1958. Le colonel Kaplan fait de nouveau appel au scientifique Nathan Masson et son compète Watanabé Sensei. Avec Line, ils doivent se rendre à Rome pour une mission peu orthodoxe : sauver Hitler ! Ou plutôt... sa doublure : Jules Lantier, germanophone distingué, acteur et imitateur à la ressemblance confondante. Un appât de choix élaboré par les services secrets français pour attirer et stopper le Kreis, un réseau d’anciens nazis constitué à partir de la rumeur selon laquelle le Führer serait toujours en vie.
Mais le KGB et la CIA sont également sur le coup : chacun espère pouvoir exhiber ce prétendu Hitler à son tableau de chasse. Et Rome ne va pas tarder à se transformer en une véritable pétaudière rassemblant les espions les plus redoutables de la planète...
Rappelez-vous, il y a six ans et demi, les librairies accueillaient un nouveau couple d’enquêteurs basé au cœur des années 1950. Dans un style résolument rétro, Kaplan & Masson se voulait autant une série hommage aux films d’après-guerre, qu’un nouveau duo aussi détonant que 100% français. Le tout était servi par Didier Convard et Jean-Christophe Thibert, les couleurs étant réalisées par Pixel Vengeur->art7194] .
Si l’auteur de Neige, de Vinci, de Tanâtos et du Triangle Secret était déjà bien connu des lecteurs, le dessinateur Jean-Christophe Thibert l’était sans doute un peu moins. Il avait pourtant fourni un superbe travail pour les deux tomes du Marteau des Sorcières (dessin et couleur), une série de la Loge Noire, justement la collection de Didier Convard, mais le temps de parution entre chaque album en avait plombé la réussite commerciale.
C’était d’ailleurs la réflexion que nous avions eue lors du premier tome de Kaplan & Masson : faudrait-il encore attendre près de cinq ans pour lire la seconde aventure déjà scénarisée par Didier Convard ? "Aucunement", nous avaient répondu les deux auteurs ! Certes, le premier tome avait nécessité de longues recherches documentaires, puis il avait fallu ré-encrer tous les premières planches sur un format inhabituel pour Thibert, car le travail de l’encreur initial ne les avait pas convaincus. Mais maintenant que ces réglages de démarrage étaient fixés, la suite sortirait sur des chapeaux de roues...
Et pourtant, il a fallu patienter plus de six ans pour lire cette seconde aventure... Elle peut heureusement se lire comme un one-shot, raison pour laquelle l’éditeur n’affiche pas la série en évidence afin de miser sur de nouveaux lecteurs. Ce n’est d’ailleurs pas le seul revirement, car seul JC Thibert est accrédité de l’album en couverture, et il faut attendre la page de titre pour que Convard soit honoré du scénario original. Que s’est-il donc passé ?
Au gré d’une de nos rencontres, Didier Convard nous l’avait tout simplement expliqué il y a quelques années. Thibert peaufine chaque planche à l’extrême, n’hésitant pas à la refaire ou à modifier en profondeur le découpage du scénariste. Une modification en entraînant une autre, on peut donc imaginer qu’avec les mois, l’esprit du scénario initial se soit transformé, au point que Convard ne désirait plus en être accrédité.
Que les fans se rassurent, la thématique imaginée par Didier Convard demeure, même si on s’éloigne du ton plus sérieux du premier tome, une volonté assumée par le scénariste. Cette touche d’humour s’amplifie d’ailleurs progressivement, jusqu’à presque atteindre la parodie au milieu de l’album, alors que quatre services secrets se canardent à tout-va pendant que ce sosie d’Hitler s’étouffe en prenant son petit déjeuner.
Même si cette aventure ne constitue pas un pastiche, on rit donc ouvertement, en se demandant jusqu’où va nous conduire ce méli-mélo d’aventures et de dérision inspiré des films d’espionnage des années 1950. Le tout reste bien entendu très bien servi par le trait posé de Thibert, dont la fine ligne claire lui permet régulièrement de mettre en scène plus de dix cases par page.
On regrette pourtant qu’en de rares occasions, il n’ait pas sacrifié quelques détails de petites cases pour en améliorer la lisibilité. Quelques onomatopées complémentaires et des lignes de mouvements auraient parfois pu apporter un peu plus de dynamique dans les scènes de poursuite afin d’éviter que la ligne claire ne fige l’action.
Qu’ils aient lu ou non le premier tome, Il faut sauver Hitler s’adresse donc aux amateurs des films d’espionnage et à l’ambiance particulière qui régnait en Italie dans la fin des années 1950. Au final, un très bon divertissement, qui aura peut-être une suite... ou pas !
(par Charles-Louis Detournay)
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Lire notre précédente interview de Convard & Thibert : « Kaplan et Masson sont plus qu’un clin d’œil à Blake & Mortimer »
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