Elles étaient parues entre 1955 et 1956 dans Le Moustique, un hebdomadaire où bon nombre de dessinateurs des éditions Dupuis (Morris, Franquin, Jijé, Will, Sirius…) exerçaient leur talent. Un certain René Goscinny aussi qui, sous divers pseudonymes (Malbecq, Macaire, Jacob...) y écrivait des nouvelles policières, mais produisait des dessins aussi qu’il publiait dans cet hebdomadaire à travers l’agence de Georges Troisfontaines, la World Press, grand fournisseur de matériel éditorial aux éditions Dupuis (Buck Danny, L’Oncle Paul, etc.).
Il y rencontre un jeune cartoonist français du nom de Jean-Jacques Sempé. « Sempé faisait dans ce journal des dessins humoristiques avec un petit personnage et on lui a proposé d’utiliser celui-ci pour une bande dessinée. Comme il ne faisait pas de scénario, on m’a appelé, l’idée m’a plu » raconte Goscinny. 28 planches sont produites (trente selon Goscinny dans son interview aux Cahiers de la bande dessinée). Elles étaient signées Sempé et… Agostini, un pseudonyme utilisé par René Goscinny à cette époque. C’étaient des gags en une planche dans la droite ligne des « Family Strips » américains comme il en produira d’autres pour le Modeste & Pompon de Franquin quelques temps plus tard.
Or, c’est le moment où le jeune scénariste entre en conflit avec son patron pour avoir osé tenter d’associer plusieurs collègues à une position commune sur les tarifs et les pratiques professionnelles vis-à-vis des éditeurs. Cette action « syndicale » avait déplu à Troisfontaines qui l’avait viré aussi sec, entraînant la démission solidaire de Jean-Michel Charlier et d’Albert Uderzo avec les conséquences que l’on connaît, notamment la création du Journal Pilote. La BD du Petit Nicolas en était restée là, au grand soulagement de Sempé pour qui la bande dessinée était un sacerdoce insupportable.
Or, le dessinateur bordelais travaillait aussi pour le quotidien régional Sud-Ouest. Trois ans plus tard, en mars 1959, on lui avait demandé un conte illustré pour enfants pour le numéro Spécial de Pâques de Sud-Ouest Dimanche. Il pensa à son Petit Nicolas et demanda à Goscinny de lui écrire un texte. Le succès fut tel qu’on lui demanda d’en écrire d’autres. En octobre, la série faisait son entrée dans le Journal Pilote. On connaît la suite…
Or ces planches initiales n’avaient jamais été réunies en album, pas même dans un fanzine. Cet oubli sera réparé le 12 octobre prochain alors que l’on commémorera par ailleurs les 40 ans de la disparition de René Goscinny au travers de deux grandes expositions seront consacrées au scénariste cet automne.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Le Petit Nicolas - La bande dessinée originale - 48 pages – Par Sempé et Goscinny – Editons IMAV - Prix : 12,90 euros
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