Votez Loki – Par Christopher Hastings, Langdon Foss & Paul McCaffrey – Panini Comics

L’élection présidentielle peine à soulever les foules dans l’univers Marvel. Les électeurs ne se reconnaissent pas parmi les candidats démocrates et républicains qui se présentent à eux. Pire, beaucoup voient en eux seulement des menteurs professionnels qui ne se préoccuperont plus des électeurs une fois au pouvoir…

À la sortie d’un débat présidentiel télévisé, un attentat contre les candidats mené par les terroristes de l’HYDRA surprend par son issue : le dieu de la malice, Loki, traînant dans les parages, leur sauve la mise !

Encore plus surprenant : le dieu du mensonge reconnaît les siens avec les candidats à la présidentielle et laisse carrément planer le doute sur sa propre participation au scrutin lorsque les journalistes lui posent la question !

Dans cette mini-série, le scénariste Christopher Hastings nous propose une métaphore à peine dissimulée de la vie politique américaine en 2016, dont les turpitudes semblent être devenues le lot de nombreuses démocraties occidentales de nos jours.

Dans ce récit, Loki n’est pas une caricature bas du front de la stratégie électorale menée à l’époque par Donald Trump. Elle invite au contraire à réfléchir aux rouages des nouvelles dynamiques parcourant les corps électoraux dans les démocraties contemporaines.

Loki assume de mentir ouvertement aux électeurs... Stratégie électorale qui se révélera payante ?

© Marvel

Au-delà des exubérances d’un candidat, Loki, qui ne se cache pas de mentir ouvertement aux électeurs, nous avons apprécié de voir le personnage illustrer comment la démagogie se nourrit aujourd’hui du dégagisme de plus en plus prononcé des hommes et femmes politiques. Une culture des réseaux sociaux qui invite à ne plus souffrir de la contradiction, un sentiment de déclassement qui se conjugue sans idéal à celui des autres, une volonté de changement immédiat sans mise en perspective… Loki n’a pas besoin de dérouler un programme pour l’emporter dans les suffrages.

Cette mini-série a aussi le bon ton de traiter de la place de l’information dans les démocraties contemporaines au travers d’une journaliste d’investigation qui croit en son métier et à son utilité sociale. Ayant souffert enfant de la malveillance de Loki (son appartement familial a été détruit par un combat entre les Avengers et leur éternel ennemi), cette journaliste ne croît pas trop au nouveau statut de Loki… Même en menant ses investigations dans les règles de l’art, Loki semble toujours avoir un coup d’avance sur elle pour retourner la situation en sa faveur, notamment dans la justification de ses fautes. Quand un peuple lit seulement les gros titres et non plus les articles eux-mêmes, peut-être que la faute morale n’incombe pas seulement au dieu de la malice...

En ce qui concerne l’écriture du personnage de Loki, on se retrouve ici face à la ligne tracée ces dernières années : un personnage ambigu, baratineur et cabotin mais néanmoins un peu en retrait face à son incarnation des dérives démagogiques des démocraties contemporaines. Le personnage n’en demeure pas moins charismatique. Le déroulé de son plan accroche et capte avec efficacité l’attention du lecteur.

Servi par les agréables planches des dessinateurs Langdon Foss et Paul McCaffrey (dans un style graphique qui fait plutôt penser à la scène indépendante américaine), Votez Loki est un album qui mérite le coup d’œil. Même si le message de l’album est aujourd’hui connu et anticipé, il n’empêche qu’il reste efficace et d’actualité. L’album se trouve complété par des épisodes patrimoniaux concernant Loki car la mini-série Votez Loki est composée uniquement de quatre chapitres.