Will Eisner est probablement l’un des auteurs de comics les mieux traduits en français, avec de multiples éditions de ses romans graphiques chez Delcourt. Sa première grande œuvre n’est par contre que très partiellement disponible dans notre langue : The Spirit, feuilleton hebdomadaire de quelques pages paru entre 1940 et 1952, met en scène un détective aux aventures parfois loufoques, parfois dramatiques, entouré d’une galerie de personnages marquants, tels le commissaire Dolan et sa sempiternelle pipe, Ebony, un jeune garçon noir dont la représentation graphique donna plus tard lieu à quelques controverses, Ellen Dolan, l’éternelle fiancée du Spirit et figure pseudo-maternelle qui doit faire face à l’innombrable défilé de femmes fatales souvent plus intéressées par les muscles du Spirit que par les divers méfaits auxquels elles sont mêlées.
Les éditeurs français ne s’y sont pas trompés, qui ont consacré plusieurs couvertures à P’Gell, la plus célèbre des meilleurs ennemies du Spirit. Le mélange d’histoires dignes des films noirs de l’époque, d’études de petits personnages souvent broyés par la vie quotidienne et d’éléments fantastiques inspirés des grands auteurs de nouvelles du XIXe siècle comme Ambrose Bierce (Le Dictionnaire du diable) ou O. Henry montre la diversité des centres d’intérêt de Eisner, qui s’adjoindra par ailleurs divers assistants au fil des ans pour arriver à tenir le rythme des huit pages par semaine.
Eisner mettra fin à la série en 1952 et partira vers d’autres aventures professionnelles. Si ses romans graphiques, en commençant par Un Pacte avec Dieu en 1978, restent dans les mémoires, son travail d’enseignant de la bande dessinée est peut-être moins largement connu. Son influence sur des générations d’artistes est pourtant incontestable, et la publication à partir de 1985 de livres reprenant ses cours permet encore, plus de quinze ans après sa disparition, de se familiariser avec les réflexions d’un grand monsieur qui savait de quoi il parlait.
Le podcast qui suit constitue une tentative de thématiser la variété narrative que Will Eisner offrit aux lecteurs du Spirit, en particulier ceux d’après-guerre, quand son talent put se développer à loisir.
(par François Peneaud)
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