Suite à la violente campagne du Dr Wertham contre les comics amplifiées par les ligues de vertus et les politiques conservateurs américains (notamment contre EC Comics, éditeur de comics d’horreur), les éditeurs américains de bande dessinée avaient été poussés à créer le 26 octobre 1954 le Comics Code (comparable au Code Hayes au cinéma) afin d’éviter que leurs activités ne soient régulées par des lois trop contraignantes, comme c’était le cas en France depuis 1949.
Une vignette devait être apposée sur les publications sans laquelle les distributeurs pouvaient en refuser la diffusion. Le Comics Code interdisait de présenter le crime sous un jour favorable, les scènes de violence excessive, de torture, l’exhibition inutile de couteaux ou de revolvers, de montrer des mourants agonisants, les scènes sanglantes, la luxure et la dépravation, le sadisme et le masochisme, etc.
On interdisait en particulier l’usage des mots « horreur » ou « terreur » dans les titres, ainsi que toute allusion aux morts-vivants, aux vampires, aux goules, aux loups-garous ou au cannibalisme ! L’obscénité et la nudité étaient rigoureusement interdits. Les attributs féminins ne pouvaient pas être caricaturés. Le divorce ne pouvait pas être un sujet de moquerie ou suggéré comme un idéal. Les relations sexuelles « illicites » et « anormales » ne pouvaient pas être montrées ni évoquées, de même que toute forme de perversion ou un viol.
Ces règles s’accompagnaient d’une prohibition dans les pages publicitaires des produits alcoolisés ou du tabac, de publications érotiques, de publicités pour les armes, même factices, de pétards et autres feux d’artifices ou pour des jeux de hasard.
Ce Code, très contraignant à ses débuts, s’ébrécha peu à peu avec l’arrivée de l’Underground dans les années 1960, puis les reculs successifs du comité de censure conscient que ces règles mettaient à l’index des chefs-d’œuvre de la littérature comme Dracula ou Frankenstein ou rendaient inutilement contraignants certaines actions pédagogiques comme lorsque le département d’état pour la santé approcha Marvel pour qu’elle réalise une bande dessinée préventive contre la drogue. Ceci, mais aussi l’environnement des autres médias -TV et jeux vidéo- poussa régulièrement la commission à concéder des exceptions et des renoncements.
Au bout de quelques années, le Comics Code était vidé de toute virulence. L’avènement de la bande dessinée pour adultes finit d’en souligner la vacuité. Son usage devint insignifiant.
Marvel (l’éditeur de Spider-Man, des X-Men, de Hulk...) le premier décida en 1991 de quitter cette instance en mettant en place son propre système de catégorisation et d’avertissement à l’usage de ses consommateurs. De plus en plus d’éditeurs omirent d’apposer le sceau fatal jusqu’à ce que DC Comics (l(éditeur de Batman et de Superman) décide début janvier 2011 de l’abandonner à son tour.
Archie Comics, le dernier éditeur à encore l’appliquer aux États-Unis, vient de décider de l’abandonner, arrêtant d’apposer le Comic Code sur ses publications à partir de début février 2011, signant l’arrêt de mort d’un code de censure qui a plombé la BD américaine pendant plus de cinquante ans.
A quand une remise en cause de la Loi de 1949 ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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