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Selon le fisc français, Uderzo n’est pas un auteur de bande dessinée

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 19 janvier 2011                      Lien  
On dirait du Courteline : rétroactivement jusqu’à janvier 2007, le fisc français soumet le dessinateur Albert Uderzo à un redressement fiscal de 20 % sur l’ensemble des sommes déclarées sur les droits d’auteur provenant de ses 24 premiers albums d'Astérix, lui récusant le statut de « co-auteur », considérant qu’il n’était que l’ « illustrateur » des scénarios de René Goscinny.

Ce joli scoop a été décroché par Adrien Aszerman du site Internet d’information Actualitté lors des [dBD] awards. Interrogeant l’artiste qui a « la santé et le moral » et qui se considère «  à la retraite », il recueille cette confidence de la part du co-créateur d’Astérix : « Je vous le révèle en exclusivité : à 80 ans passés, j’ai récemment fait l’objet d’un contrôle fiscal. La bonne nouvelle est, qu’après enquête, l’administration n’a relevé ni fraude ni négligence dans ma comptabilité. Mais elle a décidé que je n’ai jamais été le coauteur des 24 premiers albums d’Astérix, simplement l’illustrateur. En conséquence, et rétroactivement jusqu’à janvier 2007, je suis soumis à un redressement de 20 % sur l’ensemble des sommes déclarées sur les droits provenant de ces 24 albums. »

Vengeance ?

L’administration se vengerait –t-elle de ce dialogue d’Astérix et le chaudron :
« Un jour, un collecteur d’impôts est venu… Depuis, nous sommes dispensés d’impôts… - 0ui ! Je m’en souviens… Hihihi !… - Qu’est-ce qu’on a rigolé ce jour-là ! Tu te rappelles quand…- Assez ! Assez ! Hohoho ! - Et il n’est jamais revenu ? - Jamais ! Donc pas de revenu, pas d’impôts ! »

Peut-être, mais en tout cas cette affaire n’est pas nouvelle. Déjà, Christophe Arleston avait dû faire mentionner dans ses contrats le statut de coauteur de son dessinateur et de son coloriste pour qu’ils puissent prétendre au statut d’auteur.

Ce qui est incompréhensible, c’est que l’administration semble ignorer que ce statut d’auteur figure au contrat signé entre Dargaud, René Goscinny et Albert Uderzo et ce, dès les années 1960.

Il faudrait que le fisc lise aussi les quelque 200 interviews que Goscinny a données à propos d’Astérix. Jamais il ne dit « je », mais toujours « nous » quand il parle de la paternité d’Astérix.

Cette "pression fiscale" ne rend pas non plus justice à un auteur qui, sa vie durant, a tenu à payer ses impôts en France, alors que d’autres avaient choisi l’exil fiscal en Suisse ou ailleurs.

Absurde

On peut aussi le renvoyer à ce témoignage de René Goscinny dans Pilote qui montre bien leur méthode de travail :

« Tandis qu’Uderzo réunit une documentation graphique volumineuse, moi je lis avec soin des livres fort doctes (je citerai pour mémoire, les ouvrages de Jérôme Carcopino, de l’Académie Française, qui n’ont rien à gagner à être cités par moi, mais qui m’ont bien aidé pour écrire Astérix. Merci.) Après cela, je fais un long résumé de l’épisode, ou plutôt, un synopsis (d’aucuns disent : une synopsis. Il paraîtrait que c’est un erreur.) Ce synopsis, ou ce résumé, comme vous préférez, est assez copieux et divisé en paragraphes, chaque paragraphe représentant à peu près la valeur d’une page dessinée — un planche — de l’histoire.
Nous relisons une dernière fois ensemble le synopsis, et quand nous sommes bien d’accord, Ada sort du placard et nous offre une bière pour fêter ça.
 » [1]

