Richard Corben naît en 1940 à Anderson, dans le Missouri. Diplômé du Kansas Art Institute, il entre de plain pied dans le mouvement des comics underground, dans une veine réaliste proche de celle de Frank Frazetta dont il est l’un des plus brillants successeurs. Ce compagnon de route de Bernie Whrightson publie des histoires d’horreur chez Warren Publishing, l’éditeur des célèbres magazines Creepy, Eerie et Vampirella, et multiplie les illustrations puissantes dans le domaine du fantastique et de la SF.
À la fin des années 1970, le survolté Jean-Pierre Dionnet le repère et lui ouvre les portes de Métal Hurlant. On voit donc arriver dans « la machine à rêver » Den, un énorme héros nu, huilé et bodybuildé, le pénis au vent. Un choc.
Par richochet, Corben devient la grande figure de la version US de Métal, Heavy Metal, avec des œuvres comme Den, Vic & Blood, Mondes Mutants… À la même époque, Fershid Barucha le publie en France dans sa collection Comics USA.
Aujourd’hui pas vraiment retraité, Corben collabore avec les plus grands éditeurs de la BD US : DC/Vertigo, Marvel ou Dark Horse.
Il faut dire qu’il a conservé toute sa maîtrise. Ce maniaque, soucieux de faire respecter ses modelés faits à l’aérographe, retouchait lui-même naguère ses films de quadrichromie, agrémentant ses sélections couleurs de retouches au ben-day, ce qui fait de ses éditions originales des princeps irremplaçables.
Aujourd’hui, l’outil informatique lui permet d’élaborer des glacis de gris veloutés qui construisent un décor proprement organique, au sein duquel ses personnages (pour lesquels il utilise souvent des modèles qu’il photographie et qu’il réinterprète en leur enlevant tout effet de réalisme) évoluent péniblement, pétris d’une indicible terreur.
Entre 1986 et 1994, il tenta de lancer sa propre maison d’édition indépendante, Fantagor Press, avant de baisser pavillon devant les contraintes financières. Les années 2000 l’avaient vu resurgir dans une collaboration remarquable avec le scénariste Brian Azzarello sur HellBlazer.
Il avait remporté le Spectrum Grand Master Award en 2009 et obtenu le Eisner Award « Hall of Fame » au Comic Con de San Diego en 2012. Jamais il n’aurait pensé recevoir le Grand Prix d’Angoulême, un festival qui inscrivit plusieurs fois ses titres dans la sélection officielle.
Delirium a publié cinq titres : deux volumes de l’Anthologie Eerie et Creepie, Ragemoor, L’Esprit des morts et RatGod. Un nouveau titre devrait paraître en fin d’année.
Avisé de son Grand Prix, ce taiseux ne s’exprime pas. « Cela veut dire qu’il est très content, nous dit son éditeur Laurent Lerner. » Il n’a pas pu venir chercher son prix mais n’exclut pas de venir l’année prochaine, « Si ma santé le permet... ». Rien n’empêchera non plus une exposition rétrospective de ses œuvres. On s’en régale d’avance.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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