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Une exposition-événement au Centre Pompidou : « La bande dessinée à tous les étages »

Par Hippolyte ARZILLIER le 9 avril 2024                      Lien  
Cet été ne sera pas entièrement dédié aux JO et au sport. Pour la bande dessinée aussi le moment est remarquable : une grande institution culturelle va lui consacrer ce qui sera la plus importante exposition jamais réalisée sur le 9e art en France. Son titre ? « La bande dessinée à tous les étages ». Ça embrasse large, mais il a le mérite d’insister sur un point : la bande dessinée occupe une place de premier choix dans un établissement culturel de renom, un haut lieu de la création contemporaine : le Centre Pompidou.

L’événement s’organise en six parcours. Chacun aborde un aspect de la bande dessinée. Une première exposition propose un dialogue entre les trois principaux foyers de la production de bande dessinée : la bande dessinée européenne, les mangas asiatiques et les comics américains qui réuniront un grand nombre d’oeuvres et d’auteurs, de Hergé à Breccia, de Philippe Druillet à Chantal Montellier, de Moebius à Eric Lambé, de Marjane Satrapi à David B, de Nicole Claveloux à Edmond Baudoin...

Dans la seconde, au sein de la collection permanente, les commissaires font le choix de mettre en regard des œuvres d’auteurs actuels avec celles d’artistes célèbres, comme par exemple, Balthus avec Blutch, Jules Pascin avec Joann Sfar, Paul Klee avec Brecht Evens, Robert Doisneau avec Emmanuel Guibert, ou encore Mark Rothko avec Catherine Meurisse.

À côté de ce contrepoint, six petites installations monographiques d’auteurs incontournables de l’Histoire de la bande dessinée : Winsor McCay, Geo McManus, Georges Herriman, Hergé, Edmond-François Calvo et Will Eisner.

Une exposition-événement au Centre Pompidou : « La bande dessinée à tous les étages »
Dessin de Moebius
© Moebius Productions

On remarquera dans ces expositions un véritable souci de faire dialoguer les arts avec la bande dessinée. Elles sont conduites par les commissaires Anne Lemonnier, éditrice et attachée de conservation au Musée national d’art moderne et Emmanuelle Payen, directrice du département Développement culturel et Cinéma à la Bibliothèque Publique d’Information, assistées par deux conseillers scientifiques : Thierry Groensteen, théoricien et historien de la BD, ancien directeur du Musée de la bande dessinée à Angoulême, et Lucas Hureau, responsable des projets de Michel-Édouard Leclerc liés à la BD après dix ans à la maison Artcurial.

Un esprit malicieux postulerait qu’aux yeux de Beaubourg, on ne peut pas « seulement » parler de bande dessinée ; mais un autre esprit enjoué expliquerait que c’est là une belle manière de légitimer le 9e art : pointer les similitudes (et les différences !) qui peuvent exister entre des œuvres d’auteurs de BD et celles de grands artistes, qu’ils soient peintres, photographes, sculpteurs ou plasticiens, et ceci d’égal à égal.

L’exposition est soutenue par le Fonds Hélène & Edouard Leclerc, et la collection de Michel-Edouard Leclerc, que l’on sait très riche en originaux de bandes dessinées, un patrimoine exceptionnel qui a déjà permis d’excellentes expositions dans leur site à Landerneau, comme celle dédiée à Métal Hurlant et à (A Suivre), à Lorenzo Mattoti, et très récemment, une rétrospective d’Enki Bilal… Bref, nul doute que de magnifiques planches seront exposées !

L’exposition dédiée à Hugo Pratt - dans l’écrin habituel de la BPI qui a déjà accueilli Chris Ware, Catherine Meurisse, Riad Sattouf et Posy Simmonds, s’intéressera quant à elle aux références littéraires du maître vénitien : Arthur Rimbaud, Hermann Melville, Joseph Conrad, Jack London… ; un dialogue fécond.

Corto Maltese par Hugo Pratt
© Cong SA

À côté de ces trois grands parcours, une expo consacrée à Marion Fayolle se tiendra dans la Galerie des enfants : les visiteurs pourront découvrir son univers poétique en traversant trois grandes « tentes-têtes » qui abritent chacune « des moments de partage, de découverte et d’étonnement ».

La programmation se veut aussi un champ de découvertes, d’où cette exposition qui se tiendra au Niveau -1 consacrée à une revue de bande dessinée alternative qui fête son dixième anniversaire : la revue Lagon (du 29 mai au 19 août 2024).