Nous ne pouvons que recommander à Albert Uderzo de rejoindre le syndicat des auteurs de BD, le SNAC, et d’exiger du ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, celui qui a reçu un prix, on se demande bien pourquoi, lors du dernier festival d’Angoulême, qu’il se mouille la chemise pour défendre les auteurs de BD, faute de quoi, à 80 ans encore rugissants, Uderzo prendra la tête du cortège d’auteurs outragés qui se rendront de la statue d’Hergé au centre des impôts d’Angoulême pour manifester leur colère.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

En médaillon : Albert Uderzo. Photo D. Pasamonik (L’Agence BD)

[1Pilote, n° 157, 25 octobre 1962 - Les Secrets d’Astérix… ou comment travaillent pour vous les deux copains de Pilote, Goscinny et Uderzo.

 
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23 Messages :
  • Exact, on s’occupe d’Uderzo qui paye ses impots en France et on laisse tranquille les nombreux sportifs expatriés qui payent ... que dalle.
    j’imagine la suite : Uderzix en helvétie

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    • Répondu le 19 janvier 2011 à  09:13 :

      Tous ensemble :
      Uderzo au SNAC !
      Uderzo au SNAC !
      Uderzo au SNAC !
      Uderzo au SNAC !
      Uderzo au SNAC !
      Uderzo au SNAC !
      Uderzo au SNAC !
      Uderzo au SNAC !
      Uderzo au SNAC !

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      • Répondu par john le 20 janvier 2011 à  11:22 :

        C’est d’autant plus ridicule que de part la loi, le dessinateur est co auteur des oeuvres qu’il produit avec un scénariste

        1 - L’auteur

        La législation française investit l’auteur de l’œuvre du bénéfice initial de la protection du droit d’auteur.

        La qualité d’auteur appartient à la ou aux personnes qui sont intervenues dans le processus de création de manière originale dans l’univers des formes. En sont donc exclu l’exécutant matériel - le façonnier - ou celui qui a fourni l’idée.

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  • Un dessinateur de BD n’est pas un simple illustrateur puisqu’il intervient sur la narration en mettant en scène les personnages, en travaillant sur le découpage... Il est réalisateur. Les réalisateurs sont considérés comme co-auteur, les dessinateurs de BD doivent avoir la même considération.

    L’autre jour, mon centre des impôts me soutenait que je n’étais pas auteur et dessinateur mais artiste du spectacle vivant. Que je devais me tromper parce que c’était inscrit dans leurs fichiers. Seulement, ils n’avaient pas téléchargé une application recommandée par l’INSEE. Une erreur informatique.

    Donc, méfiez-vous, tout est possible. Surtout que la plupart des gens ne savent même pas comment on fabrique une BD. J’ai souvent entendu et encore récemment : "vous dessinez d’abord et ensuite le scénariste écrit les textes dans les bulles ?"

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    • Répondu par alx_fr le 19 janvier 2011 à  11:16 :

      je ne comprend pas pourquoi un illustrateur devrait payer 20% de plus d’impots, s’il n’a pas ecrit le scenario.... puisque les illustrateurs sont de toutes facons considere’s comme "auteurs d’oeuvres de l’esprit"...

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      • Répondu le 19 janvier 2011 à  12:40 :

        il semblerait que la somme soit un redressement (une amande, quoi) et non l’application d’une loi.

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      • Répondu le 19 janvier 2011 à  13:47 :

        Mais l’erreur fondamentale est que les dessinateurs de BD ne sont pas des illustrateurs. Ils n’illustrent pas un texte. LE dessin ne peut pas être séparé du texte et du récit. Ils participent pleinement à la narration, à la construction du récit, à l mise en scène... Ils sont dessinateurs mais auteurs. Encore un vestige du temps passé, lorsqu’on considérait les BD comme des illustrés.

