La porosité entre manga et graphisme est évidente et les influences réciproques. Découvrir une exposition intitulée « MANGA » au Signe, Centre National du Graphisme de Chaumont, n’a donc rien d’incongru, même s’il est connu d’abord pour sa Biennale internationale de design graphique donnant lieu à un concours d’affiche réputé. Restait à Jean-Michel Géridan, directeur du Signe, commissaire de l’exposition et grand lecteur de manga, à faire accepter à ses partenaires institutionnels un thème encore trop souvent vu sous l’angle unique du divertissement commercial, et à imaginer une approche originale, accessible et adaptée au lieu.
L’exposition prend le risque d’être déceptive pour ceux qui s’attendent à une mise en avant des titres, personnages et auteurs les plus connus. Si certains sont bien présents, surtout dans le « coin lecture », l’essentiel réside dans le parcours fondé sur des échos et interrogations visant à montrer que le manga ne peut être pris comme un medium isolé et a-historique. Références, correspondances et expériences constituent les points forts de cette exposition relativement modeste dans ses dimensions, mais étonnante dans sa conception et riche des réflexions qu’elle suscite.
S’ouvrant par une approche historique, appuyée sur une chronologie des jalons marquant l’histoire du manga et la recherche des origines du medium, l’exposition explore ensuite diverses pistes - il n’y a heureusement pas la volonté d’être exhaustif - interrogeant la forme manga au travers de ses relations au langage graphique, au cinéma et à la vidéo. Le manga révèle alors sa singularité en tant qu’écriture, tout autant que ses liens avec d’autres arts contemporains.
Cette dualité est présente dès le point de départ. Une reproduction du premier manga rappelle les échanges entre l’Extrême-Orient et l’Occident, ainsi qu’entre le dessin « fixe » et l’image animée. Cette « naissance » est attribuée à Yasuji Kitazawa - qui signait le plus souvent Rakuten Kitazawa - qui reprend, en une séquence de six dessins, la trame de L’Arroseur arrosé des frères Lumières. Paru en 1902 dans le Jiji shinpō, ce premier véritable manga montre la relation fondatrice au cinéma et la concomitance des histoires occidentale et orientale de la bande dessinée. Il pose aussi un principe essentiel du manga : la séquence est au moins aussi importante que la chute.
Cette primauté de la séquence étant établie, l’exposition se permet ensuite d’ouvrir l’horizon. Représentation du mouvement et du temps, inventions graphiques minimalistes ou exubérantes, diversité des formats et des supports : le manga a suscité une variété d’approches, aussi bien au Japon que dans le reste du monde, rappelée ici par la mise en avant de quelques artistes pas forcément parmi les plus connus en France, mais dont le travail questionne voire percute les images communément admises du manga.
Six artistes japonais sont présentés : Akinori Oishi, Nagi Noda, Daito Manabe, Tetsunori Tawaraya et Yuichi Yokoyama, ainsi que les Français Shoboshobo, Corentin Garrido, Helmo et M/M Paris. Le dessin, le graphisme, l’affiche, la vidéo sont convoqués, formant un ensemble qui peut désarçonner. C’est l’objectif : sortir des clichés sur le manga et attiser la curiosité.
Voir en ligne : Centre National du Graphisme de Chaumont
(par Frédéric HOJLO)
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Exposition « MANGA » du 21 juin au 23 octobre 2022
Commissariat : Jean-Michel Géridan & le Signe.
Scénographie : Kévin Cadinot avec Romain Petit.
Entrée libre et gratuite du mercredi au dimanche de 14h à 18h (7 jours sur 7 sur réservation : resa@cndg.fr).
Centre National du Graphisme
1 Place Émile Goguenheim
52000 Chaumont - Haute-Marne - Grand-Est
03 25 35 79 01
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