Ce joli scoop a été décroché par Adrien Aszerman du site Internet d’information Actualitté lors des [dBD] awards. Interrogeant l’artiste qui a « la santé et le moral » et qui se considère « à la retraite », il recueille cette confidence de la part du co-créateur d’Astérix : « Je vous le révèle en exclusivité : à 80 ans passés, j’ai récemment fait l’objet d’un contrôle fiscal. La bonne nouvelle est, qu’après enquête, l’administration n’a relevé ni fraude ni négligence dans ma comptabilité. Mais elle a décidé que je n’ai jamais été le coauteur des 24 premiers albums d’Astérix, simplement l’illustrateur. En conséquence, et rétroactivement jusqu’à janvier 2007, je suis soumis à un redressement de 20 % sur l’ensemble des sommes déclarées sur les droits provenant de ces 24 albums. »
Vengeance ?
L’administration se vengerait –t-elle de ce dialogue d’Astérix et le chaudron :
« Un jour, un collecteur d’impôts est venu… Depuis, nous sommes dispensés d’impôts… - 0ui ! Je m’en souviens… Hihihi !… - Qu’est-ce qu’on a rigolé ce jour-là ! Tu te rappelles quand…- Assez ! Assez ! Hohoho ! - Et il n’est jamais revenu ? - Jamais ! Donc pas de revenu, pas d’impôts ! »
Peut-être, mais en tout cas cette affaire n’est pas nouvelle. Déjà, Christophe Arleston avait dû faire mentionner dans ses contrats le statut de coauteur de son dessinateur et de son coloriste pour qu’ils puissent prétendre au statut d’auteur.
Ce qui est incompréhensible, c’est que l’administration semble ignorer que ce statut d’auteur figure au contrat signé entre Dargaud, René Goscinny et Albert Uderzo et ce, dès les années 1960.
Il faudrait que le fisc lise aussi les quelque 200 interviews que Goscinny a données à propos d’Astérix. Jamais il ne dit « je », mais toujours « nous » quand il parle de la paternité d’Astérix.
Cette "pression fiscale" ne rend pas non plus justice à un auteur qui, sa vie durant, a tenu à payer ses impôts en France, alors que d’autres avaient choisi l’exil fiscal en Suisse ou ailleurs.
Absurde
On peut aussi le renvoyer à ce témoignage de René Goscinny dans Pilote qui montre bien leur méthode de travail :
« Tandis qu’Uderzo réunit une documentation graphique volumineuse, moi je lis avec soin des livres fort doctes (je citerai pour mémoire, les ouvrages de Jérôme Carcopino, de l’Académie Française, qui n’ont rien à gagner à être cités par moi, mais qui m’ont bien aidé pour écrire Astérix. Merci.) Après cela, je fais un long résumé de l’épisode, ou plutôt, un synopsis (d’aucuns disent : une synopsis. Il paraîtrait que c’est un erreur.) Ce synopsis, ou ce résumé, comme vous préférez, est assez copieux et divisé en paragraphes, chaque paragraphe représentant à peu près la valeur d’une page dessinée — un planche — de l’histoire.
Nous relisons une dernière fois ensemble le synopsis, et quand nous sommes bien d’accord, Ada sort du placard et nous offre une bière pour fêter ça. » [1]
Nous ne pouvons que recommander à Albert Uderzo de rejoindre le syndicat des auteurs de BD, le SNAC, et d’exiger du ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, celui qui a reçu un prix, on se demande bien pourquoi, lors du dernier festival d’Angoulême, qu’il se mouille la chemise pour défendre les auteurs de BD, faute de quoi, à 80 ans encore rugissants, Uderzo prendra la tête du cortège d’auteurs outragés qui se rendront de la statue d’Hergé au centre des impôts d’Angoulême pour manifester leur colère.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Albert Uderzo. Photo D. Pasamonik (L’Agence BD)
[1] Pilote, n° 157, 25 octobre 1962 - Les Secrets d’Astérix… ou comment travaillent pour vous les deux copains de Pilote, Goscinny et Uderzo.
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