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        • Répondu le 19 janvier 2011 à  14:14 :

          Selon l’administration fiscale, "Arzak"( le 1er tome, l’original) ne devrait pas avoir d’auteur puisqu’il n’y a pas d’histoire et pas de dialogue. Ah, si, il y a un mot : Arzack ! Au temps pour moi...

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          • Répondu le 19 janvier 2011 à  14:39 :

            Pas besoin de mots et pas besoin d’une structure classique synopsis/scénario pour avoir une histoire. On peut très bien construire un livre à partir d’une suite de sentiments, d’impressions et d’émotions... Autrement, par exemple, Feux de Mattotti n’est pas une BD si on se borne aux règles classiques.

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            • Répondu le 19 janvier 2011 à  15:41 :

              Je le sais bien ! C’etait juste une démonstration par l’absurde de la connerie fiscale ! Bon sang, sur internet, faut-il toujours souligner grassement les seconds degrés de smileys ridicules ?

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              • Répondu le 19 janvier 2011 à  18:12 :

                Je crois que oui. L’internet n’est pas l’invention la plus géniale pour traduire le second degré.

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    • Répondu le 19 janvier 2011 à  17:09 :

      Un dessinateur de BD n’est pas un simple illustrateur

      mais cette phrase est aussi insultante que débile. Les illustrateurs qui sont des auteurs au même titre que les dessinateurs de BD !

      vous croyez que faire de l’illustration est plus "simple" que de faire de la BD.
      L’image "non séquentielle" est un art aussi complexe que la BD, la littérature et n’importe quel art.
      Ce n’est pas parce qu’il ne fait pas de "découpage" (souvent fait par le scénariste d’ailleurs) qu’il serait "moins" auteur...
      n’importe quoi !

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      • Répondu le 19 janvier 2011 à  18:15 :

        Je dis simple au sens de uniquement. pas au sens de simplet. Il y a de nombreux illustrateurs bien meilleurs dessinateurs que de nombreux dessinateurs. Je parle de la fonction pas de la virtuosité...

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  • JURISPRUDENCE CHÉRET
    19 janvier 2011 10:58, par Pic

    J’espère qu’Uderzo connaît cette histoire et peut-être lui serait elle utile pour sa défense.

    Fin ’80, je fréquentais un syndicat de dessinateur de BD animé par Roland Garel.
    À une des toutes premières réunions à laquelle j’ai assistée, il a été évoqué le cas et la victoire de Chéret, "l’illustrateur" de RAHAN, face aux éditions Vaillant.

    Chéret avait été appelé sur la série en aval de toutes les décisions et choix pris par Lecureux, le scénariste et par l’équipe éditoriale :

    " Voila le boulot : Tu vas nous dessiner un grand et beau mec blond en slip en peau, avec un collier de dents, qui vit à la préhistoire, etc..."

    Suite au succès de la série, quand Chéret a demandé d’être payé un peu plus (ou pour une autre raison, je ne me souviens plus) on lui a dit qu’il pouvait fermer sa gueule et qu’il n’était qu’un exécutant. Comme il a insisté, on l’a carrément viré de la série !!

    C’est pourquoi on a pu voir quelques épisodes de Rahan réalisés par un gars qui dessinait Zembla (et pas un des meilleurs du studio).
    Chéret a donc pris son courage (à deux mains, comme on dit) et s’est opposé à ce scandale qui l’écartait de Rahan, et refusait de le reconnaître comme part importante (sinon principale) de la "création" du Fils des Âges Farouches.

    Et il a eu gain de cause pour être finalement reconnu comme co-auteur de RAHAN !

    Alors qu’on ne dise pas (vu la complicité d’Uderzo avec Goscinny et la durée de leur collaboration) qu’Uderzo "n’est que" l’illustrateur et non un "co-auteur".

    Espérons qu’Uderzo sorte vite de ces embrouilles.

