Avec Rodolphe Lachat, on est souvent dans le référentiel. Déjà Huggin & Muninn renvoyaient aux corbeaux d’Asgard, deux noirs volatiles accompagnant Odin et dont les noms, en vieille langue scandinave, signifient « esprit » et « mémoire ».
Pour lancer Fantask, Lachat paraphrase Sacha Guitry : « Contre le mal, tout contre… » dit-il. Et de pointer cette gentrification de la culture populaire récupérée par le grand capital. Il écrit : « Les combats avant-gardistes d’hier seraient-ils condamnés au sort de reliques vénérées par les arrière-gardes d’aujourd’hui ? En quoi une revue pourrait-elle faire sens à l’époque de WhatsApp, dépassé par TikTok qui sera outrepassé demain par on-ne-sait-quoi d’encore plus instantané ? » Alors, il mobilise le mot « collector », rappelle que Fantask était une revue de super-héros publiée par les éditions Lug en 1969, interdite par la commission de contrôle et de surveillance de la Loi pour la protection de la jeunesse de 1949 en raison de sa « science-fiction terrifiante. » Aujourd’hui, c’est le futur-même qui nous terrifie.
Depuis, les temps ont changé : « ... la culture de l’émancipation a été dévorée par la culture de la distraction » écrit Lachat dans son éditorial. Les censeurs ignoraient que se forgeait là un nouvel avatar de mythologies ancestrales, à commencer par l’affrontement entre le bien et le mal.
Pour appréhender ce futur en mutation récupéré par la marchandisation, Lachat se fait bravache, revient à la publication « papier » « contre les faiseurs de désespoir virtuel et numérisé », revendique une critique « à l’ancienne », comme Bernière ses Cahiers de la bande dessinée, ce qui ne l’empêche pas de joliment renouveler le genre. Et de mobiliser, pour explorer le mal, « un revenant d’outre-tombe » : Fantask.
Au sommaire, du ciné avec des interviews de Jodie Foster et d’Anthony Hopkins, de l’imagerie avec la représentation fantasmatique du diable à travers la culture populaire, avec son avatar nazi, Hitler, devenu un véritable mythe, franchement tendance, servi avec le secours de toutes les saucières de la nazisploitation ; de la littérature et de la BD avec les (sexy, disent-ils) serial-killers de la murderabilia.
Bref, le mal dans tous ses états, exploré par le texte et par l’image. Ébouriffant.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Fantask n°1 : la tentation du mal – Mook Semestriel – 248 pages - 19,90 €
Disponible en librairie le 28 mai 2021
Photos : L’Agence BD.
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