Kadath L’inconnue - Par Florentino Florez - Jacques Salomon & Guillermo Sanna - D’après l’œuvre de H.P. Lovecraft - Ed. Black River

La couverture, signée Jacques Salomon, qui travaille aussi sur les chapitres impaires du volume, en dit déjà long sur les créatures qui peuplent le monde des rêves : des femmes semblables à des Amazones, des goules avides de chair fraîche, une meute de chats...

L’aventurier blond en imper possède un petit quelque-chose de « John Constantine » dans les traits. Mais voilà leurs seules ressemblances, sachant que Carter est né sous la plume de H.P. Lovecraft en 1927 tandis que Constantine est apparu pour la première fois en Comics en 1988. Un contraste qui se découvre aussi entre le héros endormi et son double éveillé que le lecteur rencontre uniquement lors des interludes achevant chaque chapitre.

Si notre protagoniste est un homme dans la force de l’âge aux pays des songes, il n’est qu’un tout petit bonhomme dans la réalité. Des séquences d’éveil réduites à leur plus simple expression, dans un style graphique du siècle passé avec les enfants en marinières et les adultes en costumes trois pièces et robes longues corsetées.

Le dessin se veut homogène chez les deux auteurs avec un encrage épais, influant sur les contrastes sombres dans les dédales parcourus par l’intrépide chercheur. La colorimétrie est de circonstance avec une palette glauque, attestant de la vision obscure de Lovecraft pour l’Au-delà et son interprétation du divin. On est bien loin de ce que Neil Gaiman imaginait dans sa série Sandman en 1989... mais le sentiment d’évasion est similaire.

©Guillermo Sanna / Black River

Florentino Flórez, en intégrant le chat dans la trame principale de cette adaptation, permet au lecteur de jouir de quelques dialogues, loin des monologues de l’ouvrage d’origine. En compagnie du félin, Carter échange, interagit et finalement s’attaque à son compagnon de route qui le suivra dans toutes ses galères.

Car H.P. Lovecraft ne ménage pas son héros. Tantôt kidnappé pour être servi en pâture à des monstres informes, tantôt pourchassé par des chiens de pierre colossaux… Le pays des rêves donne envie de se réveiller ! Mais Carter tient bon. Dans ce récit, le parcours n’est pas un but en soi, mais bien la destination : elle est le moteur qui fait avancer l’aventurier toujours plus loin, dans les contrées les plus sombres, les plus malfamées et les plus étranges de l’esprit humain.

Dans un sens, on pourrait y voir un tour du monde de l’autre côté du miroir avec ses différents peuples indigènes possédant chacun leurs traits et caractéristiques propres. Un voyage vers l’Orient de prime abord, suivant ce marchand aux traits arabes. Voire, l’Asie, avec ces immenses statues aux yeux bridés. Une vision d’autant plus obscurcie de la colonisation du XIXe siècle que les pauvres hères sont des créatures squelettiques avec tout juste la peau sur les os.

Une percée dans la psyché de H.P. Lovecraft, revisitée par Florentino Flórez et magnifiée dans un style rétro par Guillermo Sanna & Jacques Salomon, dans La quête onirique de Kadath l’inconnue, jamais publiée du vivant de son auteur et donc restée inédite jusqu’en 1943 avant d’être revisitée aux éditions Black River pour le plus grand bonheur des fans du maître de la science-fiction.

©Jacques Salomon / Black River