Décidément, les personnages de Greg reviennent en force ! Après le retour de Bernard Prince avec Hermann himself au dessin, voici que Olivier Rameau et Colombe Tiredaile fêtent en fanfare leur arrivée en intégrale.
Un univers qui tranche nettement avec les séries de l’époque
Alors assistant au studio de Greg, Dany y fait ses classes dans les années soixante, réalisant de menus travaux avant que Greg ne vienne le trouver avec une idée totalement décalée ! Tout cela y est fort bien rapporté et documenté par le couple Pissavy-Yvernault, à qui on devait déjà la biographie d’Yvan Delporte Rédacteur en chef et les entretiens avec Loisel et Le Tendre En quête de l’Oiseau du Temps.
"En fait, je voulais prendre le contre-pied de ce qui se faisait en bande dessinée", explique Greg lors d’un entretien accordé à Thierry Groesteen, et repris dans ce dossier de dix pages pour cette première intégrale. "Je venais de diriger Hermann vers Bernard Prince, et le tour était venu pour Dany. Tous les croquis qu’il m’apportait représentaient des gangsters. [...] En fait, je n’étais pas convaincu par son style réaliste !"
Dany tombe alors des nues devant le scénario poétique que lui propose le rédacteur en chef de Tintin : "Tout l’univers était déjà en place : l’oiseau Razibus, les Ziroboudons, la tarte mal cuite, Olivier et Colombe ... Je m’attendais tellement pas à ce type d’histoire que je me suis pris tout cela en pleine figure. Puis très rapidement, j’ai entrevu ce que je pouvais faire avec un scénario comme celui-là."
Greg avait eu cette idée lors d’un déplacement en tramway vicinal à travers la campagne belge. Désirant une série gentille dans son hebdomadaire, il crée alors ce riche monde de Rêverose dans lequel débarquent deux clercs de notaire, dont un certain Olivier Rameau qui ressemblait si fort au dessinateur Dany.
La première apparition de cette bande détonne nettement au sein de numéro de Tintin, en octobre 1968 : propulsé entre Dan Cooper, Tounga et Luc Orient, Olivier Rameau est une bulle d’oxygène et de rêve, la présentation d’un monde à part se distinguant même des autres séries moins réalistes mais tout aussi humoristiques qu’étaient Chlorophylle et Chick Bill. Les deux minutes d’arrêt à Hallucinaville ont lancé le signal d’un voyage qui perdure depuis plus de quarante ans !
Une vision profonde et intérieure
Outre le mot de Dany lui-même, le dossier des Pissavy-Yvernault mêle avec bonheur les interventions diverses de Greg racontant le début de cette épopée, mais aussi les commentaires de Dany recueillis spécialement pour le besoin de cette intégrale.
Dans ce premier volume, on retrouve divers documents d’époque qui égaient le texte : des photographies présentant les auteurs, les premières couvertures, le tout nous propulsant dans les coulisses de Tintin au cœur de son âge d’or.
Ces intégrales vont donc paraître tous les six mois, à raison de trois albums par volume. Dans cette première parution, on retrouve donc les trois premières aventures de nos héros. Graphiquement, c’est toute la progression de Dany qui apparaît dans cette évolution : L’Olivier Rameau gracile et à grosse tête se transforme bientôt en cet éternel Roméo, alors que Colombe quittera progressivement la coiffure de Sheila pour se transformer en une des plus jolies héroïnes de la bande dessinée.
Pour les besoins de ce premier tome, Dany a d’ailleurs complètement redessiné un court récit inédit en album et paru en 1972 dans Tintin Sélection 15 : La Ballade de l’épouvantail. Le passage au nouveau format permet un champ plus large, nourri par plus de détails, mais c’est surtout Colombe qui se modifie en profondeur, quittant un air strict et pincé pour prendre les atours d’une nymphette par trop naïve.
Si on en prend le temps, on remarque qu’une vingtaine de pages d’Olivier Rameau sont encore inédites en album, disséminées en gags divers ou courts-récits qui n’ont pas été repris dans Le Rêve aux sept portes [1]. Ceux-ci ne devant pas être redessinés car le format et le style correspondent aux ‘canons’ de la série, on pourrait s’attendre à en retrouver une huitaine de pages dans chacune des prochaines intégrales, les très belles doubles couvertures ou divers posters réalisés pour Tintin pouvant continuer à illustrer les dossiers de présentation.
Seul bémol à cette heureuse initiative, la couverture de l’intégrale présente une Colombe au look très bimbo, sans doute hérité des dernières bandes de Dany. Même à Rêverose, la perfection est difficilement atteignable.
(par Charles-Louis Detournay)
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[1] Olivier Rameau T11, reprenant des courts récits scénarisés par Dany.
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