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Jean-Pierre Coffe : "Je ne connais rien à la bande dessinée"

Par Charles-Louis Detournay le 10 février 2008                      Lien  
Personnalité charismatique et engagée, Jean-Pierre Coffe s'est lancé dans la bande dessinée en proposant une série de recueils de recettes inratables. L'occasion d'évoquer avec lui les réactions contrastées que cela a provoqué.

Comment êtes-vous venu à la bande dessinée ?

Jean-Pierre Coffe : "Je ne connais rien à la bande dessinée"
J-P. Coffe est l’une stars du show de Michel Drucker, "Vivement Dimanche !"
Photo DR

Totalement accidentellement ! Philippe Geluck, avec qui je partageais l’émission de Michel Drucker, en avait parlé avec Louis Delas, le PDG de Casterman : ils imaginaient une BD de recettes.

Il s’agit donc d’une commande ?

Si l’idée de base n’émanait pas de moi, je souhaitais rajouter un élément pédagogique pour toucher les lecteurs de 7 à 77 ans qui n’avaient jamais cuisiné de leur vie ! Quitte à énumérer les constituants de base de mes plats, je voulais évoquer que le chocolat ne vient pas que du marchand, mais bien d’un arbre, que l’eau ne coule pas que du robinet, et que tout le monde ne profite pas cette abondance. Je voulais reprendre le concept de mon ancienne émission sur France 3 : il faut faire de la pédagogie pour que les gens découvrent le plaisir !

La raréfaction de l’eau

Vous évoquiez, il y a peu, le problème des femmes qui travaillent, et qui négligent l’alimentation de leur famille …

Je pense que le fait que la maman travaille n’est pas une excuse valable pour abandonner à ses enfants devant une pizza ou leur donner une barre chocolatée en prétextant qu’on n’a pas le temps de cuisiner ! Surtout quand ces mêmes enfants sont fourrés devant la télé, un Nintendo, ou pendu au téléphone à 14 ans avec son copain pendant une plombe. J’en connais des femmes qui travaillent et qui ont des moyens : le soir, elles s’en foutent et font réchauffer un plat surgelé, mais c’est cinq fois plus cher qu’un repas facile, meilleur et sans conservateur. Pour moi, ce n’est pas un modèle d’éducation, et c’est pour cela que j’ai rédigé cet ouvrage : il faut réhabiliter l’esprit du partage et du repas pris ensemble. Dans mon idée, la famille se retrouve devant des recettes simples et privilégie donc une alimentation saine tout en prenant plaisir à cuisiner.

C’est donc le but de votre premier tome : recréer le lien entre enfants, parents et nourriture ?

Exactement ! Ces recettes inratables sont une activité ludique, sociale et saine. Revisitons les produits de base pour profiter d’être ensemble ! Prendre les mains de son gamin ou de sa petite fille pour lui faire mélanger la pâte, c’est un moment sensuel et de partage. C’est ainsi que j’ai voulu cette maquette spiralée pour sa solidité et dans le but de le poser ouvert verticalement sur le plan de travail.

Vous vous êtes mis en image comme personnage principal de votre album, car vous êtes devenu une figure publique, reconnue ?

Oui, car lorsque j’arrive, les enfants viennent souvent vers moi pour me demander un autographe. C’est l’effet télé, sans doute. Cela m’a été proposé par l’éditeur, chez qui on trouve beaucoup de personnes qui réfléchissent à l’esprit de votre album. Je les ai bien entendu écoutées, car je ne connais rien en BD. Pour vous dire, j’ai utilisé des illustrations de Loustal dans un précédent ouvrage, mais j’ignorais qu’il faisait de la bande dessinée, alors qu’il est, paraît-il, assez reconnu. On ne peut aller au théâtre et lire des romans, et tout connaître. Déjà, j’ai zappé la télé et le cinéma, et je me refuse à arrêter les livres, il faudrait que je trouve du temps pour le 9ème art …

Vous qui êtes souvent exubérant, car passionné, comment vous voient les Français selon vous ? Un illuminé, un connard, un trublion ou un prophète ?

Aucune idée, mais cela ne changerait rien à ma façon d’être. Je me définis comme un type indépendant, peut-être trop souvent excessif. Sans l’aimer, je l’assume, car cela fait partie de moi. D’ailleurs, dans ce monde de l’édition, c’est au nombre d’exemplaires vendus qu’on voit si vous êtes légitime dans un domaine, même si je regrette cette vision tronquée.

Vous évoquez souvent la modification salutaire du planning scolaire en incorporant une heure de cuisine par jour !

Mais pas seulement de cuisine ! Quand on traite l’histoire ou de géographie, c’est quand même pas compliqué de parler de produits ! Pour expliquer l’esclavage, il faut expliquer l’importance du sucre, et inversement, comme dans mon album.

Les professeurs ont peut-être du mal à couvrir l’étendue de leur matière et ne savent pas à quel moment ils empiètent sur le terrain de leurs collègues ?

À mon époque, juste après la guerre, on apprenait à recoudre des boutons et à cuisiner. L’un apportait un œuf, un autre un peu de farine et tous ensemble on s’associait pour réaliser un plat. Et même avant, quand on pense à Louis XIV qui envoyait un ingénieur des ponts pour faire le relevé des côtes américaines, on se dit qu’ils avaient la culture générale, et savaient plus de choses car ils s’intéressaient à ce qu’il y avait autour d’eux.

Mais vous parlez alors d’un temps où le minimum de la population avait accès à la culture et à la connaissance, alors que maintenant, c’est étendu à la grande majorité ?

