Il y a celle qui vise le tintinophile compulsif, heureux de découvrir "l’inédit pas vraiment inédit mais jamais vu comme cela quand même". C’est le cas du Hergé, le feuilleton intégral (1950-1958) [Casterman-Moulinsart].
Qu’apporte-t-il ? Le republication de Tintin dans son feuilleton d’origine, tel que le découvrit le lecteur du Journal Tintin dans les années 1950. La publication est prévue en 12 volumes et on commence par le volume 11. Avec, pour les commentaires, la collaboration des tintinologues Jean-Marie Ems, Philippe Mellot et l’incontournable Benoît Peeters.
Une autre chronologie d’une œuvre
L’objet est précieux : il reproduit tous les dessins (couvertures, bandeaux-titres, publicités, annonces, calendriers, culs de lampe...) publiés par Hergé dans le Journal Tintin au moment où paraissent les aventures de Tintin dans On a marché sur la Lune, L’Affaire Tournesol, Coke en Stock, mais aussi de Jo, Zette & Jocko : La Vallée des cobras.
Ces histoires étaient conçues pour le feuilleton, publiées parfois en bandes avec le fameux cliffhanger de fin de séquence. On peut donc découvrir des dessins qui ne figureront pas ultérieurement dans les albums.
L’ouvrage se termine par des commentaires savants sur les sources scientifiques ou historiques de ces albums, tirées des archives-même d’Hergé. Cette relecture apporte quelques interprétations nouvelles, parfois curieuses, comme celle d’attribuer le modèle du dictateur Plekszy-Glatz au maréchal polonais Pilsudski. Le jeu des "rimes d’images" initié par Huibrecht Van Opstal dans Tracé RG, continue son chemin...
Dans le chapitre "Hergé à l’œuvre", les auteurs s’appuient sur un autre genre de correspondance : celle des lettres échangées entre Hergé et les différents experts consultés au moment de l’élaboration de l’œuvre. Éclairants échanges entre le scénariste "propédeutique" de Blake et Mortimer, Jacques Van Melkebeke, le baroudeur-scientifique Bernard Heuvelmans, ou le dessinateur-ingénieur Albert Weinberg, mais également avec les scientifiques de l’espace comme Alexandre Ananoff, flatté que son ouvrage traîne sur la table du Professeur Tournesol.
Ces échanges expliquent autant l’œuvre que l’homme qui vit à ce moment-là une profonde dépression due à l’après-guerre, difficile pour les gens comme lui soupçonnés d’avoir collaboré avec l’ennemi, à une séparation annoncée avec son épouse Germaine, à un surcroît des responsabilités (Tintin est un succès et Hergé est le directeur artistique du journal). L’ouvrage se complète de photos personnelles et du fameux "Studio Hergé" qu’il organise pour faire face à cette situation compliquée. Une chronologie bienvenue, illustrée par une multitude de documents rares ou inédits, notamment des cartes d’anniversaire ou des papillons publicitaires, achève l’album.
Deux bémols sur cet ouvrage : son prix, de 80€, même si ce beau livre constitue un cadeau idéal pour les fêtes ; et le fait que les pages reproduites sont des scans du Journal Tintin. Car il faut savoir que, Tintin étant imprimé par le procédé de l’héliogravure et les albums par le procédé de l’offset, les couleurs étaient refaites. Les éditeurs n’ont apparemment par retrouvé les bleus de coloriage d’origine et se sont contentés de scanner les reproductions.
L’art lumineux d’Hergé
Moins cher (35€), L’Art d’Hergé (Gallimard / Moulinsart) emporte toute notre adhésion. D’abord par son auteur, Pierre Sterckx, récemment décédé, un critique d’art au regard acéré et doté d’un grand talent d’écriture.
Après une introduction biographique qui nous vaut quelques jolies photographies, on découvre le Hergé illustrateur et dessinateur pour la publicité, influencé par l’Art Déco et notamment Cassandre, puis par l’art chinois découvert grâce à l’ami Tchang. Le choix de Sterckx porte sur les différentes techniques : encre de Chine, gouache, gravure sur bois... Il aligne les "cases mémorables" dont il s’était fait jadis une spécialité dans Les Cahiers de la Bande Dessinée. C’est remarquable et cela rend justice à un grand dessinateur.
Passant ensuite en revue les 24 albums et les principaux personnages, il conclut sur l’art du dessin et sur la ligne claire d’Hergé. Hergé ne retient que les "lignes décisives" constate-t-il, c’est "un art de l’épure". Il explore sa perspective, son art du noir et blanc, parle de "beauté silencieuse", même quand c’est la musique qui est représentée. L’ouvrage se clôt sur les peintures réalisées par Hergé et surtout sur sa collection de peintures dont Sterckx, historien et pédagogue de l’art, a bien souvent conseillé l’achat : Lucio Fontana, Frank Stella, Serge Poliakoff, Roy Liechtenstein, Louis Van Lint, Tom Wesselman, Jean Dubuffet, Stefan De Jaeger, Andy Warhol qui fait son portrait. Un maître-ouvrage !Il sert d’ailleurs de catalogue à une exposition qui a lieu en ce moment à Londres, Tintin : Hergé’s Masterpiece, à la Somerset House.
Pour les fauchés et les curieux de Tintin, il y a ce Hors-Série Le Point, Les Animaux de Tintin. Le thème fait reculer : encore un prétexte pour nous vendre Tintin sous toutes ses formes ! Eh bien, non : Jacques Langlois qui cornaque ce numéro a une fois de plus la ressource de s’entourer de plumes fertiles et le bestiaire passé en revue s’avère passionnant.
Caramba, pas de raté !, et puis, pour 8,90€, on aurait tort de se priver.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Tintin : Hergé’s Masterpiece
Du 12 Novembre 2015 au 31 janvier 2016
Terrace Rooms, Somerset House, London
Entrée gratuite
Le site de l’exposition de Somerset House
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