En regardant ce programme, une question vient rapidement à l’esprit : parmi tous les auteurs convoqués, où est passée la bande dessinée populaire ? Elle s’y trouve. Franquin, Reiser, Fred, Tezuka, Jean-Claude Forest et d’autres sont là. Mais on ne peut pas tout exposer ; là, le choix des commissaires s’exprime : Moebius et non Giraud, Crepax et non Manara... Nous ne manquerons pas de revenir sur ces choix dans de prochains articles.

Un tel navire-amiral ne navigue pas sans son cortège : plusieurs événements éphémères (discussions, concerts, performances et ateliers) se dérouleront du 29 mai au 1er juillet au Niveau -1. Le détail de ces événements, des dates et des personnalités invitées est disponible sur le site du Centre Pompidou. Nous aurons l’occasion d’y revenir sur ActuaBD.com.

En conclusion, la bande dessinée n’a peut être pas encore à Paris le musée dédié qu’elle mérite, mais avec cette exposition, c’est une grande étape qui est franchie. De « Low Art », la bande dessinée devient un « High Art » ? Peut-être, les prix astronomiques de certains auteurs dans les galeries et les ventes publiques en témoignent. Raison de plus pour aller admirer les centaines de chefs d’œuvre qui nous attendent.

Voir en ligne : LE SITE DE L’EVENEMENT

(par Hippolyte ARZILLIER)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Du 29 mai au 4 novembre 2024
- « Bande dessinée (1964 - 2024) » | Exposition, Galerie 2, niveau 6
- « La bande dessinée au Musée » | Accrochage Musée, niveau 5
- « Corto Maltese. Une vie romanesque » | Exposition, Bibliothèque publique d’information, niveau 2
- « Tenir tête ». Une exposition-atelier de Marion Fayolle, Galerie des enfants, niveau 1

Du 29 mai au 19 août 2024
« Revue Lagon, le chemin de terre » | Exposition | Niveau -1

Du 29 mai au 7 juillet 2024
« La BD hors des cases » | Programmation vivante | Niveau -1

En médaillon : affiche de Fanny Michaelis.

✏️ Brecht Evens ✏️ Catherine Meurisse ✏️ Will Eisner ✏️ Hergé ✏️ Blutch ✏️ Joann Sfar ✏️ Emmanuel Guibert ✏️ Marion Fayolle ✏️ Enki Bilal ✏️ Lorenzo Mattotti ✏️ Georges Herriman ✏️ Winsor McCay ✏️ Hugo Pratt France La BD à tous les étages (Pompidou)
 
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19 Messages :
  • En voila une bonne nouvelle !
    Avec cette expo, les touristes venus de l’étranger ou de nos provinces vont pouvoir se régaler les yeux, en plein centre de Paris !
    De plus, ayant déjà fréquenté les expos permanentes ou temporaires de Beaubourg, je dirais que ces accrochages aux cotés de prestigieux peintres contemporains d’excellentes planches de BD, vont redonner du ""peps" à ce Centre parfois austère !
    La BD, c’est aussi de l’Art Contemporain,, mais accessible à toutes et à tous !

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  • Bonjour. C’est votre interprétation low art high art ? On en est encore là ?! C’est fatigant .

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  • Le sacre de la BD par les institutions.
    10 avril 03:16, par Général Propergol

    Grand principe de la légitimation officielle de la BD : toujours l’exposer en regard de l’art consacré. On ne compte plus les expos prestigieuses où la bande dessinée se doit d’être présentée à l’ombre tutélaire des grandes œuvres.
    Le rock a échappé à cela. Le cinéma aussi, dans une moindre mesure. Jusqu’à quand la bande dessinée devra-t-elle traîner ce boulet ?

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    • Répondu le 10 avril à  21:29 :

      Commentaire daté. Ce n’est pas un boulet, c’est un honneur. Le rock comme le jazz et la musique populaire en général ont également à leur tout eu leur place au musée et concernant le cinéma, il est légitimé depuis longtemps.