Ah, non, actuellement, c’est le minimum des gens qui ont de la culture, ou alors ils ont la culture de leur ordinateur ! Je ne sais d’ailleurs pas si le livre va encore perdurer longtemps …

Pour revenir au vôtre, j’ai trouvé que vos introductions pédagogiques étaient opportunes et convaincantes, mais les cases développaient parfois un humour assez pauvre. Je sais que vous vous adressez à des enfants, et qu’il faut apporter un aspect drôle pour faciliter la connaissance, mais c’est parfois interloquant …

Quand on est co-auteur, on est obligé de respecter l’autre. Si on dévoie ma pensée en modifiant le fond, je réagis. Mais la forme est l’expression du dessinateur. Comme je ne lis pas du tout de bandes dessinées, j’ai un œil de novice, et quand on m’a dit « La clientèle, ce sont d’abord les enfants, il faut donc que ce soit rigolo », j’ai demandé s’ils étaient sûrs que ces derniers allaient rire avec cela ! Mais le plus important pour moi, restait l’existence même du livre, avec son utilité propre !

un premier tome, qui en appelle d’autres

On s’étonne quand même que vous ne fustigiez pas, comme à votre habitude, les poulets en batterie ou les légumes d’été en hiver, alors que vous les présentez dans votre album ! En lisant, il semble alors que le Jean-Pierre Coffe que l’on connaît n’est pas lui-même, qu’on l’a édulcoré …

Il n’a jamais été question de censure. Je ne voulais pas écrire un livre de combat car mon axe premier était la pédagogie.

Selon moi, quand vous expliquez des vérités sur le ton de l’information, vous ne dévoyez pas votre propos, tout en continuant à éduquer. Il ne faut pas attendre qu’un enfant ait 18 ou 20 ans pour comprendre ces évidences. Mais il ne faut pas que cette vision subjective vous choque.

Mais, si je ne voulais pas vous écouter, je partirais ! Au contraire, nous sommes en train de travailler sur les prochains volumes, et votre point de vue me semble fort pertinent.

Quels seront alors les thèmes abordés dans vos deux prochains recueils en préparation ?

D’abord les desserts inratables de l’été, puis en fin d’année, viendront les fêtes de Noël inratables. En Europe, il y une multitudes de personnages différentes et de recettes différentes à présenter. On présentera donc les folklores et les cultures de différents pays. Puis on sortira les recettes inratables espagnoles et italiennes.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

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Photo en médaillon : CL Detournay
Aucune reproduction sans autorisation
Les dessins sont © Domon/Coffe/Jungle

 
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6 Messages :
  • "Vous évoquiez, il y a peu, le problème des femmes qui travaillent, et qui négligent l’alimentation de leur famille …"

    Il me semble qu’en ce début d’année 2008, un autre élément de réponse aurait pu se dégager de ce "douloureux problème" :
    les PERES peuvent AUSSI cuisiner pour leur famille !

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    • Répondu par Jean-Paul Jennequin le 10 février 2008 à  15:15 :

      C’est bizarre, j’ai pensé exactement la même chose.

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  • Moi aussi je trouve que la cuisine n’est pas une activité féminine, mais plutôt du couple ; le père aussi est concerné par cela.Trop d’hommes ( surtout dans le secteur tertiaire) trainent exprès au travail pour mettre les pieds sous la table : ça aussi c’est une triste réalité !Et le pire, c’est que les femmes qui quittent le travail à des heures raissonables ( en général ce sont elles aussi qui vont chercher les enfants à l’école) sont montrées du doigt ( travailler pour gagner plus ?) et cela apporte de l’eau au moulin à ceux qui trouvent normal que les femmes sont payées 30% de moins que les hommes ! Alors monsieur Coffe, faites attention à vos propos d’un autre âge.Et c’est un homme de 45 ans qui vous le dit !Vivent les femmes !

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  • La bande dessinée sent le sapin.

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  • Allons les gens..!!! C’est Jean-Pierre-Coffe... Jean-Pierre-Coffe ! Même y’ met des grosses lunettes toutes rondes pour faire rigolo. Vous vous attendiez à quoi ? A Einstein ? S’il vous plaît, pouvons-nous l’oublier une fois pour toutes... et à jamais.

    Et son dessinateur y dessine comme le Gotlib des Dingodossiers. Bien vu, mais embarassant.

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    • Répondu par LO le 14 février 2008 à  12:47 :

      J’ai comme l’impression que les personnes qui s’expriment ici pour descendre cet album ne l’ont pas lu et se confondent dans une bétise qu’ils veulent dénoncer.

      J’ai lu ce livre et je trouve qu’il atteint ces objectifs. Sans honte, je peux le lire et l’offrir à des enfants ou a des cuisinier(e)s novices. Tout en étant à la fois drôle et instructif, il donne envie de se mettre aux fourneaux. Visiblement JP Coffe n’a pas fait qu’inscrire son nom en couverture, il a vraiment mis la main à la pâte, ce qui n’est pas toujours le cas pour ce type de publication.

      Certes, le dérappage sexiste de l’interview est regrettable. Mais on remarquera que le premier à évoquer la "ménagère" est l’intervieweur et non l’interviewé.

      Quant à comparer les dessins avec ceux de Gotlib, voilà un débat franchement trop salé. L’auteur de cette remarque devrait manger plus de carottes préparées par ses soins afin d’en présever toutes les vitamines, il paraît que c’est bon pour les yeux !

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