13 Novembre 2015 – Le Procès – Hors-série de Charlie Hebdo – Les Échappés

Il a fallu un sacré esprit de résistance pour envisager la relance quasi immédiate de Charlie Hebdo, le fameux « numéro des rescapés », réduisant à néant l’objectif des assassins de faire taire le journal satirique.

Pourquoi faire un procès, ce sont des seconds couteaux que l’on juge ? On peut se poser la question car on mobilise pour l’établir une énergie folle : 1 800 parties civiles, quelque 300 avocats, des milliers de procès-verbaux et de plaidoiries… À quoi bon ?

Riss , le directeur de Charlie Hebdo, y répond : « Pour mettre de l’ordre dans nos têtes  », mettre les mots sur les choses : fanatisme, islamisme, intolérance religieuse… sans embrouiller l’esprit avec des amalgames pour les mettre face à la justice ; pour comprendre qui sont les accusés, leurs complices, leur mode opératoire, leur système de pensée, pour mieux les connaître et apprendre à défaire leur processus de haine ; enfin pour aider les victimes à, comme dit Riss, « émerger des ténèbres » où ces événements les ont plongés, permettre leur résilience, de comprendre que ces morts ne sont pas vaines : elles servent le combat pour nos libertés, notre mode de vie, notre civilisation.

Ces débats permettent de comprendre l’articulation de la mouvance terroriste qui passe par la Syrie… Comment le pouvoir, le gouvernement français, en particulier François Hollande présent à la barre, a géré ces événements exceptionnels. Ils permettent enfin de rendre compte des faits. Pour l’histoire, pour qu’aucun révisionnisme, aucun négationnisme ne soit possible et ceci sous la forme d’un document complet, détaillé, facile à lire, « populaire », où les témoins surtout, mais les accusés aussi, ont la parole. Un document irréfutable.

Il y a trois journalistes à l’écriture : Sylvie Caster, Lorraine Redaud et Xavier Thomann qui ont suivi les débats en les mettant quotidiennement en ligne.
Au dessin, ce sont Emmanuel Prost, Corentin Rouge et Benoit Springer -excellents dessinateurs de bande dessinée par ailleurs- qui font le job avec des dizaines de portraits d’une incroyable justesse. Dans cette nébuleuse de petits délinquants bas de plafond qui essaient de se mettre en valeur ou de se placer en victime, des complices qui plaident le cœur sous la main, on distingue la silhouette massive de Salah Abdeslam, fermé, radicalisé, que l’on aurait cru plus chétif. Victimes et accusés sont restitués dans toute leur humanité. Aucun cliché, aucun portrait horrifique des complices des assassins. Juste des faits, des victimes dans leur souffrance. Juste la justice.