Véritable phénomène de société dans l’Italie des années 1980, Ramba est née de la rencontre entre l’actrice Ileana Carisio (alias Malu’) avec le producteur porno Riccardo Schicchi et sa compagne La Cicciolina.
Sous la houlette du producteur, Malu’ prend les atours d’une femme guerrière dans les revues érotiques du label. Avec ses mitraillettes, ses cartouchières, ses cheveux noirs et son regard dur, Malu’ s’impose dans le personnage de Ramba, pendant féminin et sexuel de Rambo, le personne incarné par Stallone qui truste le cinéma à l’époque [1]
« S’ensuivent des mois de shows (souvent censurés) et de séances photos, explique Antoine Michel qui signe la préface de cet ouvrage, Malu’ s’adonne au happening en place publique, nue et armée jusqu’aux dents pour le plus grand plaisir de la presse à scandale. »
Pour surfer sur ce médiatique personnage, la bande dessinée s’en empare pour lui donner une toute autre dimension. Dès 1988, le scénariste Marco Delizia qui avait déjà écrit la transposition BD des aventures de la Cicciolina, prend les rênes du destin de Ramba.
« Je me suis lancé dans cette nouvelle aventure avec un esprit typiquement goliardique, explique le scénariste dans l’avant-propos, Et une espère d’irrévérence qui permet de créer des récits outranciers, légèrement provocateurs, le tout en impliquant des amis dessinateurs. Un peu comme si nous avions été réunis pendant une soirée et que chacun avait enchéri sur l’autre pour imaginer des histoires impossibles, plus absurdes les unes que les autres. »
En effet, bien loin de la jungle où sévit Rambo, le personnage de Ramba est présenté comme une super-tueuse à gage que rien n’effraie, surtout pas trucider ceux que le destin met sur son chemin. Juchée sur sa moto dont les trépidations l’excitent au plus haut point, elle sillonne les grandes villes italiennes pour effacer du registre les bons comme les méchants, pourvu qu’on la paie et qu’elle puisse s’envoyer en l’air au passage, soit avec le commanditaire, soit avec la victime (pré- ou post-mortem).
Les récits de Ramba sont à lire au second degré, car le sadisme généré par l’héroïne de bande dessinée dépassé des sommets. Mais il ne faut limiter Ramba à la violence qu’elle déchaîne. Cette femme dominatrice et misandre se détache effectivement du modèle des héroïnes de la bande dessinée érotique qui subissent habituellement les outrages et/ou la misogynie des hommes.
À ce titre, l’indépendance de Ramba, sa volonté de ne pas s’attacher aux hommes, de ne pas dépendre d’eux et surtout de pouvoir les maîtriser donnent à cette série des accents d’émancipation, prônant une certaine forme d’égalité entre l’homme et de la femme. De là à cataloguer la série comme "féministe", ce que mentionne Antoine Michel dans sa préface, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Néanmoins, cette série présente un profil radicalement différent dans un genre par trop limité, ce qui lui permet de rester pertinent et d’actualité plus de trente ans après sa réalisation, ce qui n’est pas le cas de la majorité de la production « de gare » à l’époque.
Si l’on devait faire un parallèle avec des héroïnes plus actuelles, on pourrait penser à la sombre Magenta dessiné par Nik Guerra… Tiens, justement l’un des auteurs qui participa également à l’aventure de Ramba en dessinant quelques-unes de ses aventures.
Outre l’émancipation affiché par l’héroïne, la série se distingue également par le dessin et l’encrage Rossano Rossi sur ces trois premières aventures. L’influence de Magnus est omni-présente : dans ses cadrages et ses contrastes appuyés entre le noir et le blanc. Ainsi que dans certaines scènes qui s’inspirent très clairement de Nécron, avec son personnage principal Frieda, de nouveau une autre héroïne de bande dessinée érotique qui ne s’en laisse pas conter !
Vous l’aurez compris, cette réédition en petit format des trois premières histoires de Ramba est une heureuse surprise à laquelle on ne s’attendait pas.
Les détenteurs de l’édition parue chez Magic Strip en 1992 retrouveront les deux premiers récits qui y était parus avec une nouvelle traduction de Bernard Joubert. Et ceux qui détiennent déjà l’intégrale parue chez Dynamite en 2011 retrouveront les trois mêmes récits, mais avec une couverture plus réussie. Espérons d’ailleurs que la collection Fumettix propose prochainement la suite des aventures de cette diablesse.
Quant aux autres, ils n’auront pas d’excuse pour vibrer au diapason de la moto de Ramba, rire des allusions qui se nichent tant dans le dessin que le scénario, et se délecter du caractère bien trempé de cette héroïne décidément hors normes !
(par Charles-Louis Detournay)
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Ramba la mercenaire - par Delizia & Rossi - Dynamite Fumettix - 12 €
Réservé à un public averti
Lire également : Ramba La mercenaire - Par Marco Delizia et Rossano Rossi - Dynamite
[1] Les trois premiers films de Rambo sont respectivement sortis en salle en 1982, 1985 et 1988.