Romans Graphiques

Storyville, une école du plaisir qui n’ouvrira malheureusement pas ses portes.

Par Louise Ageorges le 6 octobre 2023                      Lien  
Avec cet album, Lauriane Chapeau signe sa première histoire chez Glénat. De grands rideaux pourpres, des femmes dévêtues aux poses lascives, la couverture signée Loïc Verdier promet un récit haut en couleur. L'autrice s’attaque au plus vieux métier du monde dans Storyville, l'Ecole du Plaisir, un ouvrage féministe sûrement trop ambitieux.

Nous sommes en 1917 à la Nouvelle-Orléans. Santa Maria Del Sol a 17 ans lorsqu’elle perd ses deux frères des suites de la syphilis. La jeune femme est dévastée et la coupable toute trouvée. Il s’agit de Madame Lala la tenancière du Make love to me baby, l’un des nombreux bordels de Storyville, fléau vénérien de ce début de siècle.

Storyville, une école du plaisir qui n'ouvrira malheureusement pas ses portes.

Mais ses tentatives vengeresses échouent et notre héroïne se voit contrainte de faire la rencontre de ces drôles de pensionnaires. Le voile se lève, Santa Maria fait la rencontre d’un petit groupe de femmes aux profils atypiques et attachants. D’établissement mystérieux et mal famé, le Make love to me baby devient un espace de sororité et d’écoute. Si Lala s’applique à faire respecter ses filles, notre héroïne prédit un meilleur avenir à ses nouvelles acolytes en mettant leurs connaissances et leurs expertises au service du plus grand nombre. Les premières pierres de l’école du plaisir sont posées.

Storyville, l’école du plaisir traite du vaste sujet du plaisir féminin à une époque où les hommes expérimentent dans les bordels et les femmes durant la nuit de noce. L’autrice s’attaque aux violences sexistes et sexuelles mais mène une lutte globale contre les discriminations. Elle aborde notamment le racisme dans un lupanar tenu par une femme noire en pleine période ségrégationniste. A travers le point de vue souvent crédule et avide de justice de son héroïne, Lauriane Chapeau dénonce et rêve d’une fin heureuse pour ces femmes évoluant dans un milieu des plus hostiles.

Quartier emblématique de la Nouvelle-Orléans, lieu de débauches contrôlé et quadrillé, Storyville a bien existé, concentrant saloons, lupanars et autre boites de nuit. Connu comme le berceau du jazz, c’est avant tout à cette atmosphère multiculturelle transgressive et provocatrice que notre autrice rend hommage dans le récit.

L’immersion est totale notamment grâce aux dessins cartoonesques de Loïc Verdier. Les corps sont représentés dans une diversité de formes et de couleurs. L’illustrateur n’a pas peur de montrer le réel. L’idée n’est pas de sensualiser mais de revenir à des représentations plus crues. Que ce soit au travers du dessin ou du vocabulaire, appelons un chat un chat il ne faut pas avoir peur des mots pour rentrer dans cette fameuse école du plaisir.

Or, malheureusement, dans l’album, cette drôle d’académie ne prend vie qu’un court instant, notamment dans une double page explosive, burlesque et libératrice. La réalité rattrape nos enseignantes en herbes et le projet est aussi vite avorté. Discutée, inventée, fantasmée, l’expérimentation est de courte durée nous laissant sur notre faim face à un album qui comporte finalement de nombreuses longueurs.

Si cette bulle sorore et féministe égaye la lecture, l’album ne répond que partiellement à nos attentes, ne plaçant que les jalons d’un projet qui ne verra que brièvement le jour. Une fin certes réaliste car historiquement Storyville sera fermé par la municipalité le 14 novembre 1917, mais il reste frustrant de ne pas avoir pu rêver plus loin et plus longtemps.

(par Louise Ageorges)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782344046890

Storyville, l’Ecole du Plaisir - Par Lauriane Chapeau & Loïc Verdier - Ed. Glénat

Glénat ✍ Lauriane Chapeau ✏️ Loïc Verdier à partir de 10 ans Féminisme Pédagogie Humour Queer France
 
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