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Subventions bloquées pour le Festival International de la Bande Dessinée ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 mars 2011                      Lien  
Plus de 700.000 euros de subventions destinées au Festival sont bloquées en raison d’un conflit entre 9eArt+, la société qui a mandat de gérer la manifestation, et la Cité de la BD.

L’épreuve de force tourne au cauchemar pour le FIBD. Nous vous avions raconté récemment par le détail le conflit entre la manifestation angoumoisine et la Cité de la Bande Dessinée, fausse note majeure d’une édition 2011 plutôt réussie. « C’est la lutte finale » avions-nous même titré, en raison de la dureté des relations entre ces deux institutions devenues étonnamment concurrentes.
Le maire d’Angoulême, on s’en souvient, leur intimait même de s’entendre. Sur le papier, cela semblait une évidence, mais hélas pour l’édile angoumoisin, les institutions sont dirigées par des hommes et il n’est un secret pour personne que le directeur de la Cité Gilles Ciment a des rapports exécrables avec celui de 9eArt+ et cela ne se règle pas par un coup de menton.

Institution publique, société privée

L’origine du conflit vient du fait que l’entreprise privée de Franck Bondoux, 9e Art+, a réussi à imposer à l’Association du Festival, détentrice des droits sur la manifestation, un contrat exclusif de 10 ans pour la gestion de l’évènement angoumoisin. Une très bonne affaire qui lui garantit une subvention annuelle publique de plus de deux millions d’euros pour une manifestation qui dure quatre jours alors que Japan Expo, dont le succès et le rayonnement sont comparables, ne bénéficie pas d’un centime de fonds publics.

Fort de cette réussite, 9eArt+ ne manque pas d’assurance. En bon gestionnaire, Franck Bondoux optimise ses recettes et garantit autant qu’il le peut l’avenir d’une manifestation qui, il est vrai, a montré dans la dernière décennie toute sa fragilité.

Le problème est qu’il se montre particulièrement intrusif vis-à-vis de l’autre institution angoumoisine, la Cité de la BD, en multipliant les actes d’intimidation. On passe la question de prétendre régenter la programmation du Musée national de la BD durant le Festival, c’est finalement de bonne guerre.

Mais lorsque l’on arrive à interdire de publier sur le site de la Cité des informations concernant ses expositions qu’elle abrite, nous sommes dans la Pologne du Père Ubu. Dans le dossier de presse de lancement du Festival, la Cité était considéré comme un partenaire « financier » comme un autre, interdit de podium pendant la présentation, quasi absente du programme alors qu’elle hébergeait et était amenée à gérer partiellement l’exposition du président Baru par exemple. On peut aussi citer cette lettre d’avocat reprochant à la Cité d’avoir photographié la mangaka Riyoko Ikeda, alors que la plupart des médias, y compris ActuaBD, avaient pu la photographier librement.

Ces mesures vexatoires atteignent leur comble lorsque 9eAr+ tente de s’imposer dans le financement de cet établissement public national qui a rang de Musée de France qui, avec la Maison de la BD, joue un rôle majeur de carrefour de la bande dessinée internationale. N’oublions pas qu’elle détient le Dépôt légal de la bande dessinée dans notre pays. C’est cette institution-là que Franck Bondoux tente de régimenter en réduisant sa capacité de faire appel aux sponsors pour ses propres manifestations et expositions. On comprend ici que le conflit dépasse la question de personne.

Subventions bloquées pour le Festival International de la Bande Dessinée ?
La situation devient critique pour le Festival
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Aussi, Michel Boutant, Président du Conseil régional, et président à ce titre de la Cité, a décidé de ne pas se laisser manœuvrer. Il a donné pour consigne de bloquer tout subside à 9eArt+ tant que Franck Bondoux ne revient pas avec de meilleures dispositions à la table de négociation, comme l’explique La Charente Libre de ce matin : « Le festival de la bande dessinée est dans la mouise. Au moment où il doit régler les nombreuses factures de la dernière édition, sa trésorerie n’est pas loin d’être dans le rouge. Les subventions promises par les collectivités ne sont toujours pas versées, à cause du conseil général. Après avoir demandé à sa vice-présidente Janine Guinandie de faire semblant de signer, pour la photo, la convention entre le département et l’organisateur 9èmeArt+, Michel Boutant a, en effet, décidé de bloquer sa subvention de 225.000€. Il attend la signature d’un « accord de paix » entre le festival et la Cité de la BD, dont il est le président. »

L’impasse

Or, si nous l’avons bien compris, ce blocage n’affecte pas seulement cette subvention directe, comme l’explique le quotidien régional : « …tant que le conseil général n’a pas validé la convention triennale qui lie le festival et ses partenaires publics, les autres collectivités hésitent, pour des raisons de légalité, à verser leur propre participation. Ainsi, le Grand Angoulême a bloqué au dernier moment son chèque de 540.000€, alors qu’il partait à l’encaissement. »