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    • Répondu par Steff le 19 janvier 2011 à  15:14 :

      Disons que le grand Albert, vu l’état de son porte monnaie n’aura pas trop de problème à se défendre avec les meilleurs avocats devant un tribunal administratif, qui forcément devra rendre les armes sur ce litige très étrange et synonyme de renflouage de caisses éternellement vides

      Répondre à ce message

      • Répondu le 19 janvier 2011 à  19:07 :

        Oui mais, avec son argent, s’il gagne, il fait aussi avancer les choses pour les autres auteurs de BD. Rappelez-vous les conséquences sur les contrats de tous les éditeurs du procès Uderzo.

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        • Répondu par Oncle Francois le 19 janvier 2011 à  20:53 :

          Le fait que ce soit une pointure du type Monsieur Uderzo qui soit dans le collimateur des agents fiscalistes peut être une bonne chose : d’une part, Monsieur Uderzo a largement de quoi s’offrir les conseils d’un avocat fiscal, de plus il a toutes les chances de gagner son procès qui pourrait alors faire jurisprudence (ce qui éviterait d’autres soucis similaires à d’autres auteurs moins fortunés). J’ajouterai que la grande presse a rapidement relayé l’info (le Figaro, notamment !!, donc courage et tenez bon dans cette nouvelle procédure ! Si l’on ne prête qu’aux riches, c’est aussi à eux que l’on s’attaque le plus souvent, car cela rapporte beaucoup plus ! A condition toutefois d’avoir une bonne argumentation...

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          • Répondu le 20 janvier 2011 à  09:26 :

            Uderzo a probablement plus de pouvoir pour faire évoluer les choses que le SNAC BD.

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    • Répondu par la plume occulte le 20 janvier 2011 à  15:21 :

      Le merveilleux André Chéret n’est plus à une humiliation près.Que ce soit sur la reconnaissance de son travail et de son talent,de la par de son éditeur ,de la critique, et surtout de ses confrères.Il y a toujours eu comme un acharnement.

      Pour ce qui est de son rôle de co-auteur,la question ne se pose pas puisqu’il s’est très vite détaché des découpages du scénario de Lécureux-un grand monsieur lui aussi-pour imposer les siens , sa vision et son extraordinaire narration qui sont pour beaucoup dans l’énorme succès de Rahan.Sans parler des innovations diverses et de son rôle de précurseur dans le style global d’une certaine BD d’aujourd’hui .Ce bien longtemps avant tout le monde.Un très grand artiste de la BD.

      Pour le reste ,ce n’est pas le grand Albert Uderzo qu’on insulte (qui lui aussi a pas mal dérouillé ,sauf que son immense succès lui a apporté la fortune contrairement à Chéret le spolié chronique qui devrait être une des plus belle fortune du 9 ième art vu ses ventes.),mais la BD,dans sa globalité.

      Tout ça est de plus en plus insupportable.

      Répondre à ce message

  • Réduire l’importance d’Uderzo dans la création d’Astérix, ça devient insultant. Si ce n’est pas de l’acharnement, c’est au moins une idée...fisc !^^

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  • ETAT RECHERCHE ARGENT DESESPEREMENT
    19 janvier 2011 13:31

    Tous les moyens sont bons pour faire les fonds de tiroir...

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  • Effectivement, on frôle l’acharnement...Rappelons aussi qu’Albert Uderzo souffre son quatrième contrôle fiscal...et après on s’étonne de l’exode vers nos amis helvètes...euh suisses pardon ;) !

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    • Répondu le 29 janvier 2011 à  22:31 :

      le fait est , qu’en s’attaquant a un auteur aussi important le fisc nous rend service, car la situation bancale de l’auteur de bd en matière de déclarations ( BNC, salaire....etc... frais réél , forfait ) est vraiment un enfer.
      Uderzo aura les moyens d’engager sa notoriété et sa puissance financière pour défendre son cas et notre cas a travers lui.
      Donc , cette affaire pourrait donner lieu a une avancée Ou au moins a clarifier les choses.

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