...Des étrons dessinés par des auteurs furieux, comme le raconte Thierry Ségur, qui nous offre un reportage sur cette première opération de protestation d’auteurs de bande dessinée.
"Arrivé à 16H45, distribution des photocopies (30 par exemplaire). Quelques acheteurs prennent du bout des doigts les copies d’étrons, d’autres me lorgnent de travers. Ils là sont une cinquantaine, H&F de tous âges à attendre. Certains pouffent à la vue des dessins.
Petit à petit, on me demande les copies manquantes ("celui là j’l’ai, celui là j’l’e veux" ). La vente commence et la distribution continue jusqu’à ce que le commissaire priseur demande à voir la teneur des documents offerts. Choqué, il m’intime de sortir de la vente et voilà que ça part en prise de bouche sur la légalité d’une telle vente.
Il me balance avec l’aide de Buret (l’expert) un article de loi sur les droits d’auteurs, le fait que les auteurs sont informés de cette vente et qu’ils peuvent demander selon la dite loi 3% de la somme perçue lors de la vente. À bout d’arguments et me sentant à cet instant un peu seul face à la meute d’acheteurs, je vais me rhabiller au fond de la salle pour suivre la vente (de toutes façons plus personne ne veut de mes dédicaces).
Certains types sont des marchands, d’autres sont là pour des potes et achètent des épaisseurs d’albums...La cote monte en fonction de critères qui m’échappent totalement. Comès et Barbier ne vallent pas un clou, par contre Alice, Stan et vince s’envolent autour de 200 euros et Uderzo part à 150 euros pour la bibliothèque de Buret..
L’idée de ne plus jamais dédicacer s’insinue. Un grand "mais qu’est ce que je fous là" me traverse l’esprit. Tout ça ne sert à rien, tout est vain, ils sont tous consentant et ne sont qu’une minorité. Tout ce raffut pour ça, j’ai autre chose à foutre, c’est pitoyable...
Trois heures plus tard, sur indication, on me montre qui est JB (le vendeur, NDLR). Une bonne moitié des acheteurs est partie quand on " s’empoigne" à l’entrée de la salle.
La trentaine, vieux fan de BD depuis 15 ans il dit vouloir passer à autre chose. Se libérer de sa collection au grand jour et lui dire au revoir aux enchères plutôt que chez le marchand. Il ne se fait pas d’argent sur la vente etc... Je lui reproche le moyen choisi pour s’en débarrasser et sa responsabilité vis à vis du bordel ambiant (réactions d’auteurs, débats sur la dédicace payante, sympathique"affection" contre pognon ). Et lui montre que le résultat de ses quinze années de passion, et de files d’attente aboutissent à notre florilège crotteux.
Il refuse d’en prendre un exemplaire. Blême et un poil nerveux, il trouve nos dessins méprisants et n’accepte pas d’être insulté par des auteurs dont il a de surcroît aimé les albums. Spécial ponpon pour Trondheim qu’il n’aime plus "parce qu’il est devenu méchant" et JC Menu " qui de toutes façons n’a jamais su dessiner". On se quitte sans adieux."
(par Patrick Albray)
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