Dès lors, 9e Art+ est dans l’embarras, obligée d’avoir recours aux banques pour payer ses factures, avec les frais que cela occasionne. Franck Bondoux qui, à juste titre, soulignait lors de la conférence de presse de clôture du dernier festival, qu’ « on n’était pas au Pays de Oui-Oui » prétendant que cette négociation « ne le concernait pas », va devoir un petit peu revoir ses prétentions.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Lire aussi notre brève du 19 mars 2011 : Subventions bloquées à Angoulême : Quelques précisions

 
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18 Messages :
  • Et si pour une fois, les auteurs de BD avaient leur mot à dire ? Après tout, tout le monde gagne de l’argent dans cette manifestation sauf les auteurs qui viennent gratuitement. Il serait plus que légitime qu’une association d’auteurs puissent agir, regarder et se prononcer quant aux choix faits.
    Cette manifestation est la notre. il est temps que nous nous imposions.

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    • Répondu par FB le 18 mars 2011 à  12:55 :

      Après tout, tout le monde gagne de l’argent dans cette manifestation sauf les auteurs qui viennent gratuitement.

      Les auteurs vendent des livres et sont payés avec les droits d’auteurs sur ces ventes. Ça n’est pas le cas ainsi dans tous les festivals ou séances de dédicace en librairies ?...

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      • Répondu par Kapchka le 18 mars 2011 à  15:58 :

        Si on veut, l’auteur qui signera 80 livres durant le festival touchera 80 euros !
        Pas mal pour 3 jours de boulot, non ?
        Sans compter que les éditeurs ne prennent pas les frais des auteurs pour aller au FIBD, pas le mien en tout cas,qui pleurniche dés qu’on lui parle défraiements !

        Par contre c’est les 3 x 8 sur places, interdit d’aller au WC, ou alors une fois par 1/2 journée, faut dédicacer, édicacer, édicacer ... Et gare à celui qui s’attarde trop aux toilettes !

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      • Répondu par maître Corbaque le 18 mars 2011 à  16:11 :

        Il n’y a pas de répercutions en terme de chiffre de vente pour les auteurs s’ils se déplacent ou non dans les festivals. Tout les auteurs vous le dirons (à part de trop rares exceptions). si nous venons, c’est pour rencontrer le public et faire la fête avec les amis. De plus beaucoup d’éditeurs sortent les ventes faites sur Angoulême des chiffres officiels en prétextant que cela leur permet de juste rentrer dans leurs frais. Cette pratique a été dénoncée à plusieurs reprises. Mais reste en vigueur.
        donc oui, les auteurs viennent gratuitement.

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    • Répondu par trocétro le 18 mars 2011 à  14:00 :

      Tout le monde gagne de l’argent sauf les auteurs et ... les éditeurs qui paient des stands à des coûts prohibitifs (sans compter transport/hôtel/repas ...). Ajoutez à cela que nos impôts financent une société privée alors que bon nombre de festivals français (avec entrée gratuite, en plus ...) ne sont gérés que par des bénévoles et sans le moindre financement hormis le leur ...
      On a là, un beau scandale. Scandale qui vient s’ajouter à ceux qui ont lieu chaque année à Angoulême, créés par ceux-là même qui s’en mettent plein les fouilles. Le neuvième art n’a franchement pas besoin de ça.

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    • Répondu par Al le 18 mars 2011 à  14:38 :

      Exactement, un nombre incroyable de parasites survit sur le dos des auteurs :
      A commencer par l’éditeur qui " exploite " ( dixit ) son oeuvre, si en plus des tas d’autres organismes viennent participer au festin, et s’en foute plens les poches ... alors que ledits concernés
      font déjà tout celà gratuitement, celà ne va plus du tout !

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      • Répondu le 19 mars 2011 à  00:06 :

        Pourquoi les auteurs ne s’auto-éditent ils pas ?...

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  • Déplaçons le festival à Cannes pile dans la foulée du festival du cinéma, on aura les girls à forte poitrine ! :D (et le soleil, la plage, la mer, les yatchs des princes arabes... )

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  • Une association loi 1901 touche des subventions... ok !
    Elle reverse les sommes à une structure privée... euh !

    très intéressant :
    http://www.verif.com/bilans-gratuits/9EME-ART-499371433

    merci pour cet article.

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  • Quel beau spectacle !
    18 mars 2011 13:04, par Reval Zelantius

    Encore une guerre des ego mélangée à la politique et, surtout, à des gros sous, qui plus est publics ! Quels que soient les griefs de chacun, on dirait une cour de récréation avec des gamins qui se chamaillent. On est peut être pas au pays de Oui-Oui mais ces intervenants devraient prendre leurs responsabilités. En particulier les autorités publiques qui attribuent ces marchés et ces responsabilités devraient tout de même définir des cahiers des charges précisant les obligations de fonctionnement entre le festival et la cité. Ces deux derniers se trouvent concurrents alors qu’ils devraient marcher main dans la main, mais qui a écrit le cahier des charges ? C’est pitoyable, irresponsable et indécent.
    Quant au mot à donner aux auteurs, ils ne sont pas les mieux placés pour intervenir dans ce genre d’organisation dont la maitrise n’a rien d’artistique. Même talentueux, ce n’est pas leur métier ni leur compétence d’organiser de telles grosses machines.

