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Grendel Vol. 3 - Par Matt Wagner - Tim Sale & Hannibal King - Urban Comics

Par Marc Vandermeer le 25 juin 2023                      Lien  
Dans ce 3e volume des récits de Grendel, Matt Wagner positionne sa trame au 26e siècle, où les pouvoirs du catholicisme et de l'argent dominent le monde. Un album captivant d'un bout à l'autre, terni cependant par un style graphique cafouilleur et désarticulé.

Grendel sous son aspect original n’est plus, mais chacun des hôtes dont il prend possession est victime d’une chute lente mais évidente et finit par trépasser.

Le deuxième volume se concentrait sur Christine Spar, petite-fille adoptive d’Hunter Rose, perturbée par le kidnapping et le meurtre de son fils. Le chef d’orchestre qu’est Matt Wagner développe dans ce troisième titre une nouvelle facette de son anti-héros en dépassant encore une fois ses propres codes. Il passe ainsi du polar à de la SF underground, nous plongeant dorénavant dans un 26e siècle où Grendel n’est plus personnifié, mais touche l’ensemble de l’Humanité, incarnant le mal-être d’une société toujours de plus en plus en perte de vitesse.

Avant d’en venir au vif du sujet, avec un personnage ayant en ligne de mire l’Église catholique, Matt Wagner nous balade le temps d’une centaine de pages dans le sillage de différents protagonistes tous autant désespérés les uns que les autres. C’est le cas d’Albert, écrivain de renom qui relate les aventures de Grendel à sa sauce personnelle mais qui, petit à petit, s’enfonce dans un délire obscur et imaginaire.

Même constat pour Charles Doré, PDG chez Omni Broadcasting, uniquement préoccupé par le contrat le plus juteux de l’histoire en matière de libre-échange. Qu’importe les dommages collatéraux ou les dettes que supportera le contribuable, seuls comptent ses propres dividendes...

Le 26e siècle comme le décrit Wagner constitue un terrain miné encore bien plus dangereux que notre cher 21e siècle. L’auteur dénonce la société matérialiste dans son ensemble, les individus ne servant qu’à puiser tout ce qui est consommable, dans l’abondance, dans l’excès le plus consternant.

Soulignons que peu de dialogues s’expriment dans ce début d’album, le scénariste n’utilisant souvent que des mots seuls qui résonnent sans cesse : Argent, pouvoir, luxe, dépenses… comme si le monde de demain empêchait de s’adresser la parole en formulant des phrases intelligibles, mais obligeait à se limiter à l’essentiel en ne balbutiant que des mots. Une approche stylistique par moments ennuyeuse, donnant de sacrés maux de tête, bien que l’on saisisse où Wagner souhaite nous mener.

L’auteur charge la barque en mettant en évidence les dogmes religieux, politiques, économiques, le tout truffé d’indices de cours de la bourse, de la chute d’un régime, du naufrage planétaire pour enfin parvenir au leitmotiv de ce recueil : l’Église catholique et son responsable, le cardinal John Emmett.

Ici, le politiquement correct est aux abonnés absents, laissant place uniquement à une débauche de considérations futuristes qui, espérons-le, ne verra jamais le jour. Trois entités donnent le ton et se partagent pour ainsi dire tout ce qui se présente à leurs yeux : Les médias, le Vatican et l’industrie pharmaceutique.

Au travers de spots publicitaires pour le moins déstabilisants, nous voyons défiler des produits apparemment efficaces pour être en relation avec le divin et dans un bien-être total, des pastilles pour une énergie inépuisable, des dérivés euphorisants... Un catalogue intarissable, pour le bien de tous, des enfants jusqu’aux personnes âgées.

Arrivé à ce stade, le lecteur ressentira tout de même un profond malaise par ce qui est présenté sous ses yeux. Matt Wagner étire sa trame à l’extrême et le trait classique de Tim Sale contribue dans ce sens, ne laissant aucun répit aux spectateurs.

Grendel Vol. 3 - Par Matt Wagner - Tim Sale & Hannibal King - Urban Comics
©Tim Sale / Urban Comics

Le dernier chapitre intitulé "Dieu et le Diable" met en place le grand bouleversement américain, responsable de 95% de radioactivité sur l’ensemble du globe. Dès lors, la religion, devenue souveraine et encore plus corrompue, est tenue de main de fer par son éminence Innocent III, régnant sur son immense tour en l’an 2530 juste avant l’ascension de Grendel. Bien que s’inspirant de paroles bibliques, le pape les utilise à son gré, les déformant afin de construire un empire luxueux comme jamais auparavant. Quiconque le défie se retrouve instantanément contraint à payer le prix fort, lors de séances de torture abominables. Les petits gens, quant à eux, versent des impôts les épuisant ; le fossé entre riches et ultra-pauvres atteint son paroxysme, ce qui favorise le retour du Diable, de Grendel

Cet épisode de Grendel atteint des sommets en matière de réflexion sur la nature humaine, ses déviances, sans oublier les différentes formes de manipulations témoignées envers les classes inférieures.

La partie graphique évolue cependant diversement. Pour les premiers chapitres, on a droit au duo Tim Sale & Hannibal King, qui illustre à merveille la noirceur de l’humain sous toutes ses formes, en aprticulier les plus malsaines. On peut lui reprocher un trop plein d’informations, avec une multitude de personnages grimaçants, maudissant, jurant à chaque planche, le tout couronné par un encrage épais et des couleurs agressives. Assommant à force !

La seconde partie de l’ouvrage voit l’apparition d’un autre duo : John K. Snyder III & Jay Geldhof, dans un registre plus exotique, mais lui aussi tape à l’œil. Un récital horrifique où tous les protagonistes sans exception nous apparaissent bouffis, grossiers, constamment en train de geindre ou gémir. Pas sûr en effet que cela plaise à tout le monde ! À force, on regrette le trait de loin plus abordable de Matt Wagner lors du 1er opus, voire le tandem Arnold & Jacob Pander qui assuraient également dans leur style éclectique.

Avec cette troisième brique imposante, le lecteur aura de quoi faire, il va sans dire. La trame toujours aussi attirante est adroitement construite mais malheureusement, on ne peut pas en dire autant de l’approche graphique, qui verse dans la surenchère la plus totale.

©John K Snyder III / Urban Comics

(par Marc Vandermeer)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9791026812135

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