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Kaplan & Masson, T. 2 : Il faut sauver Hitler - Par Jean-Christophe Thibert, d’après un scénario original de Didier Convard - Glénat

Par Charles-Louis Detournay le 5 avril 2016                      Lien  
Six ans après le premier tome, les agents des services secrets français des années 1950 nous reviennent dans un récit déjanté qui frise la parodie !

1958. Le colonel Kaplan fait de nouveau appel au scientifique Nathan Masson et son compète Watanabé Sensei. Avec Line, ils doivent se rendre à Rome pour une mission peu orthodoxe : sauver Hitler ! Ou plutôt... sa doublure : Jules Lantier, germanophone distingué, acteur et imitateur à la ressemblance confondante. Un appât de choix élaboré par les services secrets français pour attirer et stopper le Kreis, un réseau d’anciens nazis constitué à partir de la rumeur selon laquelle le Führer serait toujours en vie.

Mais le KGB et la CIA sont également sur le coup : chacun espère pouvoir exhiber ce prétendu Hitler à son tableau de chasse. Et Rome ne va pas tarder à se transformer en une véritable pétaudière rassemblant les espions les plus redoutables de la planète...

Kaplan & Masson, T. 2 : Il faut sauver Hitler - Par Jean-Christophe Thibert, d'après un scénario original de Didier Convard - Glénat

Rappelez-vous, il y a six ans et demi, les librairies accueillaient un nouveau couple d’enquêteurs basé au cœur des années 1950. Dans un style résolument rétro, Kaplan & Masson se voulait autant une série hommage aux films d’après-guerre, qu’un nouveau duo aussi détonant que 100% français. Le tout était servi par Didier Convard et Jean-Christophe Thibert, les couleurs étant réalisées par Pixel Vengeur->art7194] .

Si l’auteur de Neige, de Vinci, de Tanâtos et du Triangle Secret était déjà bien connu des lecteurs, le dessinateur Jean-Christophe Thibert l’était sans doute un peu moins. Il avait pourtant fourni un superbe travail pour les deux tomes du Marteau des Sorcières (dessin et couleur), une série de la Loge Noire, justement la collection de Didier Convard, mais le temps de parution entre chaque album en avait plombé la réussite commerciale.

C’était d’ailleurs la réflexion que nous avions eue lors du premier tome de Kaplan & Masson : faudrait-il encore attendre près de cinq ans pour lire la seconde aventure déjà scénarisée par Didier Convard ? "Aucunement", nous avaient répondu les deux auteurs ! Certes, le premier tome avait nécessité de longues recherches documentaires, puis il avait fallu ré-encrer tous les premières planches sur un format inhabituel pour Thibert, car le travail de l’encreur initial ne les avait pas convaincus. Mais maintenant que ces réglages de démarrage étaient fixés, la suite sortirait sur des chapeaux de roues...

Et pourtant, il a fallu patienter plus de six ans pour lire cette seconde aventure... Elle peut heureusement se lire comme un one-shot, raison pour laquelle l’éditeur n’affiche pas la série en évidence afin de miser sur de nouveaux lecteurs. Ce n’est d’ailleurs pas le seul revirement, car seul JC Thibert est accrédité de l’album en couverture, et il faut attendre la page de titre pour que Convard soit honoré du scénario original. Que s’est-il donc passé ?

Au gré d’une de nos rencontres, Didier Convard nous l’avait tout simplement expliqué il y a quelques années. Thibert peaufine chaque planche à l’extrême, n’hésitant pas à la refaire ou à modifier en profondeur le découpage du scénariste. Une modification en entraînant une autre, on peut donc imaginer qu’avec les mois, l’esprit du scénario initial se soit transformé, au point que Convard ne désirait plus en être accrédité.

Que les fans se rassurent, la thématique imaginée par Didier Convard demeure, même si on s’éloigne du ton plus sérieux du premier tome, une volonté assumée par le scénariste. Cette touche d’humour s’amplifie d’ailleurs progressivement, jusqu’à presque atteindre la parodie au milieu de l’album, alors que quatre services secrets se canardent à tout-va pendant que ce sosie d’Hitler s’étouffe en prenant son petit déjeuner.

Même si cette aventure ne constitue pas un pastiche, on rit donc ouvertement, en se demandant jusqu’où va nous conduire ce méli-mélo d’aventures et de dérision inspiré des films d’espionnage des années 1950. Le tout reste bien entendu très bien servi par le trait posé de Thibert, dont la fine ligne claire lui permet régulièrement de mettre en scène plus de dix cases par page.