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    • Répondu par maître Corbaque le 18 mars 2011 à  16:16 :

      La compétence des auteurs...
      cher ami, soyons sérieux. d’abord, il me semble avoir parler d’une association d’auteurs. cette association peut embaucher quiconque lui semble bon pour mener à bien la mission dont je parle. de plus, il faut arrêter de prendre les auteurs pour de doux rêveurs ; nous avons tous un cursus avant de faire de la BD. Ce serait bien le diable si on ne trouvait pas quelqu’un aussi fiable que les charlots dont on nous parle plus haut.
      Au moins aurions-nous l’intelligence de ne pas mettre en péril notre festival.

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      • Répondu par Filître le 19 mars 2011 à  00:56 :

        nous avons tous un cursus avant de faire de la BD

        Non, certains n’ont rien fait d’autre que de la BD et n’ont aucune autre compétence. Bercovici a commencé la BD en professionnel à 14 ans, Walthéry à 15 ans etc... ( et certains auteurs sont tout bonnement pas très malins et incultes).

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  • Dans ce conflit, quelle est la position de l’Association du festival, composée pour partie - sauf erreur - des fondateurs "historiques et locaux" de l’évènement ? Soutient-elle sans rechigner les caprices de Bondoux et Mouchard ? Règle-t-elle des comptes perso (et locaux) avec Ciment et/ou les collectivités ? Dans quelle mesure l’Association du festival pourrait-elle revenir sur les termes du contrat "exclusif" qu’elle a passé avec 9Art+ ? Pourquoi ne le fait-elle pas ?

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    • Répondu par maître Corbaque le 18 mars 2011 à  16:06 :

      Vraiment de très bonnes questions...

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    • Répondu par ishimou le 18 mars 2011 à  16:58 :

      Ici, les débats passent et trépassent ainsi parlait ishimou. Il n’y a pas si longtemps un débat animé avait pour thème les dédicaces, on allait voir ce qu’on allait voir, le festival d’Angoulême allait être le théâtre d’un changement, des auteurs chevaliers prenaient la tête d’une armée de bonnes intentions et puis plus rien, malgré de très bonnes idées émissent par les intervenants de ce forum, un coup de gomme est passé sur les illusions et autres certitudes.

      Entre temps Fred et Frank sont venus rafraîchir l’atmosphère avec leurs beaux talents si différents. Merci encore d’avoir publié leurs témoignages.

      Quand va-t-on arrêter cette frénésie de publications, mettre ce soi-disant métier en jachère comme on le fait préventivement en agriculture pour ménager la terre ? Et surtout quand reparle-t-on d’art ?

      De grâce les fabriquants, laissez un peu reposer ce gros bordel du n’importe quoi et du tout publiable.

      Est-ce vrai que des malsains réfléchissent à profiter du malheur Japonais et de sa bande dessinée pour occuper leurs secteurs ?

      Ou alors passons déjà au débat suivant :

      L’encrage, à la plume ou au pinceau ?

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  • Sans déconner, c’est quoi toute cette faune auto-proclamée qui grenouille autour de ce festival, empoche les deniers publics, fais sa loi ! quelle est leur légitimité ?
    ils font la pluie et le beau temps semble-t-il, mais sont ce des auteurs ? des éditeurs, non ! Donc ils n’ont rien à faire là, qu’ils aillent donc NUIRE ailleurs !

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    • Répondu par la plume occulte le 18 mars 2011 à  22:01 :

      Mais alors qui va donner les prix arf arf ?

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    • Répondu le 18 mars 2011 à  23:55 :

      Finalement oui, la question est là : angouleme est le moment important pour le petit monde des bandes dessinées et il "appartient" à une association privée qui n’a de comptes à rendre ni aux auteurs, ni aux éditeurs, ni aux institutions nationales liées aux bandes dessinées. Que dire du comité de présélection constitué de membres systématiquement reconduits et dont on s’interroge toujours sur la légitimité à choisir les livres "marquants" de l’année. Que dire du choix des intervenants, de "l’esprit" du festival. On est bien loin de la bande de copains qui a fondé cette manifestation. On trouve, quel que soit le bout par lequel on aborde l’équipe du festival, du mépris, de la suffisance, et la certitude de savoir le vrai. Quitte à partir en guerre contre le monde entier. 9e Art rêve d’être le festival de Cannes. Malheureusement, son équipe ne vole souvent pas plus haut qu’un conseil d’administration d’entreprise privée, sur laquelle on aurait tartinée la suffisance cuistre d’un article de Chronic’art.

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