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      • Répondu par Caporal Diesel le 12 avril à  08:27 :

        Vous ne comprenez pas ce que j’ai écrit. Alors je vous explique.
        Vous avez déjà vu un concert de rock précédé d’un concerto de musique de chambre en guise de première partie ?
        Ou une conférence sur la peinture du Moyen Age avant un épisode de Game of Throne ?
        L’art reconnu et plus particulièrement l’art contemporain peine à intéresser le grand public et à le renouveler en dehors des grosses machines. Il lui faut donc l’attirer avec quelque chose de plus accessible. La BD est utilisée pour cela. Ce sont donc les tenants de l’art consacré qui espèrent tirer les honneurs de cette proximité / récupération en démontrant leur largesse d’esprit qui n’est en réalité qu’une forme de condescendance. Sinon, il y belle lurette qu’un musée de la bande dessiné ou un festival digne de ce nom aurait été créé à Paris.
        La bande dessinée n’a pas besoin de ce genre d’honneur.

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        • Répondu le 12 avril à  16:39 :

          Je n’ai pas compris ce que vous avez écrit puisque vous n’avez rien écrit, à moins que vous ne changiez de pseudonyme à chaque message… Peu importe, j’ai bien compris votre raisonnement mais je ne suis pas d’accord avec vous. Je ne fais aucune différence entre un Nocturne de Chopin et un morceau des Sex Pistols aucune différence entre une toile de Caillebotte et un strip de Schulz, aucune différence entre un livre de Hermann Hesse et un album de Goscinny, aucune différence entre une pièce de Racine et un film de Coppola. (Je ne cite exprès que des classiques mais il y aussi tous les jeunes artistes et tous ceux à venir.) Je me fiche éperdument de ces vieux débats Art Mineur / Art Majeur ou Art Reconnu / Art Souterrain. Tout ce qui peut détruire les chapelles, abattre les barrières et faire reculer les préjugés, d’où qu’ils viennent et où qu’ils aillent, me convient. Je me réjouis de voir cette expo. SI vous considérez que la BD n’a pas sa place au Centre Pompidou, c’est que vous ne connaissez pas le Centre Pompidou. Bon week-end.

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          • Répondu par Caporal Diesel le 14 avril à  08:43 :

            Qui vous parle de chapelles et de hiérarchies ? Pas moi en tout cas. Vous déduisez de mon propos ce qui vous arrange ou alors vous ne le comprenez décidément pas. Il ne s’agit pas de différences, ce n’est pas le sujet.
            Je conteste simplement la légitimation par le haut de la bande dessinée. Cette façon de devoir l’associer à l’art reconnu légitime.
            Ce qui m’intéresse, c’est précisément la façon dont procède cette légitimation que nous avons la chance de vivre en direct depuis quelques années. D’abord par les galeries qui fixent les planches de bande dessinée en tant que marchandise monnayable, simultanément ou précédant de peu, les théoriciens qui forgent un discours intellectuel élaboré et qui par ce seul fait bâtissent le second étage de la fusée (comme l’art contemporain qui ne pourrait exister sans). Lequel discours ne saurait envisager la BD sous son angle plastique, mais seulement sous son approche interprétative, la seule qui auto-légitime le discours en question. Les artistes n’étant pas supposés parler de théories à quelques rares exceptions, tels Gil Kane ou Will Eisner.
            Dès lors, le décollage se parachève avec la récupération du phénomène dans des lieux prestigieux. Mais comme, malgré tout, aux yeux de l’art reconnu, la bande dessinée reste en dépit de tout un art mineur, on l’adosse à des œuvres qui sont entrées dans le patrimoine.
            Ce qui permet enfin de boucler la boucle et satelliser la bande dessinée autour de la planète art contemporain tout en légitimant, par effet de rebond, les intervenants qui y procèdent. Car ils sont ils sont les seuls à pouvoir le faire de par leur puissance médiatique.
            Cela me rappelle un numéro du Débat intitulé "Le sacre de la BD", titre performatif, dans lequel on pouvait lire une série d’articles tous plus nuls que les uns que les autres.
            Cette légitimation ne s’accompagne évidemment d’aucun effet sur le statut d’auteur de bande dessinée qui reste précaire. La légitimation se nourrit d’elle-même.
            A votre avis, pourquoi c’est Roy Lichtenstein qui a connu la gloire en copiant une image de Russ Heath et non ce dernier ?
            J’ajoute que nous assistons au même phénomène concernant les séries télévisées. Leur diffusion massive permet une légitimation beaucoup plus rapide.
            Plus haut, Laurent Colonnier résume de manière beaucoup plus synthétique ce que je pense. :-)

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            • Répondu le 16 avril à  15:19 :

              J’avais bien compris ce que vous disiez et ça fait trois que vous l’expliquez, de façon moins synthétique à chaque fois. C’est inutile d’insister, ce processus de légitimation de la BD, comme vous dites, et que vous décriez, je l’approuve au contraire. Je trouve même ça heureux. Dites-nous donc ce que souhaiteriez plutôt qu’il se passe autour de la BD, ce serait faire rebondir le débat de façon intéressante.

