Au sein d’un vaisseau colonisateur, Sixella dort en hibernation aux côtés de ses collègues. Tandis qu’elle rêve, le vaisseau subit une avarie et est contraint d’atterrir d’urgence sur une planète à proximité.
Secourue de justesse par Iris, robot anthropomorphe, l’exploratrice se réveille sur cette planète inconnue, parmi les débris de son vaisseau spatial. Iris et elle sont les seuls survivants du crash. Ils partent alors à la découverte de ce nouveau monde, peuplé de tentacules et de lianes. Mais cette étrange végétation ne constitue pas le plus lourd secret que cache la planète...
Avec ses planches souvent muettes mais très évocatrices, Sixella est un envoûtant conte de science-fiction. À mi-chemin entre onirisme et aventure, c’est finalement le jeu des symboles qui délivre le clé de ce récit majestueux.
On le doit à un jeune graphiste parisien qui se dissimule derrière le pseudo de Janevskey. Narrativement, le récit emprunte à beaucoup de références incontournables : on pense à Barbarella de Forest, une autre fameuse exploratrice, ainsi qu’à Druuna de Serpieri bien entendu, mais également à La Survivante de Gillon, elle aussi condamnée à errer seule auprès d’un robot qui satisfait ses attentes.
On ne retrouve pourtant pas chez Janevsky la tension des sentiments "passion-colère" qui animaient La Survivante. Chez Sixella, les aventures sont empreintes de douceur et de plaisir, sans gêne.
Il ne faut pourtant pas cantonner Sixella à une simple histoire érotique, comme d’autres qui utilisent de vagues prétextes pour présenter de joyeux ébats. Il n’y a déjà pas d’homme dans cet album, certes un robot et d’étranges lianes, mais rien qui puissent rappeler les élans virils du genre masculin, un choix qui génère beaucoup de douceur à l’ensemble. De plus, les rencontres et les aventures, sexuées ou non, nous entraînent dans une étonnante fin de récit, qui rend hommage aux histoires de Moebius.
La plume délicate de l’auteur s’inspire également de ce grand maître : hachures, contours délicats, jeux sur les volumes par de petits traits, lianes et autres éléments désignent Janevsky comme un héritier de Moebius. S’il était encore des nôtres, ce dernier lui aurait certainement consacré une jolie préface, comme il a pu le faire pour d’autres récits érotiques qui l’avaient touché.
On rêverait d’ailleurs à une édition grand format de Sixella, pour encore mieux profiter des détails et de l’ambiance de chaque case, et apprécier les regards parfaitement dessinés de la belle (mais néanmoins troublante) exploratrice.
Dernier élément qui participe pleinement à la magie de ce voyage, les couleurs pastels volontairement contrastées qui provoquent un effet vintage pop ainsi qu’un décalage généré par cet autre monde. Ces couleurs accentuent également la lisibilité du récit, tout en soulignant les lignes de l’héroïne.
Sixella est sans aucun doute la découverte érotique de cette rentrée littéraire. À découvrir certainement, sans complexe, tout en espérant que ce jeune graphiste continuera sur sa lancée avec autant de réussite.
(par Charles-Louis Detournay)
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Sixella de Janevsky - Dynamite. 48 pages - 16 €. Sortie le 24 septembre 2020