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La Princesse du sang, "caviar cubain"

Par Morgan Di Salvia le 10 août 2011                      Lien  
C’est avec fébrilité que l’on attendait la conclusion de La Princesse du sang, ultime roman inachevé de JP Manchette, adapté par Max Cabanes et Doug Headline (le propre fils du romancier). Grâce aux notes laissées par Manchette, les deux hommes ont réussi leur pari : une bande dessinée d'aventure âpre, mêlant l’espionnage, le roman noir et les préoccupations politiques de l’auteur.

Du côté du cinéma, il faut bien constater que jamais grâce ne fut rendue au talent de Jean-Patrick Manchette, dont les adaptations sur grand écran furent le plus souvent vampirisées sans grand génie par Alain Delon. En bande dessinée, le résultat est plus intéressant. D’abord grâce à Jacques Tardi, qui réalisa Griffu du vivant de Manchette, avant de s’atteler au début de ce siècle à une suite d’adaptations pour Les Humanoïdes Associés, puis Futuropolis. Cependant, ces adaptations avaient toujours pour cadre le corpus classique de l’œuvre de Manchette : des intrigues sociales, très ancrées dans la France post soixante-huitarde. Tout le défi de La Princesse du sang, outre le fait qu’il s’agissait d’une œuvre inachevée, résidait dans le choix de Manchette d’entamer un nouveau cycle dans sa carrière en situant son roman dans la moiteur cubaine. Pour les adaptateurs, il fallait faire exister le style Manchette hors de son « habitat naturel »…

La Princesse du sang, "caviar cubain"
Un extrait de "La Princesse du sang T2"
© Cabanes - Manchette - Dupuis

C’est dans la jungle cubaine que se déroule l’essentiel de l’intrigue de La Princesse du sang. Une reporter photographe du nom d’Ivory Pearl décide d’y prendre une année sabbatique, sur les conseils de son mentor Robert Messenger, militaire britannique à la retraite. Admiratrice de Robert Capa, Ivy profite de ces moments hors du monde pour réaliser un grand reportage animalier. Mais bien vite, elle rencontre un intrigant duo (un homme et une jeune fille), visiblement convoité par plusieurs puissances…

Ivory Pearl dans la jungle
Ex-libris réalisé pour la librairie La Main Blanche à Waterloo © Cabanes - Manchette - Dupuis

La toile de fond de ce diptyque est éminemment politique. En effet, c’est l’insurrection hongroise de 1956 qui est l’élément déclencheur d’un chantage, qui amène des non-dits en cascade puis un imbroglio géopolitique qui donne toute sa densité au récit. La course-poursuite dans la jungle qui occupe la majeure partie du second album coïncide avec le retour clandestin de Fidel Castro, Ernesto « Che » Guevara, et Raul Castro sur les terres cubaines. Alors que la guérilla communiste contre le général Batista bat son plein, la Sierra Maestra est le cadre d’une autre bataille sans merci, de laquelle Ivy et sa jeune protégée Negra vont devoir s’échapper.

Max Cabanes et Doug Headline ont réussi à donner de la cohérence à ce roman inachevé. Dans son dessin, Cabanes épouse les canons des années 50, avec Capa et le magazine Life comme références principales. Certes, le texte n’est jamais aussi bon que lorsqu’il s’agit d’un récitatif de Manchette, mais dans le délicat travail d’adaptation, Headline s’en sort avec brio.
L’intrigue est dense, complexe parfois, mais les récents films de James Bond [1] ont prouvé qu’un récit d’espionnage moderne ne doit plus forcément céder à la simplicité. Les amateurs de roman noir devraient apprécier cette Princesse du sang comme un "caviar cubain" de premier choix.

(par Morgan Di Salvia)

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A propos de Manchette, Cabanes et Headline, sur ActuaBD :

>« Nous avons adapté Manchette à la machette ! » (entretien en octobre 2009)

>La Princesse du sang : le dernier roman de Manchette achevé en bande dessinée.

> « Watchmen » : Doug Headline est prêt à offrir gratuitement la traduction par Jean-Patrick Manchette à Panini

> Bellagamba T2

> Dans les villages intégrale T1 à 4, T7

> La Maison Winchester

> Le Petit bleu de la côte ouest

> La Position du tireur couché

> La Princesse du sang T1

[1Casino Royale et Quantum of Solace, dont les scénarios avaient été peaufinés par le cinéaste canadien Paul Haggis, lauréat de 2 oscars.

 
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3 Messages :
  • La Princesse du sang, "caviar cubain"
    11 août 2011 02:21, par Alain Perfide

    Du côté du cinéma, on peut quand même signaler "Nada", réalisé par Chabrol himself. Ce n’est pas rien...

    Répondre à ce message

  • La Princesse du sang, "caviar cubain"
    11 août 2011 16:23, par Sergio SALMA

    Attention à ne pas réduire les livres de Manchette à la seule époque. Utiliser la formule " période post soixante-huitarde" c’est très très méchant. Il a commencé dans les mouvements d’idées, il avait une opinion. Et même si les années 70 sont forcément post-soixante-huitardes ;-) c’est tout à fait autre chose. ça y est sans doute relié ( qu’est-ce qui ne pourrait pas l’être ?! ) mais c’est absolument anecdotique. Bien sûr, on schématise pour expliquer le cheminement des idées mais la formule induit une fainéantise de la part de l’écrivain. C’est un peu plus subtil que ça, je crois.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Morgan Di Salvia le 12 août 2011 à  15:20 :

      Il n’y avait évidemment aucune méchanceté dans l’expression "post soixante-huitarde", il faut comprendre cela comme un repère chronologique.

      Répondre à ce message

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