Prostré dans sa chambre d’hôpital, Bela se souvient. Que d’espoir en découvrant le théâtre en Hongrie. Et à Berlin. Et aux USA ! Après avoir joué Dracula en Angleterre, Hollywood l’engage pour interpréter le célèbre vampire sous la manivelle de Tod Browning. Une carrière démarre... Et s’englue rapidement. D’autant que le cinéma parlant met en avant le terrible accent de Lugosi, et que le cinéma d’épouvante lui préfère désormais un certain Boris Karloff...
Après son formidable L’Homme de la quatrième dimension, on retrouve dans ce nouveau biopic le trait sensible et précis, les ambiances sombres et les visages clairs, et ce sens affiné de la tension dramatique. Avec Shadmi, l’humain ne fuit jamais les planches, que les personnages soient veules, colériques ou désespérés. Le comédien y apparaît tour à tour naïf, résigné, délirant, et toujours en besoin de séduire pour mieux exploiter les femmes qui succombent.
La vie dramatique de Bela Lugosi méritait cette biographie, comme un archétype de milliers de destins brisés d’Hollywood. À l’image du "pire réalisateur de l’histoire", Ed Wood, qu’on retrouve dans le récit, Lugosi mêlait grande ambition artistique et prétention démesurée. Avec en toile de fond un égocentrisme maladif. Lui qui se rêvait en acteur shakespearien n’aura finalement été reconnu qu’en comte vampire. Et sans avoir été vraiment riche, même provisoirement.
(par David TAUGIS)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Bela Lugosi : Ascension et chute d’un monstre de cinéma. Par Koren Shadmi (scénario et dessin). Traduit de l’anglais par Lola Bréchat, assistée d’Ange-Marine Chenevat. La Boîte à Bulles. Sortie le 18 août 2021. 19 x 27 cm. 164 pages couleurs. 24 €.