L’épreuve de force tourne au cauchemar pour le FIBD. Nous vous avions raconté récemment par le détail le conflit entre la manifestation angoumoisine et la Cité de la Bande Dessinée, fausse note majeure d’une édition 2011 plutôt réussie. « C’est la lutte finale » avions-nous même titré, en raison de la dureté des relations entre ces deux institutions devenues étonnamment concurrentes.
Le maire d’Angoulême, on s’en souvient, leur intimait même de s’entendre. Sur le papier, cela semblait une évidence, mais hélas pour l’édile angoumoisin, les institutions sont dirigées par des hommes et il n’est un secret pour personne que le directeur de la Cité Gilles Ciment a des rapports exécrables avec celui de 9eArt+ et cela ne se règle pas par un coup de menton.
Institution publique, société privée
L’origine du conflit vient du fait que l’entreprise privée de Franck Bondoux, 9e Art+, a réussi à imposer à l’Association du Festival, détentrice des droits sur la manifestation, un contrat exclusif de 10 ans pour la gestion de l’évènement angoumoisin. Une très bonne affaire qui lui garantit une subvention annuelle publique de plus de deux millions d’euros pour une manifestation qui dure quatre jours alors que Japan Expo, dont le succès et le rayonnement sont comparables, ne bénéficie pas d’un centime de fonds publics.
Fort de cette réussite, 9eArt+ ne manque pas d’assurance. En bon gestionnaire, Franck Bondoux optimise ses recettes et garantit autant qu’il le peut l’avenir d’une manifestation qui, il est vrai, a montré dans la dernière décennie toute sa fragilité.
Le problème est qu’il se montre particulièrement intrusif vis-à-vis de l’autre institution angoumoisine, la Cité de la BD, en multipliant les actes d’intimidation. On passe la question de prétendre régenter la programmation du Musée national de la BD durant le Festival, c’est finalement de bonne guerre.
Mais lorsque l’on arrive à interdire de publier sur le site de la Cité des informations concernant ses expositions qu’elle abrite, nous sommes dans la Pologne du Père Ubu. Dans le dossier de presse de lancement du Festival, la Cité était considéré comme un partenaire « financier » comme un autre, interdit de podium pendant la présentation, quasi absente du programme alors qu’elle hébergeait et était amenée à gérer partiellement l’exposition du président Baru par exemple. On peut aussi citer cette lettre d’avocat reprochant à la Cité d’avoir photographié la mangaka Riyoko Ikeda, alors que la plupart des médias, y compris ActuaBD, avaient pu la photographier librement.
Ces mesures vexatoires atteignent leur comble lorsque 9eAr+ tente de s’imposer dans le financement de cet établissement public national qui a rang de Musée de France qui, avec la Maison de la BD, joue un rôle majeur de carrefour de la bande dessinée internationale. N’oublions pas qu’elle détient le Dépôt légal de la bande dessinée dans notre pays. C’est cette institution-là que Franck Bondoux tente de régimenter en réduisant sa capacité de faire appel aux sponsors pour ses propres manifestations et expositions. On comprend ici que le conflit dépasse la question de personne.
Aussi, Michel Boutant, Président du Conseil régional, et président à ce titre de la Cité, a décidé de ne pas se laisser manœuvrer. Il a donné pour consigne de bloquer tout subside à 9eArt+ tant que Franck Bondoux ne revient pas avec de meilleures dispositions à la table de négociation, comme l’explique La Charente Libre de ce matin : « Le festival de la bande dessinée est dans la mouise. Au moment où il doit régler les nombreuses factures de la dernière édition, sa trésorerie n’est pas loin d’être dans le rouge. Les subventions promises par les collectivités ne sont toujours pas versées, à cause du conseil général. Après avoir demandé à sa vice-présidente Janine Guinandie de faire semblant de signer, pour la photo, la convention entre le département et l’organisateur 9èmeArt+, Michel Boutant a, en effet, décidé de bloquer sa subvention de 225.000€. Il attend la signature d’un « accord de paix » entre le festival et la Cité de la BD, dont il est le président. »
L’impasse
Or, si nous l’avons bien compris, ce blocage n’affecte pas seulement cette subvention directe, comme l’explique le quotidien régional : « …tant que le conseil général n’a pas validé la convention triennale qui lie le festival et ses partenaires publics, les autres collectivités hésitent, pour des raisons de légalité, à verser leur propre participation. Ainsi, le Grand Angoulême a bloqué au dernier moment son chèque de 540.000€, alors qu’il partait à l’encaissement. »
Dès lors, 9e Art+ est dans l’embarras, obligée d’avoir recours aux banques pour payer ses factures, avec les frais que cela occasionne. Franck Bondoux qui, à juste titre, soulignait lors de la conférence de presse de clôture du dernier festival, qu’ « on n’était pas au Pays de Oui-Oui » prétendant que cette négociation « ne le concernait pas », va devoir un petit peu revoir ses prétentions.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Lire aussi notre brève du 19 mars 2011 : Subventions bloquées à Angoulême : Quelques précisions
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