Le Goût du Paradis, Coney Island Baby, Girls don’t cry et Madones et Putains : Nine Antico a déjà plus de 10 ans d’albums derrière elle, et deux films, Playlist et Tonite.
Nine Antico, et les commissaires Marguerite Demoëte et Cathia Engelbach, investissent l’Hôtel Saint-Simon pour recréer son laboratoire : carnets, planches, fanzines, archives, storyboards, autant de fragments qui composent ses albums et ses recherches. S’y côtoient dessins, photos, collages, legs du fanzinat qui permet de « créer sans autorisation, pour prendre confiance en soi », dans l’allez-retour permanent entre le réel et la fiction, les deux n’étant jamais séparés pour « brouiller les pistes ».
Si la scénographie reste assez sobre, l’Hôtel Saint-Simon est un espace intimiste où l’on se sent comme dans une de ces maisons secrètes dans son livre Quatre Filles, Journaux croisés 1890-1960 (paru en 2012 sous la tutelle de l’éditrice Béatrice Vincent chez Albin Michel Jeunesse), où les fenêtres s’ouvrent comme un calendrier de l’avent.
C’est probablement ce qui donne son nom à l’expo, « Chambre avec vue » : une succession de fenêtres sur ses albums, entre Los Angeles, Paris et Palerme. La chambre, c’est aussi celle de l’enfance (dessins de jeunesse, collection de bons points et autres madeleines de Proust).
Nine Antico, c’est aussi des films : des inspirations plutôt américaines à la Wes Anderson et à la Sofia Coppola, mais aussi une commande sur Eric Rohmer. On y retrouve l’antagonisme d’un dessin rond, pastel ou crayon, qui tranche parfois avec la cruauté du propos. Niveau scénario, elle met en scène une jeune autrice de BD dans Playist, un film aux accents résolument autobiographiques.
Elle se dit même plus scénariste que dessinatrice : elle avait scénarisé un BDCul, et ne se voit pas se livrer uniquement au dessin sur commande.
« Y a que moi qui me comprend », lance-t-elle en mentionnant un projet avorté avec Loo Hui Phang au scénario.
Nine Antico procède souvent par intuition et une grande documentation. Des storyboards hyper-détaillés qui témoignent d’une maîtrise du découpage et de la narration, comme dans son dernier album, Madones et Putains, paru chez Aire Libre/Dupuis, déjà récompensé par le prix Artémisia, qui est en selection officielle cette année. Elle y fait le pont entre les Etats-Unis et l’Italie pour évoquer la sexualité incriminante ; c’est « un livre sur le mal et sur le féminin ». On en ressort différent.
(par Marlene AGIUS)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion