Singulière initiative que cette exposition en hommage à Albert Uderzo dans la maison d’Aristide Maillol, l’un des plus grands sculpteurs du XXe Siècle… Le président du musée, Olivier Lorquin, prend cette présence comme « un grand honneur. » Mais il est en effet curieux de voir le travail de celui qui a créé parmi les icônes populaires pour la jeunesse les plus notoires du XXe siècle se trouver associé aux nymphes dénudées du sculpteur nabi.
Et pourtant, si elle est intrigante, cette rencontre n’est pas si paradoxale que cela : parce que cette exposition est avant tout celle d’un artiste aux qualités esthétiques majeures, et non pas une ixième expo Astérix. Si Maillol a été, après la mort de Rodin, le sculpteur le plus important de son époque, Uderzo fait partie, avec Hergé et Franquin qu’il vénérait, parmi les dessinateurs les plus influents de son temps.
Uderzo est aussi un sculpteur « en creux » qui a une conscience de l’espace comme personne. Quand le scénario de René Goscinny indique quelque chose comme : « - Il jette un légionnaire dans les airs comme il le ferait d’un magazine de TV », Uderzo vous le dessine en contre-plongée avec sous lui le camp romain et une vue panoramique des personnages sans que jamais on ne décèle la facilité voire la tricherie. Il y a chez lui une recherche du point de vue idéal unique en son genre.
Ce « sens spatial » - qu’il a acquis en observant le travail de Calvo, lui a particulièrement servi quand il a dû dessiner ses Mirage IIIc de la Patrouille des Aigles pour Tanguy et Laverdure. Son dessin est, au sens propre, « intelligent ».
Le génie d’Uderzo
Et c’est visible dans cette exposition, qui part de ses premiers dessins d’enfance. Deux choses frappent quand on regarde ces planches de près : c’est d’abord la minutie du détail. Un vrai travail de myope ! Chez Calvo, cette pratique se justifiait par des lunettes épaisses comme des culots de bouteille. Chez Uderzo, c’est un plaisir d’orfèvre.
L’autre chose qui frappe le visiteur, c’est la virtuosité et la propreté de l’encrage. Il n’y a quasi jamais de repentir. Cela s’explique par un crayonné fouillé et bourdonnant, un essaim de traits qui recherchent le graal de l’expression juste. On a beaucoup pinaillé sur le fait que l’original n’était pas l’œuvre, gna gna gna. Mais cette observation-là est impossible à faire sur un imprimé ! Ce genre d’exposition est nécessaire pour mieux comprendre l’œuvre achevée.
L’autre vertu de cette initiative est de remettre Uderzo dans la lumière (les Intégrale Uderzo de Philippe Cauvin y parvenaient également), de le remettre dans l’actualité et de redonner la parole à sa fille, Sylvie Uderzo, la très discrète commissaire de cette exposition conseillée par Artcurial, qu’une brouille avec son père avait écartée un moment des affaires.
Maintenant qu’Hachette est aux manettes d’Albert René, conduisant le navire-amiral d’Astérix vers de nouveaux horizons, Sylvie peut se pencher sur ce qui constitue, pour elle comme pour nous, un patrimoine. Vous pourrez voir son interview dans quelques jours sur ActuaBD.
Et petit à petit, la bibliothèque Uderzo se constitue. Avec un remarquable catalogue Uderzo – Comme une potion magique, publié par Hazan, un collectif d’articles et de documents absolument indispensables, et un numéro hors-série de Beaux-Arts Magazine, intelligemment orchestré, qui propose des angles inédits sur le créateur d’Astérix. On aurait tort de passer à côté.
Voir en ligne : Le site de l’événement
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Exposition Uderzo – Comme une potion magique
Musée Maillol
61 de la rue de Grenelle 75007 Paris
Du 27 mai au 30 septembre 2021.
Catalogue : Uderzo – Comme une potion magique – Ed. Hazan. 288 pages, 35€
Beaux-Arts Hors série - Uderzo – Comme une potion magique – 8,50€ — En kiosque
Photos : D. Pasamonik- L’Agence BD
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