On regrette pourtant qu’en de rares occasions, il n’ait pas sacrifié quelques détails de petites cases pour en améliorer la lisibilité. Quelques onomatopées complémentaires et des lignes de mouvements auraient parfois pu apporter un peu plus de dynamique dans les scènes de poursuite afin d’éviter que la ligne claire ne fige l’action.

Qu’ils aient lu ou non le premier tome, Il faut sauver Hitler s’adresse donc aux amateurs des films d’espionnage et à l’ambiance particulière qui régnait en Italie dans la fin des années 1950. Au final, un très bon divertissement, qui aura peut-être une suite... ou pas !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire notre précédente interview de Convard & Thibert : « Kaplan et Masson sont plus qu’un clin d’œil à Blake & Mortimer »

Glénat
 
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20 Messages :
  • Un dessin éblouissant !!

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    • Répondu par Mister XY, jeune homme ambitieux ! le 5 avril 2016 à  18:36 :

      Le retour de la ligne claire.

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  • Ca rappelle Léon La Terreur, mais dessiner comme Martin ou Jacobs en 2016 c’est comme venir à la Nouvelle Star ou The Voice pour chanter comme Tino Rossi ou Edith Piaf : hyper ringard ! Il y a un moment ou il faut se dire qu’on est au 21e siècle, pas en 1950.

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    • Répondu par Liaan le 5 avril 2016 à  18:48 :

      Votre commentaire et votre comparaison frisent la mauvaise foi !
      (je sens comme qui dirait un côté provocateur en Diable)

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    • Répondu par Philippe Wurm le 5 avril 2016 à  19:29 :

      Encore un qui croit avoir tout compris !

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    • Répondu le 5 avril 2016 à  23:52 :

      Le sketchUp utilisé pour les véhicules est bien de 2016, pas de 1950.

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      • Répondu par thibert le 6 avril 2016 à  13:28 :

        Non Monsieur , je n’utilise pas de sketchUp , ni pour les véhicules ni pour l’architecture . Il a fallu que je recherche sur Google le nom de votre sauce pour savoir de quoi il retournait. Pour votre gouverne : je suis une buse pour tout ce qui touche à l’informatique. L’informateur qui surveille mon travail par dessus mon épaule ( crénom, sans que je ne me sois aperçu de rien !) vous a très mal renseigné.

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        • Répondu le 6 avril 2016 à  18:27 :

          Pourtant le combi VW a une belle déformation photographique digne de SketchUp.

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          • Répondu le 7 avril 2016 à  02:21 :

            Les déformations photographiques peuvent AUSSI se faire manuellement. On n’a pas attendu les outils informatiques pour dessiner. Holbein le jeune pratiquait l’anamorphose au XVIe et pourtant il n’avait pas d’ordinateur.

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      • Répondu par Jerome le 6 avril 2016 à  16:50 :

        Quelle perfidie ! On ne dénombre plus les auteurs qui se servent des technologies contemporaines pour leur travail. Et ils auraient tort de se priver de cette nouvelle forme de documentation. En son temps, Hergé avait bien fait réaliser une maquette de la fusée lunaire...
        Aujourd’hui, c’est un autre type de support, d’assistance - si l’on peut dire. Par exemple, le reboot de Michel Vaillant utilise la modélisation en 3D pour ses décors et ses véhicules. Et il s’agit d’une série qui cartonne, contrairement à celle dont il est question ici, qui n’est (malheureusement) pas un immense succès de librairie.
        Si certains n’aiment pas la Ligne claire, à quoi bon passer son temps à l’écrire. Nous sommes en 2016 ? Bravo : vous avez tous votre agenda devant les yeux et vos montres sont à la bonne heure. En revanche, je ne vois pas l’intérêt de s’acharner sur le travail remarquable de Thibert.
        Au passage, si vous n’aimez pas J. Martin, sachez qu’en 2016, les éditions Casterman poursuivent son oeuvre, avec de très nombreux auteurs, et des spin-off. Je conseillerai donc à ceux qui ne sont pas admiratifs de la Ligne claire d’écrire directement à cet éditeur. Ou bien à celui de Michel Vaillant. Ces titres vendent beaucoup plus et je suis sûr que les directeurs éditoriaux de ces sociétés seront très intéressés par ces critiques hautement constructives !

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  • Quant à la genèse de l’album et à mon travail de scénariste:beaucoup de suppositions et bien peu de vérifications...

