CV d’une femme mariée – Par Rocket Monkey – Éd. NihoNiba

L’acronyme NTR recouvre le terme japonais Netorare, qui désigne les récits fondés sur une relation adultère. C’est exactement l’essence de ce premier album que nous propose l’éditeur NihoNiba pour cette année 2024.

On retrouve à cette occasion, pour la seconde fois sur le marché francophone, l’artiste Rocket Monkey. Celui-ci nous avait convaincus l’année dernière avec le très réussi Primal. Charge à ce nouvel album de transformer l’essai.

Sixième album relié de la carrière de l’artiste, CV d’une femme mariée est paru originellement en 2021 au Japon dans le catalogue de l’éditeur Core Magazine. Après Primal et l’excellent Reika, ma splendide Maid, c’est donc le troisième album en moins d’un an que nous propose NihoNiba en provenance de cet éditeur nippon. Comme vous l’avait expliqué l’équipe éditoriale de NihoNiba à la Japan Expo 2023, les albums de Core Magazine sont publiés, même à l’étranger, en respectant un impératif : la censure graphique.

Est-ce que cette censure graphique nous a paru gênante dans cet album ? Comme pour les précédents titres, elle consiste ici en des bandes noires qui cachent les parties génitales des protagonistes et, pour la plupart du temps, on ne l’a pas remarquée outre mesure. La censure graphique du titre n’a donc pas fondamentalement détruit son intérêt à nos yeux.

© Rocket Monkey/CORE MAGAZINE Co., Ltd./NihoNiba

CV d’une femme mariée propose aux lecteurs de découvrir trois récits : les deux premiers font une centaine de pages chacun et sont marqués par le thème principal du NTR, la troisième fait une trentaine de pages et repose sur le thème de la prostitution. Vous l’aurez compris, l’ambiance instillée dans cet album par Rocket Monkey est moins légère que dans son précédent ouvrage.

Dans la première histoire, Les Gémissements nocturnes d’une femme mariée, on découvre un récit ayant pour cœur un chantage. Shizuka, une brillante cadre appréciée de ses collaborateurs, est ainsi la cible d’un odieux chantage orchestré par son patron : si Shizuka ne cède pas à ses avances de nature sexuelle, il n’hésitera pas à faire porter le chapeau de malversations financières au sein de l’entreprise au mari de Shizuka, lui-même employé au sein de l’entreprise. Malgré son amour pour son mari et son dégoût pour son patron, Shizuka se soumet à ce chantage afin de sauver son bien-aimé.

© Rocket Monkey/CORE MAGAZINE Co., Ltd./NihoNiba

Cette première histoire remet bien vite en lumière une qualité caractéristique de Rocket Monkey : l’artiste sait y faire pour raconter des histoires qui accrochent. On suit donc avec intérêt les déboires de Shizuka, qui est progressivement tiraillée entre son amour sincère pour son mari et le plaisir qu’elle découvre avec d’autres hommes, en dépit du dégoût qu’ils lui inspirent. Une ambiance dure pour un récit sombre qui ne laisse pas indifférent.

La deuxième histoire, Amour caché, poursuit dans la même veine : on y suit les déboires de Misato, une femme mariée de plus en plus esseulée par un mari visiblement plus âgé et que la maladie enferme progressivement dans sa bulle. Misato aime son mari, mais celui-ci, aveugle et ne pouvant guère désormais quitter son lit, lui prête désormais que peu d’attention. Dans cette situation, la tentation proviendra d’un assistant à domicile, employé par la famille afin de s’occuper du mari. Cet employé propose à Misato, pour retrouver le sourire grêce à une relation extra-conjugale…

© Rocket Monkey/CORE MAGAZINE Co., Ltd./NihoNiba

Si ce récit d’adultère semble sur le papier plus léger que le précédent, l’ambiance n’en demeure pas moins plombée, notamment en ce qui concerne sa conclusion. À travers le personnage de Misato, l’artiste n’hésite pas à exprimer le désir d’une femme qui entre en opposition avec les attentes de la société, une approche sociétale, voire politique, qui pourra interpeller les lecteurs.

La troisième et dernière histoire, Sugar Daddy, a quant à elle une atmosphère plus récréative. On y suit l’initiation d’une étudiante dans le monde de la prostitution, avec sa meilleure amie comme guide...

L’héroïne, d’abord réticente à l’idée, se laisse tenter par la perspective d’un argent supposé facile afin d’offrir une guitare digne de ce nom à son petit ami musicien. Bien évidemment, Hentai et thème central du NTR pour cet album obligent, cette novice va découvrir avec ce nouvel univers davantage de facettes attractives qu’elle ne l’imaginait...

Passée la séquence d’ouverture au karaoké qui pourra faire remonter quelques récents souvenirs aux lecteurs de l’excellent Enkou Ojisan, cette histoire conclusive se révèle moins marquante que les deux précédentes histoires, même si celle-ci remplit globalement son office.

© Rocket Monkey/CORE MAGAZINE Co., Ltd./NihoNiba

Le contenu érotique de CV d’une femme mariée pourrait au premier abord apparaître simple à cerner : avec des cartouches en quatrième de couverture comme « Anal » ou « Double pénétration », on pourrait aisément imaginer que l’album se situe sur la frange hardcore du spectre. Cela n’est toutefois pas le cas : les ébats proposés dans cet album procèdent d’un registre certes quelque peu épicé, mais on se retrouve davantage face à des propositions dynamiques qu’exubérantes ou débauchées.

Là où l’artiste continue de séduire, c’est assurément par l’esthétique luxuriante de ses planches. Rocket Monkey nous propose à nouveau, contrairement aux canons habituels de l’industrie du Hentai, des personnages féminins plus matures, aux rondeurs plus prononcées. Dans cet album, on ne peut que remarquer le soin du trait arrondi de l’artiste pour croquer les scènes explicites ou les nombreuses Ahegao [1]. À nouveau, le pan graphique de l’œuvre de Rocket Monkey est une franche réussite.

Avec ce second album en langue française, Rocket Monkey s’impose comme l’une de celles à suivre ces prochains temps dans l’univers du Hentai.