Chaque dessinateur devait en effet choisir quelques œuvres dans une liste proposée par cette vénérable institution. Exercice intimidant. " Je suis content, c’était mon premier choix" confie le dessinateur Djief (Broadway, éditions Quadrant), qui a choisi de croquer la sculpture La Folle Danseuse connue aussi sous le titre La Vierge folle (1912) de l’artiste belge Rik Wouters.
"J’ai déjà réalisé ce type d’exercice à Québec en avril et je suis ravi de pouvoir renouveler l’expérience içi, à Lyon" explique-t-il.
Comment chaque auteur a-t-il vécu ce moment privilégié de la création ? Certains discutent avec les visiteurs, répondent à leurs questions. Jean-Yves Mitton (Le Garde républicain, Hexagon comics) devant L de Fredéric Auguste Bartholdi, les fait même participer à sa réalisation : "que met-on sous les eaux ?, demande-t-il à son public, des détritus, non ? il y en a malheureusement beaucoup !" Mitton aidé des visiteurs créera un mini-comics de quatre planches sur le thème de la liberté et de l’écologie.
Parfaitement concentrés et dans leur bulle (inévitable jeu de mots), d’autres dessinateurs sont imperturbables face à leur œuvre. C’est le cas de Florence Dupré LaTour (Cruelle, Dargaud), les écouteurs dans les oreilles, debout aux côtés de Ange et vierge, ces personnages grandeur nature en bois polychrome du XIVe siècle. Un trio oubliant le monde qui l’entoure. Sous les traits de l’artiste, apparaissent les visages des deux femmes. Les émotions sont libérées dans un noir et blanc très contemporain.
Du côté des tableaux du 19e, les spectateurs ne pipent mot. Dans un silence quasi religieux, tout le monde regarde avec émerveillement Rubén Pellejero (Corto Maltese, Sous le soleil de minuit, Casterman) reprendre Nave Nave Mahana, ce chef d’oeuvre de Gauguin. Pellejero a su retranscrire dans son adaptation toute la force des positions des corps et la vivacité des couleurs.
Œuvre détournée et comique, narration séquentielle ou hommage fidèle, les auteurs ont chacun livré leur interprétation. Laurent Verron (Boule et Bill) reprend avec humour la sculpture du Lion au serpent d’Antoine Louis Barye en remplaçant le serpent par des saucisses.
Yannick Corboz (L’Assassin qu’elle mérite, Vent d’Ouest), Marie Jaffredo (Meurtre au Mont St-Michel, Glénat), Roger (Jazz Maynard, Dargaud) et Erwann Surcouf (Pouvoir Point, Vide cocagne) ont choisi de croquer leur œuvre en mode bande dessinée.
Devant La Tamise à Charing-Cross de Claude Monet, Yannick Corboz dans un style expressionniste et romantique raconte une séparation sur le quai d’une gare...
Erwann Surcouf devant Le jugement dernier a trouvé la chute de son strip, les personnages de cette œuvre du XVIe siècle se prendront en selfie. Roger, lauréat de Prix de Lyon 2016, a reproduit avec réalisme Les Tulipes rouges de Pierre Combet-Descombes.
Jimmy Beaulieu (Les Aventures, Impressions Nouvelles) a repris L’Automne de Pierre Puvis de Chavannes avec une grande justesse, enfin presque, les personnages ont l’air plus malicieux et quelques anachronismes se sont glissées dans son dessin. En fait il s’agit des protagonistes de sa futur bande dessinée...
Pour finir, Djief a sur capter l’esprit de sa Vierge folle. On retrouve pleinement le dynamisme, la grâce et la précision du mouvement du fauve brabançon, le tout dans une atmosphère années folles justement.
Le public est venu nombreux pour voir les interprétations de ces dessinateurs. Une façon originale de découvrir ou de redécouvrir le Musée des Beaux-Arts de Lyon tout en découvrant d’autres facettes des auteurs de BD autrement, dans des œuvres plus vivantes que jamais.
(par Morgane Aubert)
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