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    • Répondu par Oreste le 7 avril 2016 à  03:05 :

      Rectifiez Jean-Christophe, c’est le lieu pour ça.

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    • Répondu par Liaan le 7 avril 2016 à  07:38 :

      Bonjour
      J’ai lu votre ouvrage et un truc que je n’ai pas trouvé, ce sont les anachronismes. En effet, beaucoup de dessinateurs s’emparent pour leur fiction, des années 1950-1960, et accumulent les anachronismes (véhicules ou appareils n’existant pas à l’époque par exemple). J’en rigole bêtement lorsque j’en trouve. Et dans votre boulot, je n’en ai cherché, mais rien. Preuve de votre solide documentation.

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      • Répondu par Liaan le 7 avril 2016 à  14:36 :

        Chipotons au niveau anachronisme, la faute est bénigne malgré tout, et beaucoup d’auteurs actuels font cette erreur.
        Il s’agit de la page 7, vignette 2, scène où l’on voit un taxi qui normalement devrait être une Simca Ariane, et l’on voit en vignette 5, que cette auto est équipée de roues avec enjoliveurs façon roues à rayons, et surtout d’un monogramme V8, ce qui en fait soit une Ariane 8, ou une Trianon. Nous sommes en décembre 1958, et la crise de Suez date de deux ans (le prix de l’essence a nettement augmenté). IL est épatant qu’un chauffeur de taxi se serve d’un véhicule aussi gourmand en carburant... Mais tel n’est pas mon propos, le chauffeur de taxi avait le droit de rouler avec un V8 dispendieux. Je veux parler de l’éclairage des véhicules en ville en 1958. Tout le monde roulait de nuit, en ville, région parisienne, en feux de position, et non en feux de croisement comme actuellement, (hélas pour nos yeux et la visibilité générale, voir les enquêtes menées par les revues automobiles dans le début des années 1980). Les rares qui roulaient en code en ville étaient les gens de provinces, les "péquenauds" qui pouvaient venir de la Seine & Oise, les autos immatriculées "78".
        On aurait donc dû ne voir que les feux de position d’allumés dans cette vignette (que ce soit l’autobus Renault TN, la Citroën traction et, du coup, l’Ariane/Trianon). Les feux de position sur l’Ariane/Trianon sont à l’emplacement des clignotants.
        Mais comme je le disais, ce n’est qu’un petit anachronisme.
        L’erreur fréquente pour les dessinateurs actuels (ainsi que par les réalisateurs de films) est de reporter facilement les comportements sociaux de notre époque actuelle dans les reconstitutions de période anciennes. Par exemple, dans un récit qui se passe en 1950, on met des dizaines et des dizaines d’automobiles stationnées dans une rue de ville, les autos sont de la bonne période, mais leur nombre en est trop grand, en 1950, il n’y avait pas un si grand nombre d’automobile par habitant qu’actuellement.
        Pour voir "mon affaire des seuls feux de position allumés la nuit, à Paris), revoyez des films tournés à l’époque. Je citerais "Le Samouraï" avec Alain Delon et ses DS la nuit...

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        • Répondu par kyle william le 8 avril 2016 à  00:31 :

          Pinaillage pour pinaillage, le Samouraï a été tourné en 1967, pas en 1958…

          Je ne comprends jamais pourquoi on casse toujours les pieds aux auteurs de BD au sujet des moyens qu’ils utilisent… quelle importance qu’ils dessinent tout à la main, ou sur un ordinateur, avec ou sans documentation, avec modéles vivants ou photographie ou papier calque ou petites auto miniatures… du moment que l’histoire qu’ils racontent est intéressante et les images captivantes ?
          Faut il cesser d’emmener ses enfants voir des dessins animés parce que depuis 20 ans, les dessins ne sont plus fait à la main mais modélisés par un ordinateur ?
          EP Jacobs faisait poser des modèles pour toutes les attitudes de ses personnages, Hugo Pratt faisait dessiner ses voitures par un assistant dont c’était le métier. Noel Sickles ou Alex Toth et tant d’autres ne faisaient jamais une illustration sans une solide documentation photo. Qui osera dire qu’ils n’étaient pas de grand dessinateurs ? Les auteurs de BD sont des artistes et des raconteurs d’histoire, pas des performeurs de foire censés tout dessiner de mémoire, avec une exactitude parfaite, un souci de réalisme auquel les peintres eux-même ont renoncé avec bonheur il y a plus dun siècle, et le tout sans aucune aide technique et si possible en faisant les pieds au mur… pour un prix à la page qui ne cesse de baisser.

