Le récit de Sanguine démarre dans une tribu africaine où les femmes, farouches guerrières, sont strictement séparées des hommes, dédiés à la chose politique. Une organisation sociale bien huilée dans laquelle Senga, jeune guerrière et chasseresse émérite, n’arrive pourtant pas à trouver sa place.
Impulsive, insoumise (le titre de ce premier tome n’est pas mensonger) et portant le fardeau d’une mère déserteuse, son rejet des traditions va l’amener à l’exil : non contente d’avoir tué une femelle rhinocéros puis élevé son petit, elle va refuser la cérémonie d’excision devant faire d’elle une femme et causer la mort de la shaman du clan. Va alors commencer un périple qui la mènera des plaines africaines aux arènes de la colonie romaine de Thamugadi (l’actuelle Timgad) en Algérie.
Avec Sanguine, le scénariste Nathaniel Legendre continue à rendre hommage aux œuvres qui ont bercé sa jeunesse. Si son Garde républicain faisait clairement référence aux publications de comics dans les magazine Lug et Strange, Sanguine, elle, lorgne plutôt du côté des "Pulps". Ce genre, d’abord littéraire, est né aux États-Unis au début du vingtième siècle avec des histoires percutantes au découpage feuilletonnant et aux codes de narration tranchant avec ceux de la littérature classique. Ces récits étaient publiés dans des magazines dont le papier, de mauvaise qualité, était fait à base de pulpe de bois, d’où leur appellation de Pulps. Qui dit papier de mauvaise qualité dit bas prix et très vite, les Pulps devinrent ultra populaires et commencèrent à attirer de jeunes écrivains qui marqueraient l’Histoire des littératures de genre comme Howard Phillips Lovecraft ou Robert E. Howard.
Très vite, le pulp fut décliné en bandes dessinées avec des adaptations de séries phares comme Conan, Tarzan ou des séries inédites adoptant tous les codes de leurs homologues littéraires. C’est de ces bandes dessinées et de Rahan, un de leurs héritiers, que Legendre avoue tirer son inspiration pour Sanguine. Pour ma part, avec ses origines africaines, sa jeunesse et son goût pour la liberté, Senga m’a également énormément fait penser à un pendant féminin d’Imaro, le personnage créé par le romancier Charles Saunders dans les années 1980.
Niveau dessins, Sanguine est illustrée par l’artiste espagnol Sergio Alcala qui livre sur certaines pages une de ses meilleures prestations, rappelant parfois le trait puissant d’un Ronan Toulhoat. Toutefois, principal bémol, on peut noter une irrégularité dans la qualité des planches qui oscillent entre le somptueux et le bien moins bon. Rien de bien pénalisant, surtout pour le premier tome d’une série qui pourrait devenir un des plus beaux hommages modernes aux Pulps. Il ne tient d’ailleurs qu’à vous de permettre aux auteurs et à Senga de continuer l’aventure en participant à la campagne de financement participatif du second tome, d’ores et déjà en cours sur le site des Éditions Sandawe.
(par Fabrice FADIGA)
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