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            • Répondu le 16 avril à  15:23 :

              Roy Liechtenstein a connu une gloire modérée en utilisant le même procédé que Warhol. Récupérer une image destinée au grand public (une boite de conserve ou une case de BD) et la faire entrer au musée en y introduisant de l’ironie (tout en en révélant les qualités plastiques auxquelles personne ou presque ne faisait attention jusque là). Marcel Duchamp faisait déjà ça 40 ans plus tôt.

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            • Répondu le 16 avril à  15:36 :

              C’est vous et Colonnier qui méprisez la BD en pensant la défendre. "la BD pour ce qu’elle est", c’est d’un snobisme assez effarant. La BD n’est plus un art populaire depuis longtemps, en tout cas plus en France, ni en Belgique. C’est un marché de niche pour gens cultivés et aisés. Il faudrait ouvrir les yeux. Et quant à rêver d’une amélioration de l’ordinaire des auteurs, je préfère voir la BD entrer franchement au musée et dans les galeries, où elle a toute sa place, et espérer (sans trop d’illusions) des retombées financières sur les quelques auteurs qui sauront bien négocier leur affaire, plutôt que de me complaire avec mes collègues dans la misère tout en m’imaginant, comme vous semblez le faire, qu’il y a une forme de noblesse à faire de l’art populaire en crevant de faim.

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        • Répondu par tom le 19 avril à  08:10 :

          Parfaitement d’accord avec vous !!! La BD mérite une expo au centre pompidou, c’est certain, mais qu’on se débarrasse de cette volonté institutionnelle de la fiancer avec les arts contemporains, et de ce discours de "légitimisation" envers un art qui est un art populaire et dont la popularité passe outre ces calculs académiques et d’association à un art contemporain que la BD ne cesse de railler par ailleurs. Ils veulent attirer le public auprès de l’art contemporain - qui n’intéresse personne - par le biais de la BD. Vous avez aussi parfaitement raison de constater le peu de lieux d’expo permanents consacrés à la BD à Paris.

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          • Répondu le 19 avril à  18:45 :

            Vous faites tout un foin de cette prétendue tentative de "légitimation" (vous préférez que la BD soit illégitime ?), mais apparemment la confrontation entre des auteurs de BD et des peintres ne représentent qu’une petite partie de cet événement à Beaubourg. De plus, et à titre d’exemple, rapprocher les planches de Blutch des toiles de Balthus tient de l’évidence, et ne manquera pas d’intérêt pour le public.

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  • Encore une de ces grosses expo de merde qui méprisent la bande dessinée pour ce qu’elle est. On n’a pas le cul sorti des ronces avec ces pitoyables cuistres postmodernes autosatisfaits, affligeants réacs qui s’ignorent.

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    • Répondu par Seb le 10 avril à  14:58 :

      Lol. Réjouissez-vous qu’on expose la BD de la manière la plus large possible, ça vous évitera de vous rabougrir encore plus vite que vous ne le faites déjà :p

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      • Répondu le 10 avril à  16:23 :

        Mais ça a l’air franchement super, c’est même carrément impressionnant comme sélection, sur le papier en tout cas. Hâte d’y aller.

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      • Répondu le 10 avril à  19:18 :

        Cette manière de faire n’a rien de large, au contraire, c’est en catimini, en portion congrue, un peu honteusement en fait, heureusement qu’on y met du vrai ART à côté, pas seulement ces petits gribouillis infantiles.

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        • Répondu le 10 avril à  21:32 :

          En catimini ? Vous l’avez vu l’expo pour en juger si longtemps à l’avance ? Et vous êtes allés au Centre Pompidou déjà ces 30 dernières années ? Il y a longtemps que les oeillères qui entouraient le "vrai art" comme vous dites, ont été abolies. C’est plutôt une grosse partie du public BD qui a toujours des oeillères.

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  • On peut noter que même l’affiche n’est pas de la bande dessinée.

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    • Répondu le 11 avril à  11:37 :

      Faudra nous expliquer ce que c’est la bande dessinée selon vous, les occasions de se marrer ne sont pas si nombreuses.

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