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          • Répondu par Liaan le 8 avril 2016 à  08:13 :

            Bonjour
            Vous avez tout bon.
            Je m’amuse aussi à trouver dans les bandes dessinées des éléments qui ont servi aux dessinateurs.
            Je pense au dessinateur Tenas qui a réalisé "Onkr", publié par le Journal de Mickey, en France. Les autos qu’il a utilisé dans ses premières aventures sont simplement copiées sur des Dinky-Toys qu’il avait acheté. On reconnais bien des modèles sortis vers 1961, année du dessin des planches. J’ai retrouvé par hasard, dans une revue "Réalité", une photographie de Paris qu’a repris le grand Maurice Tillieux, ou une image d’un document publicitaire sur ce fameux château (le Haut Koenigsbourg) reproduite par Jacques Martin dans "La grande Menace".

            Ce serait marrant de pouvoir répertorier toutes les documentations qui ont servi à tel ou autre dessinateur, à une époque ou Internet n’existait pas. Quoique en même temps, cela désacraliserait son travail. Il y a toujours un côté magique dans la lecture d’une bande dessinée...

            P.S. Pour le film "Le Samouraï", je faisais référence à l’utilisation des feux de position la nuit, dans les grande agglomérations, qui donc, étaient toujours employés en 1967.

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            • Répondu par Jerome le 9 avril 2016 à  13:04 :

              Cobaprint Editions a publié récemment un "Album Photos" de E. P. Jacobs où l’on voit l’abondante série de clichés pris par l’auteur ou son épouse pour servir de base à quasiment chacun des personnages des "Trois formules du Prof. Sato", tome 1. Ces éléments sont passionnant, pour un dessinateur, ou pour un amateur de bande dessinée. Mais à trop chercher les origines des oeuvres, on finit par avoir un effet boomerang. Et de voir bien des statues déboulonnées, dans tous les milieux.
              Comme par exemple Roy Lichtenstein...
              http://davidbarsalou.homestead.com/LICHTENSTEINPROJECT.html

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            • Répondu le 25 avril 2016 à  00:34 :

              C’est faux pour Alex Toth et la doc’ photo. L’homme -pas facile- affichait un grand mépris pour ceux qui utilisaient de la doc’ photo pour redessiner des images. Même envers ses copains comme Warren Tufts. Il s’est exprimé là-dessus. Lui il était plus qq’un qui cherchait à comprendre la forme. la mécanique et après à travailler de mémoire. Je ne dis pas qu’il avait raison et les autres tort, je dis qu’Alex Toth -selon ses dires- ne retranscrivait jamais une photo en dessin. Il s’en est fortement défendu- avec même un mépris un peu cruel envers certains collègues.

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  • J’ai pour habitude de ne pas participer aux forums. Toutefois, à la lecture des critiques (stériles) formulées sur le travail de Jean-christophe Thibert, je ne peux m’empêcher d’apporter mon soutien à cet immense artiste. Je ne connais pas personnellement Jean-christophe Thibert et l’ai simplement rencontré à de (trop) rares occasions lors de séances de dédicaces, comme le week-end dernier à Angers. Il est un auteur particulièrement sympathique et incontestablement surdoué. La sortie du T1 de Kaplan et Masson m’avait subjugué par la virtuosité du dessin et l’originalité de la mise en scène, le T2 est encore plus travaillé. L’histoire (Blake et Mortimer "à la française") et le trait (à la fois dynamique et rigoureux - les plis des costumes par exemple-) revisitent la Ligne claire et lui apporte une étonnante modernité. Comment peut on oser critiquer des artistes aussi talentueux et perfectionnistes pour d’insignifiants détails. Bravo Jean-christophe pour votre œuvre et excellente continuation.

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    • Répondu par luc thibault le 19 septembre 2020 à  19:38 :

      Je possède les 2 tomes de Kaplan & Masson texte de Didier Convard, dessin de Jean-Christophe Thibert.

      J’affectionne particulièrement le style de dessin de Thibert. J’espère toujours un T. 3 .
      Je possède aussi les 2 tomes : Le Marteau des Sorcières mais je préfère le dessin de Kaplan & Masson .

      Si il y a d’autres albums dessinés par Thibert, j’aimerais que vous me les confirmiez.

      Merci, Luc.

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