie commune une allure très « sectaire ».

Si les analyses donnent envie, reste à lire l’ouvrage. Nous en parlerons certainement dans un prochain article, où nous reviendrons aussi sur la place de la folie dans l’œuvre de Brecht Evens : du schizophrène des Amateurs au paranoïaque du Roi-Méduse , nous tâcherons d’y montrer comment le travail de l’auteur flamand s’accompagne toujours d’une remise en question de toute séparation trop marquée entre le normal et la pathologique.

L’éditeur d’Actes Sud BD, Thomas Gabison, et Brecht Evens lors du lancement de l’album.
Photo : Hippolyte Arzillier

(par Hippolyte ARZILLIER)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782330185138

Actes Sud ✏️ Brecht Evens France
 
Participez à la discussion
2 Messages :
  • J’aime beaucoup le talent d’illustrateur et de coloriste de Brecht Evens mais je ne trouve pas que ce soit un auteur de bd. Ses découpages et sa narration m’ennuient et ont beaucoup moins de force que ses grandes illustrations

    Répondre à ce message

    • Répondu par Sylvain le 17 janvier à  07:50 :

      Comme quoi, les goûts et les couleurs... Au contraire, pour ma part, j’apprécie particulièrement les jeux de mise en page souvent inventifs de l’auteur, très maitrisés dans l’audace car restant systématiquement lisibles. On n’est pas dans la virtuosité gratuite, qui me perdrait également, mais bien dans un parfait équilibre entre fond et forme.
      Ce genre de jeux avec les codes narratifs représente tout à fait, selon moi, l’exemple-type de ce que peut offrir le cadre d’un album de bande dessinée dans ce qu’il a d’unique, que n’offrirait aucun autre support de création.

      Répondre à ce message

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Hippolyte ARZILLIER  
A LIRE AUSSI  
Actualité  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD